Liban-Sud: quand l’adversité forge l’autonomie des femmes
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La lutte contre les violences faites aux femmes, pour les droits civiques de celles-ci et l’égalité salariale est un combat de chaque instant, mené à l’échelle mondiale. Chaque progrès, à ce niveau, est un pas de plus vers une société plus juste, mais derrière chaque avancée se cachent toujours de nombreux défis qui renforcent la détermination de la femme à agir et à ne pas baisser la garde.

Les femmes du Liban-Sud en savent quelque chose, puisque leur vie est pratiquement une lutte au quotidien. Elles sont l’exemple parfait de cette détermination à ne pas baisser les bras devant l’adversité. Celle-ci, paradoxalement, a forgé leur autonomie, en poussant plusieurs d’entre elles à s’affirmer et à s’orienter vers une plus grande indépendance financière.

Les conditions de vie sont devenues plus difficiles pour les femmes libanaises, surtout pour les femmes du Liban-Sud, à la suite de l’aggravation de la crise économique et du conflit israélo-libanais qui les a touchées de plein fouet.

Dans le sud du pays, les femmes sont ainsi de plus en nombreuses à aller à la recherche d’activités lucratives, pour atteindre une sorte d’indépendance financière. Ce faisant, elles deviennent aussi des partenaires à part entière dans les efforts déployés pour subvenir aux besoins de la famille.

À Ebel el-Saqi, dans le caza de Marjeyoun, Nadia n’avait jamais envisagé d’avoir un emploi puisque son époux en rejetait l’idée. Toutefois, les choses ont changé avec la crise économique de 2019. L’activité économique de son époux s’est ralentie et Nadia s’est trouvée contrainte de travailler pour l’aider à subvenir à leurs besoins.

Elle a profité du fait qu’elle possédait une voiture pour annoncer son intention de devenir chauffeur-livreur dans le village et d’assurer le transport des habitants qui n’étaient pas motorisés.

L’activité de Nadia a eu un écho positif, surtout qu’elle était la première femme à exercer une telle activité. “Chaque femme doit être indépendante au niveau financier et ne jamais avoir honte de son métier. Je reçois toujours des feedbacks positifs de mes clients parce que je suis capable de répondre rapidement à leurs besoins et que j’ai le sens des responsabilités”, affirme-t-elle.

Les femmes ont tendance à souffrir davantage de la discrimination, en raison de la prédominance des stéréotypes culturels et des préjugés qui continuent de prévaloir. Lorsqu’elles ne sont pas cantonnées à la maison, elles sont souvent condamnées à des tâches rurales rapportant de faibles revenus, sans aucune protection sociale. Mais les choses changent progressivement et, avec le temps, ces stéréotypes devraient tomber.

Rawane, une jeune fille de Hasbaya, a suivi des études en mécanique et travaille comme mécanicienne dans le garage de son père. “Quand j’ai commencé à travailler, je savais que ce ne serait pas facile. Beaucoup de clients étaient sceptiques quant à mes compétences simplement parce que je suis une femme. Je les entendais souvent dire qu’ils préféraient avoir affaire à un homme pour ce type de travail. Cela m’a vraiment affectée”, confie-t-elle.

Mais cela ne l’a pas découragée outre-mesure et elle continue d’exercer ce métier qu’elle aime aux côtés de son père. Les clients se sont peu à peu habitués à la voir manipuler les moteurs avec dextérité.

 

Une note d’espoir en temps de crise

Alors que tout semble aller mal dans le pays, certaines associations poursuivent leur travail pour soutenir celles qui en ont le plus besoin. L’association Amel, à titre d’exemple, a mis en œuvre des projets visant à renforcer l’accès des femmes à l’emploi et aux marchés, par le biais de divers programmes impliquant le développement rural et la formation professionnelle.

Plus de 1.000 femmes du milieu rural ont ainsi appris à fabriquer, promouvoir et commercialiser des objets artisanaux de haute qualité, comme des articles de broderie et des accessoires, mais aussi des produits agroalimentaires.

Grâce à des sessions interactives d’apprentissage, ces programmes ont également créé des dialogues qui sont autant de facteurs de stabilité sociale. “Nous avons commencé à observer de vrais résultats, lorsque quelques femmes se sont mises à créer et à exposer leurs propres produits. Leur regain de confiance en elles-mêmes a constitué un modèle pour les autres femmes de la région”, explique Safaa, responsable des programmes chez Amel.

Les formations dispensées par l’ONG ont notamment un impact significatif sur la vie des participantes analphabètes. “Je pensais que l’éducation n’était pas pour moi, que c’était trop tard. Je ne savais ni lire ni écrire. Mais Amel m’a prouvé le contraire. J’ai appris à lire et à comprendre les documents importants. Cela m’a permis de trouver un emploi dans une boutique et cela a changé ma vie, car je me sens plus autonome”, témoigne Nour.

D’autres organisations locales œuvrent en faveur des droits et de la protection des femmes tout en offrant des programmes de sensibilisation et de soutien psychologique. L’association Houna Lil Temkin a lancé des programmes pour aider les femmes et les enfants à surmonter les traumatismes de la guerre.

Ces associations s’efforcent d’améliorer la condition des femmes en leur fournissant les outils nécessaires pour surmonter les obstacles auxquels elles font face dans leur quotidien. C’est un modèle probant, non seulement pour donner aux femmes les rênes de leur autonomisation économique dans un contexte fragile, mais aussi pour les réunir autour d’un objectif commun, en soutenant la stabilité sociale et la paix durable.

 

La résilience au milieu des ruines

Nombre de femmes du Sud ont su maintenir une attitude de résilience et de force en temps de guerre. Difficultés quotidiennes de la vie, insécurité, contraintes éducatives… autant de tourments dont les conséquences pèsent sans doute davantage sur la mère, la sœur et l’épouse dans une société où le père joue un rôle central pour assurer une stabilité financière. La femme du Sud est confrontée aux terribles répercussions d’une guerre qui a duré plus d’un an. Les frappes aériennes israéliennes incessantes ont transformé des terrains agricoles cultivés en terres brûlées. Cette destruction frappe durement les agricultrices qui dépendent de ces terres pour préserver leur autonomie financière.

Au cœur de cette adversité, se trouve Siham, une agricultrice de 57 ans du village de Sarada, à Marjeyoun. Son histoire résume la triste réalité à laquelle beaucoup de femmes sont confrontées: “La guerre a éclaté avec le début de la récolte des olives, ce qui a eu un effet dévastateur. Les bombardements nous ont obligés à abandonner les champs. Les pertes sont considérables”. Sa voix trahit sa détresse. Une détresse qui met en relief les défis combinés de la guerre, des conflits économiques et des dommages environnementaux.

Mais elle ne se laisse pas abattre pour autant. Comme beaucoup d’autres habitants du Sud, elle s’apprête à retrousser ses manches avec l’arrivée des beaux jours.

 

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