
Tous les regards et les craintes se sont soudain tournés vers Tripoli et le Akkar.
Au moins 7.000 réfugiés syriens, essentiellement alaouites, ont traversé la frontière pour fuir les affrontements qui ont eu lieu sur le littoral syrien. Des affrontements d’une violence extrême, dénoncée par de nombreuses associations de défense des droits de l’Homme, et qui inquiètent la communauté internationale alarmée par le nombre de civils victimes de ces combats.
Les images relayées sur les réseaux sociaux ne sont pas très rassurantes. Des miliciens hirsutes, afghans, tchétchènes ou ouzbeks sont à quelques encablures de la frontière. Savoir ces joyeux lurons à une centaine de kilomètres de Beyrouth et à 40 kilomètres de Tripoli a de quoi inquiéter même les plus optimistes. Et si l’envie leur prenait de traverser l’Oronte! Le pouvoir central à Damas contrôle-t-il ces islamistes pur jus qui ont déjà montré ce dont ils sont capables en termes de sauvagerie? Rien n’est moins sûr. Alors, bien évidemment, tout le monde mise sur l’armée libanaise. Encore et toujours.
La troupe a été massivement déployée dans la capitale du Nord. Mais, déjà très sollicitée au Sud pour panser les plaies béantes de la “victorieuse” guerre de soutien, l’armée régulière n’est pas suffisamment équipée pour le grand écart qu’on lui demande de réaliser. Mais il n’y a aucune autre solution pour éviter le chaos.
Avec l’afflux de réfugiés, les vieux démons refont surface. Les deux quartiers de Bab el-Tebbané et Jabal Mohsen, qui se sont fait la guerre durant des années, focalisent les tensions. Au-delà, c’est toute cette région du pays qui retient son souffle. Le paradoxe c’est que la Syrie multiconfessionnelle prônée par le nouveau régime de Damas est en train de se créer au Liban et pas en Syrie. Les deux millions et demi de déplacés, théoriquement anti-Assad et majoritairement sunnites, sont désormais rejoints par des milliers d’alaouites estampillés pro-Assad.
Tout cela n’est bien évidemment pas aussi simple. On se souvient des images de dizaines de véhicules de “réfugiés” arpentant en trombe les rues de Beyrouth et arborant les portraits de Bachar el-Assad, qu’ils étaient supposés avoir fui, à l’occasion d’élections “démocratiques”.
Pro, anti, déplacés “économiques”, les Syriens du Liban ne se précipitent pas pour regagner leur pays. Les généreuses ONG européennes poursuivent l’assistance à des populations fixées au Liban par l’argent des contribuables de l’Union. Il ne s’agirait pas qu’il vienne à l’idée de 2,5 millions de Syriens de lorgner vers des rives méditerranéennes plus attractives.
Et, ce n’est, pour les 27, vraiment pas le moment de s’encombrer de ce dossier. Lâchés et marginalisés par les Américains qui ont pris à bras-le-corps l’arrêt de la guerre en Ukraine, les pays européens cherchent un nouveau “parapluie” de défense pour se protéger d’une éventuelle menace russe. Dans ce conflit, les Européens ne sont même pas à la table des négociations, ni même hôtes de ces discussions qui se déroulent en… Arabie saoudite. Le vieux continent a reçu le message cinq sur cinq: les affaires du monde ne se traitent plus avec lui.
On comprend donc bien que la Syrie et le Liban sont, pour le moment, les cadets des soucis européens.
Ah! J’allais les oublier: les chrétiens de Syrie. Au début du XXe siècle ils représentaient un quart de la population du pays. Eux meurent, se terrent ou s’exilent en silence depuis 50 ans. Dans l’indifférence complète du monde.
La Syrie de saint Paul devrait s’en remettre à saint Antoine de Padoue pour retrouver les clés d’un paradis perdu.
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