La course à Baabda est lancée! Jeudi, la Chambre s’est réunie à l’invitation de son président Nabih Berry, pour la première séance électorale présidentielle. Aucun candidat n’ayant obtenu le nombre de suffrages requis pour être élu, à savoir les deux tiers de la Chambre, un second tour à la majorité absolue était nécessaire. Mais faute de quorum, le président de la Chambre a levé la séance, en affirmant qu’il ne compte pas convoquer les parlementaires à une seconde, "en attendant une entente autour d’un candidat".
Le mandat du président actuel Michel Aoun se termine le 31 octobre à minuit, et un successeur devrait, si les institutions et la Constitution sont respectées, être élu avant cette date. À quoi devrons-nous nous attendre dans les prochaines semaines?
Conformément à l’article 73 de la Constitution, "un mois au moins et deux mois au plus avant l’expiration du mandat du président de la République, la Chambre se réunit sur convocation de son président pour l’élection du nouveau chef de l’État". Au plan théorique, la Constitution est respectée puisque la Chambre s’est réunie à l’invitation de son président ce jeudi 29 septembre, soit un mois et deux jours avant l’expiration du mandat Aoun. Mais au plan pratique, on est bien loin de la mise en application de cet article, comme l’ont bien montré les manœuvres politiques qui ont marqué la séance de jeudi, entre les votes futiles qui ont donné lieu à 12 bulletins invalidés, les votes blancs alors que le Liban, plongé dans une crise inédite, a urgemment besoin d’un président ou encore le défaut de quorum, visiblement prémédité.
Mais si Nabih Berry se refuse à convoquer une autre séance électorale, celle-ci doit avoir lieu automatiquement le 21 octobre, toujours selon l’article 73, qui précise qu’"à défaut de convocation, cette réunion aura lieu de plein droit le dixième jour avant le terme de la magistrature présidentielle". Et en cas de vacance présidentielle après le 31 octobre, l’article 74 de la Constitution dispose que "l’Assemblée se réunit immédiatement et de plein droit pour élire un nouveau président". Pour garder la main sur l’institution qu’il préside depuis 30 ans sans interruption, Nabih Berry devrait prévoir une séance avant le 21 octobre.
En d’autres termes, à partir de cette date, le Parlement devient un collège électoral et peut se réunir d’emblée pour élire un président. Ce que Nabih Berry ne laissera pas faire. Il peut convoquer le Parlement à plusieurs séances sans que celui-ci ne parvienne à élire un remplaçant à Michel Aoun, comme cela avait été le cas à partir de 2014.
Mais pour qu’une séance électorale puisse se tenir, il faut bien entendu qu’un quorum soit assuré. Or, depuis 1982, le quorum nécessaire pour l’élection d’un président de la République fait l’objet de débats constitutionnels: est-ce que la tenue d’une séance électorale nécessite la majorité absolue des députés, selon les dispositions de l’article 34 de la Constitution, soit 65 députés pour une Chambre composée de 128 parlementaires? Ou est-ce qu’une séance électorale ne peut pas être ouverte sans la présence impérative des 2/3 des députés, soit 86 parlementaires, puisque l’article 49 précise que le "président de la République est élu, au premier tour, au scrutin secret à la majorité des deux tiers des suffrages par la Chambre des députés"? Ce débat politico-constitutionnel s’est imposé avec intensité à partir de 2007, avec notamment les blocages initiés par le camp du 8 Mars qui refusait de se rendre Place de l’Étoile pour élire un successeur à Émile Lahoud. Rebelote en avril 2014, un mois avant la fin du mandat de Michel Sleiman. À l’époque, il a fallu 46 convocations et plus de deux ans pour élire Michel Aoun en octobre 2016.
Nombreux sont les avis de constitutionnalistes – libanais et français puisque la Constitution libanaise est inspirée de celle de la IIIème République française – autour du quorum nécessaire. Se basant sur une jurisprudence remontant à 1943, mais aussi sur une interprétation du texte de l’article, une majorité souligne le besoin d’un quorum à 2/3 des élus. Ce que d’autres contestent. Mais cela ne justifie en rien un blocage constitutionnel et un vide politique qui mettraient en danger la pérennité de l’État, si les élus de la Nation font obstruction à l’élection d’un chef de l’État pour des intérêts personnels ou pour les intérêts d’une puissance étrangère.
Quoi qu’il en soit, un président de la République ne sera élu que lorsque 86 députés, au moins, décideront de se réunir et de prendre part au vote. S’ils sont d’accord, une personnalité pourrait être élue avec 86 voix ou plus dès le premier tour de cette prochaine séance. Sinon, le quorum pourrait faire à nouveau défaut et il faudra tout recommencer à zéro.
Dans la version française de l’article 49 de la Constitution libanaise, "le président de la République est élu au scrutin secret à la majorité des deux tiers des suffrages" au premier tour, tandis que la version arabe dispose l’élection "à la majorité des deux tiers de la Chambre lors du premier tour". Si l’on suit la version française, le prochain président pourrait être élu dès le premier tour avec les 2/3 des suffrages, donc sans prendre en compte les votes blancs et annulés. En d’autres termes, si 86 députés sont présents et votent tous pour un candidat, un président peut être élu avec seulement 58 voix, soit moins que la moitié des élus. Or, les interprétations constitutionnelles depuis 1976 et les jurisprudences basées sur les précédentes élections prouvent que ce ne sont pas les suffrages exprimés qui sont pris en compte, mais le nombre total des élus qui composent la Chambre. Pour exemple, le 8 mai 1976, 68 députés sur les 99 qui composaient la Chambre s’étaient réunis pour l’élection d’Élias Sarkis. Ce dernier n’a été cependant élu qu’au second tour car il n’avait obtenu que 63 voix au premier, soit moins que les deux tiers fixés à 66 députés. Même scénario en 1982 avec Bachir Gemayel, qui avait obtenu plus de deux-tiers des suffrages sans atteindre les 66 voix requises et qui avait été donc été élu au second tour.
Coincé entre un quorum et un nombre de suffrages minimum requis, un candidat soutenu par seulement une moitié de la Chambre peut difficilement être élu, à moins que les députés souhaitant bloquer l’élection d’un président ne se découvrent une conscience nationale et acceptent le principe du jeu démocratique. Mais pour cela, il faut bien sûr que leurs calculs politiques se fondent uniquement sur l’intérêt national.
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Le mandat du président actuel Michel Aoun se termine le 31 octobre à minuit, et un successeur devrait, si les institutions et la Constitution sont respectées, être élu avant cette date. À quoi devrons-nous nous attendre dans les prochaines semaines?
Conformément à l’article 73 de la Constitution, "un mois au moins et deux mois au plus avant l’expiration du mandat du président de la République, la Chambre se réunit sur convocation de son président pour l’élection du nouveau chef de l’État". Au plan théorique, la Constitution est respectée puisque la Chambre s’est réunie à l’invitation de son président ce jeudi 29 septembre, soit un mois et deux jours avant l’expiration du mandat Aoun. Mais au plan pratique, on est bien loin de la mise en application de cet article, comme l’ont bien montré les manœuvres politiques qui ont marqué la séance de jeudi, entre les votes futiles qui ont donné lieu à 12 bulletins invalidés, les votes blancs alors que le Liban, plongé dans une crise inédite, a urgemment besoin d’un président ou encore le défaut de quorum, visiblement prémédité.
Mais si Nabih Berry se refuse à convoquer une autre séance électorale, celle-ci doit avoir lieu automatiquement le 21 octobre, toujours selon l’article 73, qui précise qu’"à défaut de convocation, cette réunion aura lieu de plein droit le dixième jour avant le terme de la magistrature présidentielle". Et en cas de vacance présidentielle après le 31 octobre, l’article 74 de la Constitution dispose que "l’Assemblée se réunit immédiatement et de plein droit pour élire un nouveau président". Pour garder la main sur l’institution qu’il préside depuis 30 ans sans interruption, Nabih Berry devrait prévoir une séance avant le 21 octobre.
En d’autres termes, à partir de cette date, le Parlement devient un collège électoral et peut se réunir d’emblée pour élire un président. Ce que Nabih Berry ne laissera pas faire. Il peut convoquer le Parlement à plusieurs séances sans que celui-ci ne parvienne à élire un remplaçant à Michel Aoun, comme cela avait été le cas à partir de 2014.
Mais pour qu’une séance électorale puisse se tenir, il faut bien entendu qu’un quorum soit assuré. Or, depuis 1982, le quorum nécessaire pour l’élection d’un président de la République fait l’objet de débats constitutionnels: est-ce que la tenue d’une séance électorale nécessite la majorité absolue des députés, selon les dispositions de l’article 34 de la Constitution, soit 65 députés pour une Chambre composée de 128 parlementaires? Ou est-ce qu’une séance électorale ne peut pas être ouverte sans la présence impérative des 2/3 des députés, soit 86 parlementaires, puisque l’article 49 précise que le "président de la République est élu, au premier tour, au scrutin secret à la majorité des deux tiers des suffrages par la Chambre des députés"? Ce débat politico-constitutionnel s’est imposé avec intensité à partir de 2007, avec notamment les blocages initiés par le camp du 8 Mars qui refusait de se rendre Place de l’Étoile pour élire un successeur à Émile Lahoud. Rebelote en avril 2014, un mois avant la fin du mandat de Michel Sleiman. À l’époque, il a fallu 46 convocations et plus de deux ans pour élire Michel Aoun en octobre 2016.
Nombreux sont les avis de constitutionnalistes – libanais et français puisque la Constitution libanaise est inspirée de celle de la IIIème République française – autour du quorum nécessaire. Se basant sur une jurisprudence remontant à 1943, mais aussi sur une interprétation du texte de l’article, une majorité souligne le besoin d’un quorum à 2/3 des élus. Ce que d’autres contestent. Mais cela ne justifie en rien un blocage constitutionnel et un vide politique qui mettraient en danger la pérennité de l’État, si les élus de la Nation font obstruction à l’élection d’un chef de l’État pour des intérêts personnels ou pour les intérêts d’une puissance étrangère.
Quoi qu’il en soit, un président de la République ne sera élu que lorsque 86 députés, au moins, décideront de se réunir et de prendre part au vote. S’ils sont d’accord, une personnalité pourrait être élue avec 86 voix ou plus dès le premier tour de cette prochaine séance. Sinon, le quorum pourrait faire à nouveau défaut et il faudra tout recommencer à zéro.
Dans la version française de l’article 49 de la Constitution libanaise, "le président de la République est élu au scrutin secret à la majorité des deux tiers des suffrages" au premier tour, tandis que la version arabe dispose l’élection "à la majorité des deux tiers de la Chambre lors du premier tour". Si l’on suit la version française, le prochain président pourrait être élu dès le premier tour avec les 2/3 des suffrages, donc sans prendre en compte les votes blancs et annulés. En d’autres termes, si 86 députés sont présents et votent tous pour un candidat, un président peut être élu avec seulement 58 voix, soit moins que la moitié des élus. Or, les interprétations constitutionnelles depuis 1976 et les jurisprudences basées sur les précédentes élections prouvent que ce ne sont pas les suffrages exprimés qui sont pris en compte, mais le nombre total des élus qui composent la Chambre. Pour exemple, le 8 mai 1976, 68 députés sur les 99 qui composaient la Chambre s’étaient réunis pour l’élection d’Élias Sarkis. Ce dernier n’a été cependant élu qu’au second tour car il n’avait obtenu que 63 voix au premier, soit moins que les deux tiers fixés à 66 députés. Même scénario en 1982 avec Bachir Gemayel, qui avait obtenu plus de deux-tiers des suffrages sans atteindre les 66 voix requises et qui avait été donc été élu au second tour.
Coincé entre un quorum et un nombre de suffrages minimum requis, un candidat soutenu par seulement une moitié de la Chambre peut difficilement être élu, à moins que les députés souhaitant bloquer l’élection d’un président ne se découvrent une conscience nationale et acceptent le principe du jeu démocratique. Mais pour cela, il faut bien sûr que leurs calculs politiques se fondent uniquement sur l’intérêt national.
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