Théâtre : au Cours Florent, l’heure du changement
Une page se tourne au Cours Florent : la prestigieuse fabrique d’acteurs est dirigée pour la première fois par une femme, Simone Strickner, qui entend combattre les violences sexuelles et sexistes après des accusations contre des professeurs ces dernières années.

Nommée jeudi à la tête de cette école privée fondée en 1967 par François Florent (disparu l’année dernière), l’Autrichienne polyglotte de 43 ans, déjà directrice adjointe depuis deux ans, a également annoncé vouloir « internationaliser » davantage l’institution et favoriser la versatilité des élèves en créant des cursus de dramaturgie, de mise en scène et même d’économie du spectacle vivant.

Le Cours Florent, célèbre notamment pour sa « classe libre » (gratuite), a atteint un statut mythique après avoir formé des centaines de vedettes du théâtre et du cinéma, de Francis Huster à Guillaume Canet, en passant par Isabelle Adjani, Yvan Attal, Daniel Auteuil, Gilles Lellouche ou encore Dominique Blanc.

Ces deux dernières années, l’école a été toutefois visée par la mobilisation d’élèves et d’une association, Les Callisto, qui a publié en 2020 dans Médiapart une tribune sous le titre « Cours Florent, cours violent ? », dénonçant le « mutisme » et la « complicité » de l’institution face à des cas présumés d’agressions, de discriminations et d’humiliations systématiques d’élèves. L’école a réagi en poursuivant l’association pour diffamation.

Au-delà du Cours Florent, de nombreux témoignages ont évoqué sur les réseaux sociaux et dans la presse des abus dans des conservatoires et écoles de théâtre, et un collectif # MeTooThéâtre a vu le jour en 2021.

La nouvelle directrice entend donner l’exemple : « Il va y avoir une ligne d’écoute 24h24, une référente de l’extérieur à qui les élèves peuvent s’adresser, une formation des professeurs et des sanctions s’il n’y a pas respect de cette déontologie ».

« C’est très important que le message passe, que les élèves sachent qu’à tout moment, ils peuvent poser des questions par rapport à des comportements qui leur posent problème », assure Mme Strickner qui veut également sensibiliser ceux « qui se rendent à des castings sauvages » à l’extérieur de l’école.

« Le respect de l’élève doit être au cœur (de l’apprentissage), il faut qu’il y ait un espace sûr pour le travail », dit-elle, précisant que les professeurs ont déjà suivi une formation, notamment pour évoquer le sujet délicat de « l’ascendant » sur les élèves qui ont souvent peur de parler.

« Il y a une prise de conscience et je suis ravie si je peux apporter ma pierre à l’édifice », poursuit celle passée elle-même par le Cours Florent, qui a rejoint en 2011 le groupe d’enseignement privé Studialis-Galileo.


Originaire d’Innsbruck, dans le Tyrol, elle est séduite très jeune par la langue de Molière grâce à une radio pour touristes. Maîtrisant cinq langues, cette femme blonde arborant une coupe à la garçonne a été formée au départ au Conservatoire national d’Autriche et a, entre autres, un diplôme de Sciences Po Paris.

Elle rejoint en 2010 le Cours Florent comme professeure et y crée un cycle de formation en allemand (un cycle en anglais existe depuis des années), avant de devenir directrice déléguée à la pédagogie.

Également comédienne, elle entend « internationaliser » davantage l’école, notamment en nouant des partenariats avec des universités à Berlin, Londres ou Madrid pour faire des échanges de séjours et monter des pièces entre élèves, pour permettre une versatilité linguistique.

Outre des cursus de doublage, de synchronisation de la voix, de dramaturgie et de mise en scène, d’un concours d’éloquence qui s’ajoute au concours d’improvisation, elle vient de créer une section « théâtre caméra », qui permettra aux élèves de passer d’un art à un autre avec aisance (le Cours dispose déjà d’un cursus cinéma).

« Je pense que l’acteur et l’actrice du XXIe siècle a besoin d’avoir cette agilité, cette fluidité », dit Mme Strickner. Elle se dit attentive aussi à une génération très sensible aux stéréotypes de genre, à l’environnement, à l’égalité hommes-femmes. « Ça leur donne envie de créer de nouvelles formes, ce qui est extrêmement créatif. »

AFP
Avec Bélinda Ibrahim
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