
Des favelas brésiliennes à la mafia sicilienne en passant par les peuples autochtones australiens, la 56e édition des Rencontres de la photo d'Arles, "polyphonique" et traversée par l'engagement, fait de l'image un "outil de résistance" à l'heure où certains voudraient effacer les mémoires.
"Il n'y a pas une voix qui empêche une autre d'exister. Ce que l'on cherche à faire, c'est donner la voix à tous, car "pour pouvoir décrire une situation, il n'y a rien de tel que d'avoir différentes perspectives", explique à l'AFP Christoph Wiesner, le directeur des Rencontres, qui accueilleront 46 expositions cet été à Arles, dans le sud-est de la France.
Après une édition 2024 marquée par une affluence record de 160 000 visiteurs, cette nouvelle édition, qui, du 7 juillet au 5 octobre, sera placée sous le signe des "images indociles", entend plus que jamais porter la voix de ceux que l'on entend peu -et peut-être bientôt plus –, de l'Australie au Brésil, en passant par l'Amérique du Nord et les Caraïbes.
"C'est quand même aussi notre rôle, vu ce qui se passe, de dire aux gens, réveillez-vous, regardez ce qui se passe et ne soyez pas dociles", poursuit Christoph Wiesner.
"L'administration Trump commence à effacer tout ce qui représente les signes de diversité, qui n'ont été acquis quand même que très très progressivement (...). Et voir que maintenant, des images qui ont été réalisées pendant la Seconde Guerre mondiale de communautés afro-américaines qui travaillaient pour l'armée sont effacées des serveurs du Pentagone, c'est juste surréel", développe-t-il.
Que ce soit dans la vaste exposition collective "On Country", donnant à voir les liens profonds entretenus par les communautés autochtones australiennes avec leur terre, ou bien dans plusieurs projets présentés dans le cadre de la Saison Brésil-France 2025, le festival fait résonner les "contre-voix".
C'est le cas dans "Futurs ancestraux", qui présente le travail d'artistes brésiliens contemporains dénonçant la violence historique à l’encontre des communautés afro-brésiliennes, indigènes et LGBTQIA+.
Nan Goldin et Yves Saint Laurent
Les Rencontres feront également cette année la part belle à des travaux plus intimes autour de la question des liens amicaux et familiaux. Ainsi, dans le "Syndrome de Stendhal", la photographe américaine Nan Goldin mettra en regard des images de chefs-d’œuvre de l'histoire de l'art avec des portraits de ses proches.
Deux grandes rétrospectives permettront en outre de se plonger, d'une part, dans l'œuvre de l'Américain Louis Stettner, célèbre pour ses photos de rues à New York ou Paris, et très engagé dans les luttes politiques et sociales des années 70, d'autre part, dans celle de la photojournaliste italienne Letizia Battaglia, décédée en 2022, connue pour avoir documenté sans relâche les crimes de la mafia sicilienne.
Mais "on ne montre pas que ce travail-là" de Letizia Battaglia, qui est "aussi une très grande photographe au regard acéré" et humaniste ayant rendu compte de "la misère de la ville de Palerme" et de "la dignité de ses habitants", souligne Aurélie de Lanlay, la directrice adjointe des Rencontres.
Fidèle à sa volonté d'établir des ponts avec d'autres disciplines, en l’occurrence la mode, le festival consacre aussi une exposition inédite, conçue à partir de la collection photographique du Musée Yves Saint Laurent Paris.
Yves Saint Laurent est "quelqu'un qui a utilisé la photo aussi bien pour témoigner de ses créations textiles que de sa propre représentation", rappelle M. Wiesner. "Il fait partie des créateurs qui ont été les plus photographiés et dont des images sont devenues iconiques".
La photographie vernaculaire sera également présente, avec notamment le projet d'Agnès Geoffray, qui réinterprète des photographies prises dans les "écoles de préservation", ces institutions publiques françaises où étaient enfermées les jeunes filles considérées comme "inéducables" de la fin du 19ᵉ au milieu du 20ᵉ siècle.
"À partir de ces photographies, elle réinvente, elle dresse des portraits fictionnels de ces jeunes filles autour de la question de la résistance, de l'échappatoire, de faire face aussi", trois expressions "qui peuvent être particulièrement d'actualité", note la directrice adjointe.
Avec AFP
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