
Après des semaines de tentatives illégales, et sous prétexte de prier sur la tombe du rabbin Rav Achi, un érudit de la période de l’exil babylonien (IVe siècle), plusieurs centaines d’ultra-orthodoxes israéliens, escortés par l’armée israélienne, ont franchi hier la Ligne bleue (frontière technique tracée par l’ONU) au lieu-dit de Tel Abbad, non loin de la citadelle de Hounine, pour atteindre la sépulture.
La communauté chiite croit, pour sa part, que la sépulture en question est celle d’un clerc musulman chiite du XVIe siècle nommé cheikh Abbad, qui est considéré comme l'une des figures fondatrices de la communauté chiite de Jabal Amel, et qui a donné son nom à la colline où elle se trouve.
Curieusement, le sanctuaire chevauche la Ligne bleue et est situé dans un complexe militarisé encerclé entre un poste de l’armée israélienne et une base de la Finul. C’est l’un des 13 points contestés de la Ligne bleue tracée par Terry Roed-Larsen, dont le Liban demande la rectification.
En mai 2000, lorsque Israël s'est retiré du Liban-Sud, le principal obstacle au déploiement des Casques bleus des Nations unies (Finul) le long de la frontière était l'attribution de ce site contesté.
Il a été l'un des derniers points réglés entre l'État d'Israël et le Liban. L'une des options était d'ériger une barricade autour de la tombe pour empêcher les musulmans et les juifs de visiter le site. Lorsque la Ligne bleue a été établie par les Nations unies, la clôture frontalière a été installée au milieu de la tombe contestée. Le site était accessible des deux côtés de la frontière. Les Israéliens ont continué jusqu’en 2006 à s’y rendre pour s’y recueillir.
Selon la presse israélienne, Tel Aviv aurait conclu des accords avec les Haredim pour leur permettre de prier de nouveau sur le site, après qu'il a été entièrement bouclé au moment des combats avec le Hezbollah. Ainsi, en février dernier, au moins 20 juifs ultra-orthodoxes avaient franchi illégalement la frontière entre Israël et le Liban avant d’être refoulés par l’armée israélienne qui les a empêchés d’avancer.
Les Haredim (“craignant-Dieu”) sont des juifs ayant une pratique religieuse particulièrement forte. Ils sont généralement considérés comme hostiles au service militaire. Ainsi, selon les journaux israéliens, sur les dix mille ordres de conscription envoyés aux Haredim entre juillet 2024 et mars 2025, seuls 177 d'entre eux ont répondu à l’appel.
Certes, à la rigueur, en temps de paix, la visite aurait pu être comprise comme une manifestation d’attachement à un héritage religieux. Mais en raison des tensions politiques et militaires sur le lieu où elle se déroule, cette incursion ne peut être perçue que comme une visite indésirable et, comme l’a affirmé un communiqué de l’armée vendredi, “une violation flagrante de la souveraineté libanaise” dont elle fera état auprès de la commission internationale de surveillance de la trêve.
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