Une déclaration ministérielle qui fait écho au discours d’investiture, mais...
Le Premier ministre désigné, Nawaf Salam, et le président Joseph Aoun. ©Palais présidentiel

Pour la première fois depuis de nombreuses années, le triptyque “armée-peuple-résistance” n’existe pas dans une déclaration ministérielle. Le texte, approuvé lundi soir, a cependant maintenu une notion élastique pour “le droit à la défense contre l’agression”.

Le gouvernement, réuni lundi soir à Baabda, sous la présidence du chef de l’État, Joseph Aoun, a approuvé la déclaration ministérielle sur base de laquelle il doit obtenir la confiance du gouvernement.

Le texte, élaboré par une commission présidée par le Premier ministre désigné, Nawaf Salam, et composée du vice-président du Conseil, Tarek Mitri, et des ministres Ghassan Salamé, Yassine Jaber, Fayez Rasamny et Joe-Issa el-Khoury, a été approuvé sous une forme modifiée.

Les amendements apportés vont dans le sens d’un renforcement du principe de la primauté de l’État, sur lequel le président Aoun a insisté dans son discours d’investiture. Il n’est plus question du fameux triptyque “peuple-armée-résistance”, mais d’une insistance sur le droit de l’État à décider de la guerre et de la paix –un pouvoir que le Hezbollah s’était jusque-là arrogé- et à avoir le monopole des armes.

Il n’en demeure pas moins que dans l’alinéa relatif à Israël, le gouvernement mentionne le droit du Liban et non pas de l’État à “l’autodéfense en cas d’agression”. Une mention élastique qui peut donner lieu à différentes interprétations et qui a été sans doute maintenue, en dépit des protestations des ministres proches des Forces libanaises, pour ne pas “heurter” le tandem Amal-Hezbollah.

D’autres modifications plus rassurantes ont été néanmoins introduites au texte, comme “celles de la neutralité par rapport aux conflits régionaux” qui n’existait pas dans le projet de déclaration ou encore la reformulation d’un passage relatif au monopole des armes. Dans la mouture du document présenté au Conseil des ministres, il était écrit que “le gouvernement “appelle” à mettre en application ce qui a été prévu dans le discours d’investiture au sujet du droit de l’État au monopole des armes et à engager un débat autour d’une politique de défense qui serait partie intégrante d’une stratégie de sécurité nationale aux niveaux diplomatique, économique et militaire”. La mention d’appel a été supprimée pour être remplacée par un engagement de l’État à mener ce processus.

Dans le cadre des réformes énumérées par le gouvernement, “un audit pénal” des ministères et des administrations est prévu, une mesure qui n’existait pas dans la première mouture de la déclaration ministérielle.

Selon le ministre de l’Information, Paul Morcos, qui a cité le président Aoun, “la Constitution ministérielle est composée à 80% de l’accord de Taëf et à 20% du discours d’investiture”.

Le texte, dans sa version finale, devrait être rendu public dans les prochaines heures.

Voici du reste les principales idées qu’il prévoit :

 

Décision de paix et de guerre:

-L’État que nous voulons assume entièrement la responsabilité de la sécurité du pays et la défense de ses frontières.

-La gouvernement libanais, solidaire, s’engage à défendre la souveraineté du Liban, l'unité de son peuple et son intégrité territoriale, conformément à l’accord d’armistice du 23 mars 1949, ainsi que les arrangements particuliers qui ont mis fin aux hostilités (entre Israël et le Hezbollah) et auxquels le gouvernement précédent a adhéré le 27 novembre 2024.

-Il s’engage à prendre les mesures qui s’imposent pour libérer l’ensemble du territoire libanais de l’occupation israélienne, à y étendre la souveraineté de l’Etat, par ses propres forces, et à déployer l’armée aux frontières internationalement reconnues.

-Il souligne le droit du Liban à l’autodéfense en cas d’agression, conformément à la Charte de l’ONU.

-Il mettra en exécution le contenu du discours d’investiture du président de la République au sujet du droit de l’État à monopoliser les armes et débattra d’une politique de défense, qui serait partie intégrante d’une stratégie de sécurité nationale établie aux niveaux diplomatique, économique et militaire.

-L’État doit détenir la décision de guerre et de paix. Son armée doit avoir une doctrine de combat défensive pour protéger son peuple.

-Le gouvernement s’engage pour cela à renforcer les forces armées légales.

-Le Liban ne doit pas constituer une plateforme pour des attaques menées contre des pays frères et amis. Il adoptera une politique de neutralité par rapport aux conflits des axes.

-Le gouvernement s'engage à protéger les libertés des Libanais, leur sécurité et leurs droits fondamentaux, avec une priorité accordée à leur à une vie digne.

Reconstruction:

-Le gouvernement accélérera la reconstruction des zones dévastées (par la guerre entre Israël et le Hezbollah) et financera les efforts via un fonds transparent.

Réformes et gouvernance:

-Le gouvernement s'engage à une réforme complète de l'État, en mettant en place des lois et des règlements pour renforcer l'efficacité et la transparence, tout en respectant les principes de non-discrimination entre les différentes communautés. Aucun poste ne sera réservé à une confession déterminée.

-Le pays doit avoir un secteur public efficace, avec des nominations basées sur la méritocratie et l'égalité, notamment au sein des conseils d’administration et des organes de régulation des secteurs de l’électricité, des télécommunications.

Justice et droits humains:

-Le gouvernement affirme son engagement à renforcer l'indépendance de la justice et à garantir l'égalité de tous devant la justice, en luttant contre la corruption et en assurant la protection des droits des citoyens.

-Des efforts seront déployés pour résoudre les affaires judiciaires importantes, en suspens, notamment l'explosion du port de Beyrouth et les affaires de corruption financière.

Sécurité intérieure:

-Le gouvernement mettra en œuvre une politique de sécurité pour assurer la protection des citoyens contre la criminalité, y compris le trafic de drogue et le blanchiment d'argent, en dotant les forces de sécurité des moyens nécessaires pour accomplir leur mission.

Réformes économiques et sociales:

-Le gouvernement s'engage à réformer l'économie, en rétablissant la stabilité financière et en cherchant à accroître la croissance économique à travers l’investissement privé et l’encouragement des secteurs productifs.

-Des mesures seront prises pour réformer le secteur de l’électricité et pour développer des solutions énergétiques durables et accessibles.

-Des efforts seront menés pour assainir les finances publiques, rationnaliser les dépenses et redresser l’économie, à travers une coopération avec le FMI pour l’établissement d’un nouveau plan.

-L’affaire des dépôts bancaires sera prioritaire.

-Le gouvernement s'engage également à améliorer le système de santé et à soutenir les couches sociales les plus vulnérables.

Politique étrangère et souveraineté:

-Le Liban vise à restaurer son rôle au sein du monde arabe et sur la scène internationale, en restant fidèle à sa politique de neutralité tout en assurant sa souveraineté face aux pressions extérieures.

-La relation avec la Syrie sera orientée vers un dialogue respectueux de la souveraineté des deux pays, avec un accent particulier sur la protection des frontières et la gestion des réfugiés syriens.

-Le Liban rejette l’implantation des réfugiés palestiniens et réaffirme son engagement à défendre leur droit au retour des Palestiniens. Il exercera sa souveraineté sur l’ensemble du territoire national, y compris les camps de réfugiés.

 

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