
Une vidéo montrant une Libanaise à l’aéroport de Beyrouth fustigeant des passagers est devenue virale. Elle leur dit: “Nous avons sacrifié notre sang, c'est notre pays, et ceux qui ne sont pas d'accord devraient émigrer.” Elle brandit ensuite une photo de l'ancien secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, lève son poing en l'air et scande des slogans. Cependant, contrairement à la croyance commune, aucun de ses actes ne correspondait aux principes du chiisme. En fait, sa compréhension du chiisme, telle que présentée par l'Iran islamiste et le Hezbollah, est en totale opposition avec les enseignements du chiisme traditionnel.
Selon la doctrine chiite, la succession du prophète Mahomet devait rester dans sa lignée, passant par son gendre et cousin paternel, l'imam Ali, puis par onze de ses descendants, le dernier étant Mohammad al-Mahdi, une figure messianique qui s'est occultée au IXe siècle et reviendra à la fin des temps.
Les chiites estiment que les compagnons du prophète ont conspiré contre l'imam Ali et lui ont usurpé le pouvoir. Ali, cependant, ne s’est pas révolté. Lorsqu'il est devenu calife, en 656, il a gouverné pendant cinq ans avant d'être confronté à l'opposition des Omeyyades en Syrie. Après une série de tentatives infructueuses pour les soumettre, Ali a été assassiné par des chiites qui refusaient de mettre fin à la guerre contre les Omeyyades. Mouawiya, membre de cette dynastie, fut reconnu comme calife, tandis que Hassan, son fils, succéda à son père en tant qu'imam chiite. Ce dernier n'a ni vengé la mort de son père ni mené de révolte.
Mouawiya et Hassan sont décédés en 680. Mouawiya fut succédé par son fils Yazid, tandis que Hassan fut remplacé par son frère Houssain, qui refusa de prêter allégeance à Yazid. Houssain chercha à rétablir l'autorité de son père à Koufa, dans le sud de l'Irak. Avant d'arriver, il fut intercepté et tué lors de la bataille de Karbala.
Le fils de Houssain, Ali, devint le quatrième imam chiite. Contrairement à son père, il ne chercha pas à venger sa mort, préférant se consacrer à la prière, ce qui lui valut le titre d'Al-Sajjad, “celui qui se prosterne”. Son fils, Mohammad, le cinquième imam, était un érudit religieux dévoué, d'où son surnom d'Al-Baqir, “celui qui fend la connaissance”. Parmi les sept imams chiites suivants, aucun n’a réclamé de vengeance ni de révolte contre les califes oppresseurs de l’islam chiite.
Lorsqu’un membre de l’imamat a tenté de se révolter, comme Zayd, fils d’Al-Sajjad et demi-frère d’Al-Baqir, il n’a pas été reconnu comme l’imam légitime. En 740, Zayd appela à la vengeance, mais les Omeyyades réprimèrent sa révolte et le tuèrent. Il fut alors connu sous le nom de “Martyr”. Ses partisans, les Zaydis, considèrent que l’imam peut être n’importe quel membre de la lignée du prophète apte à diriger une bataille. Aujourd’hui, les Houthis sont considérés comme les héritiers des Zaydis, sans toutefois être reconnus comme faisant partie du chiisme par la majorité des chiites, bien que les deux groupes soient en fait alliés.
À l’exception des batailles de l'imam Ali et de la confrontation de trois heures qui coûta la vie à l’imam Hussain à Karbala, aucun des dix autres imams chiites n’a pris part à des guerres ni appelé à la révolte. En réalité, depuis l’occultation du douzième imam, il y a plus de douze siècles, les chiites ont réservé aux clercs un rôle strictement religieux, attendant son retour pour restaurer le leadership politique. En attendant, les chiites se sont intégrés aux sociétés des pays dans lesquels ils vivaient, et le Liban n’a pas fait exception.
Puis l’ayatollah iranien Rouhollah Khomeini est arrivé, exploitant le réseau religieux chiite transnational à des fins politiques. Comme les chiites n’avaient pas de projet politique, Khomeini les a unifiés autour de causes non chiites, telles que “la libération de Jérusalem”, une ville sans signification particulière pour eux.
Dans la tradition chiite, le voyage nocturne du prophète Mahomet le mena à la mosquée de Koufa, dans le sud de l'Irak. Un endroit à l'intérieur de la mosquée est marqué et vénéré jusqu'à aujourd'hui. C’est de là que le prophète monta au ciel avant de revenir.
Pour les chiites, Najaf, Karbala et Koufa sont bien plus sacrées que Jérusalem. En effet, les sanctuaires musulmans de Jérusalem ont été construits par des figures que les chiites abhorrent: le deuxième calife rashidoun, Omar Ibn al-Khattab, et le sixième calife omeyyade, Abdul-Malik ben Marwan. L’un, Omar, pour avoir usurpé à l’imam Ali le droit de diriger la nation musulmane, et l’autre, Abdul-Malik pour être un Omeyyade.
Le jihad n'est pas une pratique chiite, ni le martyre non plus. Jérusalem n'a aucune valeur pour les chiites. Il n'existe pas un seul chiite palestinien. Lorsque l'Iran a tenté de propager le chiisme par le biais du Jihad islamique à Gaza, le Hamas a emprisonné les prosélytes. Pourtant, l'Iran islamiste et le Hezbollah enseignent que le sang chiite doit être versé pour une cause qui n'est pas la leur.
Avec l'enterrement de Nasrallah, il est grand temps que les chiites enterrent le récit iranien et considèrent l'époque de la rupture avec leurs traditions séculaires comme une aberration dans leur histoire, une tache sombre qu’ils ne devraient jamais revivre.
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