Une brasserie centenaire en Iran renaît en centre d’art
Une jeune femme regarde une vidéo en réalité virtuelle, faisant partie d’une exposition multimédia de l’artiste iranienne Mimi Amini à l’Argo Factory, un musée d’art contemporain et centre culturel installé dans une ancienne brasserie à Téhéran, le 5 février 2025. ©Atta Kenare / AFP

Témoin d’une époque révolue, l’usine Argo à Téhéran renaît sous une nouvelle forme. Cet ancien haut lieu de la brasserie iranienne, abandonné durant des décennies, est désormais un centre d’art contemporain.

Un bâtiment en briques, longtemps à l'abandon dans le cœur de Téhéran, avec une imposante cheminée, vestige d'une époque révolue où l'on y brassait encore de la bière, connaît une seconde vie en Iran grâce à l'art contemporain.

L'usine Argo, qui produisait en Iran l'une des plus anciennes et populaires marques de bière durant la dynastie Pahlavi (1925-1979), a fermé ses portes peu avant la Révolution islamique, tombant dans l'oubli.

Le bâtiment, construit il y a plus d'un siècle, est resté jusqu'en 2016 en ruine et servait de refuge aux sans-abri, au milieu de murs rongés par les intempéries. "C'est aujourd'hui l'un des plus beaux bâtiments de Téhéran", estime Nazanin Amirian, architecte d'intérieur rencontrée par l'AFP dans cet édifice désormais rénové, qui accueille des expositions d'art.

En 1979, des religieux chassent du pouvoir le dernier monarque d'Iran et instaurent une République islamique. La production et la consommation d'alcool sont depuis interdites. L'usine Argo, qui avait déjà cessé ses activités, est passée totalement sous les radars des islamistes qui, à l'époque, "incendiaient" les brasseries, selon Hamid Reza Pejman, dont l'entreprise a rénové le bâtiment.

Le chantier a duré deux ans. La structure principale de l'usine a été conservée, avec ses murs en briques et sa cheminée, mais le toit a été entièrement reconstruit. Le site, ouvert au public en 2020, est désormais un musée et un lieu emblématique de l'art contemporain.

Dans la spacieuse cave, autrefois remplie de barriques débordant de bière en fermentation, des sculptures et peintures colorées de l'artiste iranienne Maryam Amini sont aujourd’hui exposées dans une ambiance tamisée.

Autrefois situé à la périphérie de Téhéran, Argo s'est retrouvé, au fil des années, englouti par la rapide expansion urbaine de la capitale iranienne, aujourd’hui jalonnée de hauts immeubles, de cafés modernes et de gigantesques centres commerciaux.

L'usine a conservé une relique de son ancienne identité en servant de la bière sans alcool, mais elle n'en produit plus. Son logo Argo est en revanche bien vivant, les droits ayant été transférés à un fabricant de boissons local.

L'interdiction des boissons alcoolisées en Iran alimente un marché noir et une contrebande d'alcool frelaté, qui fait chaque année de nombreuses victimes. "Nous espérons que la restauration d'Argo inspirera d'autres projets de préservation de bâtiments", souligne Hamid Reza Pejman, alors que les sanctions internationales compliquent, voire rendent impossibles, toute coopération ou expertise étrangère.

De nombreux bâtiments historiques de Téhéran, dont certains abritaient autrefois des cinémas comme l’Asr Jadid ("Nouvelle ère"), sont restés à l'abandon, en raison des difficultés économiques, mais aussi du développement urbain, qui se fait au détriment des édifices anciens.

Amir Ali Izadi, un artiste de 43 ans, dit souhaiter que cela change. "La rénovation des bâtiments anciens transforme le paysage urbain", se réjouit-il.

Avec AFP

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