
Tous les ans, il pleut en hiver. Une phrase d’une banalité affligeante. Cependant, au Liban, chaque pluie transforme les routes en rivières. Les voitures remplacent les gondoles et les avertisseurs (klaxons), les chants des gondoliers. Il faut reconnaître que le romantisme n’est pas à son paroxysme. L’eau recouvre les trous béants, ailleurs appelés “nids de poules”, mais ici plutôt des nids de dinosaures étant donné leurs tailles. Entre les voitures échouées, batteries à plat, et celles qui essaient, pétaradantes, de retenir leur souffle dans l’espoir d’atteindre leur destination, ce mercredi, des Libanais au volant sont au bord de la crise de nerfs. Les périodes de jeûne communes cette année à toutes les confessions, rendent l’impatience des aventuriers de la route encore plus perceptible.
Toute cette eau pourrait venir nourrir la nappe phréatique direz-vous. Mais non! Elle part directement dans la mer, sans bassins de retenue et sans exploitation possible.
Les responsables promettent tous les ans que la situation est sous contrôle. Mais les mêmes causes produisent les mêmes effets et les embouteillages monstres viennent rappeler que rien ne change. Le parc automobile, durement éprouvé par la crise financière étale dans ces moments sa vétusté. Une Renault 12 rouillée prend son élan pour attaquer, pot d’échappement hurlant et carrosserie vibrante, la montée de la route de Damas. Au moindre coup de frein, la“ voiture” peut imploser ou s’éparpiller sur la chaussée glissante. Un guide touristique écrivait un jour dans son éditorial: “Quand on conduit au Liban, on se rend compte de la fragilité de l’existence.” Il avait visité le pays en été. Avec la pluie, il perdrait ses mots.
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