
Lorsqu’un pays traverse une crise existentielle profonde, lorsqu’il est confronté à un conflit armé provoqué par une agression externe, les positions manichéennes deviennent souvent inéluctables. Cela s’applique à l’évidence – et on ne le répètera jamais suffisamment – à la ligne de conduite des proxys iraniens et de leur parrain régional, les Gardiens de la révolution islamique.
Une fois de plus, il est vital de rappeler, encore et encore, que non seulement le pays du Cèdre, mais l’ensemble de cette partie du monde fait face à un projet de société obscurantiste, à une structure de pensée caractéristique d’une faction qui évolue dans un espace-temps mortifère, un repère spatio-temporel qui tient très peu compte de l’individu, de “l’Homme en tant que valeur absolue” (pour reprendre une idée qui était chère à l’ancien évêque melkite de Beyrouth et fondateur du Mouvement social, feu Grégoire Haddad).
Afin d’illustrer de manière plus concrète cette lecture du contexte actuel, rien de mieux que de mettre en relief les propos tenus à diverses occasions par certains pôles qui sont aujourd’hui ou qui ont été dans un passé récent au centre de l’action du camp iranien.
À tout seigneur, tout honneur… Le secrétaire général du Hezbollah, cheikh Naïm Kassem – qui ne manque pourtant pas (parfois) de lucidité – s’est lancé une nouvelle fois, il y a quelques jours, dans une envolée lyrique, destinée sans doute à la consommation interne (à l’occasion de la “Journée de Jérusalem”, instaurée par Khomeiny), mais qui reflète l’état d’esprit de la faction déconnectée des réalités de ce monde… “Nous ne sommes pas faibles dans la confrontation face aux projets des États-Unis et d’Israël” (!), a-t-il ainsi souligné sans sourciller, avant d’affirmer que “la résistance est présente et elle le demeurera (…), et, en cas de poursuite de l’agression israélienne, nous aurons recours à d’autres options”.
Le chef du bloc parlementaire du Hezbollah, Mohammed Raad, a été encore plus clair à cet égard, stigmatisant ouvertement, et sans prendre de gants, la position du président de la République et du gouvernement concernant le monopole des armes aux mains des forces légales et la décision de guerre et de paix, qui doit être détenue exclusivement par l’État central. Le député a été encore plus loin dans sa légendaire arrogance, précisant que ceux qui défendent cette position souverainiste ne doivent pas se leurrer et se laisser griser par le pouvoir “qui est éphémère”, ajoutant, cartes sur table, que “l’État n’est pas en mesure, seul, de défendre le pays et son peuple”.
En quelques petites phrases, Mohammed Raad a ainsi balayé d’un revers de main aussi bien le discours d’investiture du président Joseph Aoun que la déclaration ministérielle, la dernière interview du Premier ministre, Nawaf Salam, les termes de l’accord de cessez-le-feu conclu le 27 novembre dernier avec Israël et les résolutions 1701, 1559 et 1680 du Conseil de sécurité de l’ONU.
Ce jusqu’au-boutisme guerrier est visiblement en phase avec un courant extrémiste et suicidaire plus vaste, puisant vraisemblablement sa source à Téhéran, sans doute dans les milieux des Gardiens de la révolution islamique.
L’ancien président iranien Hassan Rouhani (au pouvoir de 2013 à 2021) a d’ailleurs dénoncé ouvertement, dans une interview publiée il y a quelques jours dans le journal Iran, ceux qu’il a qualifiés de “radicaux” (iraniens), affirmant que ces derniers s’étaient livrés en 2015 à plusieurs opérations terroristes afin de torpiller l’accord sur le nucléaire. Et M. Rouhani de préciser dans ce cadre que ces “radicaux” soulignaient “constamment que la seule voie à suivre (contre l’Occident) est la lutte et la confrontation”.
Des propos qui rejoignent une déclaration faite par l’ancien ministre iranien des Affaires étrangères Mohammed Jawad Zarif qui avait également stigmatisé publiquement les agissements des “extrémistes (iraniens) qui, en coulisses, s’employaient à entraver nos efforts” en vue d’aboutir à l’accord sur le nucléaire.
L’existence d’un large courant radical transnational prônant “la guerre pour la guerre”, sans but précis préétabli (et réalisable), n’est donc pas une vue de l’esprit. Ces radicaux, en chute libre mais représentant toujours une menace réelle, ont clairement leur pendant au Liban qui fait lui aussi table rase des aspirations, en tous points légitimes, de l’écrasante majorité des Libanais. Des aspirations à mener, enfin, une vie simplement “normale”, après avoir subi pendant des décennies les retombées de guerres successives, stériles et sans horizon, à l’ombre d’un déni total de l’équilibre des forces en présence.
Face au sombre tableau – meurtrier, suicidaire et destructeur – imposé de force par les va-t-en-guerre du camp iranien, certains membres du gouvernement se doivent aujourd’hui de s’aligner sur les orientations souverainistes du nouveau régime, sans atermoiements, complaisance ou demi-mesures…
TABBOUCH:
Le camp pro iranien se radicalise quant au camp présidentiel et gouvernement libanais sont mous et tournent en rond pour l’instant. Ils privilégient l’aspect économique et bancaire ( important certes) mais l’aspect milicien ils sont mous comme pas possible. Espérons qu’ils se réveilleront et agiront en actes et non seulement en paroles