Un équilibre délicat à Bkerké
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À la tête du patriarcat maronite d’Antioche et de tout l’Orient depuis quatorze ans, le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, a privilégié une politique d’ouverture, mais en insistant particulièrement sur la neutralité positive du Liban, plaidant pour la tenue d’une conférence internationale afin de consolider cette orientation.

Mgr Raï a été élu le 15 mars 2011, pratiquement le jour du début du mouvement de révolte contre le régime de Bachar el-Assad en Syrie, succédant au patriarche Nasrallah Sfeir, qui avait démissionné un mois plus tôt. Avec vingt-cinq années à la tête de l’Église maronite, Mgr Sfeir détient le record de longévité à ce poste, exerçant sa fonction jusqu'à l’âge de 91 ans.

Élu patriarche en 1986, alors que la guerre battait son plein dans le pays, Mgr Sfeir s'est particulièrement distingué par son opposition farouche à la présence et à l’hégémonie syriennes au Liban, soutenant sans ambiguïté les personnalités et les initiatives souverainistes.

À l’inverse de son prédécesseur, Mgr Raï n’a pas adopté de positions tranchées, préférant une approche politique plus inclusive vis-à-vis de toutes les parties au Liban.

Alors que Mgr Sfeir avait choisi de boycotter le régime syrien, refusant de se rendre à Damas, le patriarche Raï s’est rendu en Syrie en 2013, soit deux ans après son élection, pour une “prière à l’intention d’un pays dévasté par la guerre”. L’année suivante, il devait se rendre à Jérusalem où le pape François effectuait une visite, s’attirant les foudres d’un Hezbollah, qui depuis 2008, resserrait progressivement son emprise sur le pays.

Mais entre-temps, le discours de Mgr Raï, plus ou moins conciliant par rapport au Hezb au début de son mandat, avait progressivement commencé à changer. Il s’était plus particulièrement durci avec l’engagement militaire de la formation pro-iranienne en Syrie, puis avec le vide présidentiel qui a suivi la fin du mandat de Michel Aoun. Ses appels répétés à une neutralité positive au Liban étaient critiqués par celle-ci. Entre Bkerké et Haret Hreik, les relations étaient très tendues, notamment sous le mandat de Michel Aoun, qui avait cautionné les armes du Hezb.

Toutefois, sous la présidence de Michel Aoun, il a tempéré ses positions, évitant toute confrontation directe avec l’ancien chef de l’État, bien qu’aucune réelle harmonie n’ait existé entre eux.

Sur le plan ecclésiastique, Mgr Raï n’a pas entrepris de réformes majeures des structures administratives de Bkerké, contrairement aux attentes du Vatican.

Si son élection avait été fortement soutenue par le cardinal Leonardo Sandri, préfet de la Congrégation pour les Églises orientales, aucune modernisation d’envergure n’a suivi. La seule évolution notable se rapporte au domaine de la communication, Bkerké s’étant doté d’un porte-parole. Les réunions du Conseil des évêques maronites se sont aussi multipliées sous sa présidence, abordant des sujets tant politiques que sociaux ou ecclésiastiques.

Les institutions éducatives et sociales de l’Église ont peu évolué. Le patriarcat peinait à répondre aux attentes des fidèles, notamment lorsque la crise multidimensionnelle s’est déclenchée dans le pays et que les frais de scolarité ont flambé.

Aujourd’hui, la santé du patriarche, âgé de 85 ans, limite progressivement son action. Dans un Liban en crise, où nombre de jeunes cherchent un avenir ailleurs, la question d’une possible transition se pose avec insistance.

Le patriarche Béchara Raï pourra-t-il prendre part au Synode des évêques prévu en juin prochain au Vatican? Et surtout, le Saint-Siège envisage-t-il un changement à la tête de Bkerké, comme certains l’avancent?

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