
L'armée chinoise mobilise mardi des forces terrestres, navales et aériennes autour de Taïwan, pour des manoeuvres militaires de grande ampleur simulant un blocus de l'île dont Pékin revendique la souveraineté.
Les forces armées chinoises "se rapprochent de l'île de Taïwan à partir de multiples directions", a déclaré mardi matin Shi Yi, porte-parole du commandement du théâtre oriental de l'armée chinoise, décrivant les manoeuvres comme "légitimes et nécessaires pour sauvegarder la souveraineté et l'unité nationale de la Chine".
"Ces exercices sont principalement axés sur les patrouilles de préparation au combat mer-air, l'acquisition conjointe d'une supériorité globale, l'assaut de cibles maritimes et terrestres et le blocus de zones clefs et de voies maritimes", a détaillé le porte-parole.
En réponse, Taipei a dit avoir dépêché ses propres avions et navires, et déployé des systèmes de missiles.
A Washington, la porte-parole de la Maison Blanche a assuré que le président Donald Trump "insiste sur l'importance de maintenir la paix dans le détroit de Taïwan" et réitéré "l'opposition des Etats-Unis à toute tentative unilatérale de modifier le statu-quo par la force ou la coercition".
Pour l'Union européenne, les manoeuvres chinoises "aggravent les tensions".
"Nous appelons toutes les parties à faire preuve de retenue et à éviter toute action susceptible d'aggraver les tensions", a affirmé une porte-parole de la diplomatie européenne, Anitta Hipper.
"Frappes de précision multidirectionnelles"
De son côté, le chef de l'armée philippine a affirmé mardi que son pays serait "inévitablement" impliqué en cas d'invasion de Taïwan.
"Commencez à planifier des actions au cas où il y aurait une invasion de Taïwan", a déclaré le général Romeo Brawner à des soldats sur l'île septentrionale de Luçon. "Parce que si quelque chose survient à Taïwan, inévitablement, nous serons impliqués", a-t-il ajouté, sans désigner un éventuel envahisseur.
En même temps, les garde-côtes taïwanais ont annoncé avoir arrêté un ressortissant chinois qui tentait d'entrer "illégalement" sur l'une des îles de Taïwan à bord d'un bateau pneumatique.
L'homme a été repéré peu avant 07H00 (23H00 GMT lundi) au large de l'île principale de l'archipel occidental de Kinmen, selon un communiqué des garde-côtes.
Ces îles sont administrées par Taipei, bien que se situant à seulement quelques kilomètres de la Chine continentale.
Le Parti communiste chinois n'a jamais gouverné Taïwan mais revendique l'archipel comme partie intégrante de son territoire et n'exclut pas l'usage de la force pour en prendre le contrôle.
Pékin a intensifié ces dernières années le déploiement d'avions de chasse et de navires de guerre autour de Taïwan afin d'appuyer sa revendication, que Taipei rejette.
La Chine a déployé 71 aéronefs, quatre navires de garde-côtes et 21 navires de guerre chinois autour de Taïwan, dont un porte-avions, le Shandong, selon le ministère taïwanais de la Défense.
Pour ce qui est des navires de guerre, il s'agit d'un nombre record depuis mai 2024, selon un comptage de l'AFP à partir de données officielles.
Point de tension majeur
Ces nouvelles manoeuvres sont destinées à faire passer un message d'"avertissement ferme et de dissuasion énergique" aux présumés séparatistes de l'île, ont affirmé les forces armées chinoises.
Mais aussi à s'entraîner à des "frappes de précision multidirectionnelles" autour de l'île, selon un communiqué du commandement chinois qui supervise les opérations dans le détroit de Taïwan.
Les experts estiment que la Chine est plus susceptible de tenter un blocus de Taïwan que de lancer une invasion totale, qui serait plus risquée et nécessiterait un déploiement militaire massif.
L'expert militaire Su Tzu-yun, rallié à l'INSDR, un think tank rattaché au gouvernement, note que ces exercices semblent être de taille similaire aux manoeuvres "Joint-Sword" menées en mai et octobre 2024.
Selon Lin Ying-yu de l'université de Tamkang, dans le nord de Taïwan, l'organisation d'exercices juste après la visite du ministre américain de la Défense Pete Hegseth dans la région montre que la Chine met l'administration Trump à l'épreuve.
"La Chine veut tester les résultats des Etats-Unis avant un sommet Trump-Xi par le biais d'exercices militaires", a déclaré M. Lin à l'AFP.
Le président taïwanais démocratiquement élu Lai Ching-te a qualifié le mois dernier la Chine de "force étrangère hostile" et proposé de nouvelles mesures pour lutter contre l'infiltration et l'espionnage chinois.
Mardi, au moment même des manœuvres, la diplomatie chinoise a affirmé que les initiatives en faveur de l'indépendance de Taïwan étaient "vouées à l'échec".
Un porte-parole du Bureau des affaires taïwanaises de Pékin a aussi averti que "l'indépendance de Taïwan (signifiait) la guerre", et que la promouvoir revenait à pousser les Taïwanais "vers une situation périlleuse de conflit armé".
Ces manœuvres sont les plus importantes depuis février, lorsque Taipei avait affirmé que la Chine avait organisé des exercices de "tirs à balles réelles" avec des avions et des navires de guerre.
L'Etat-parti chinois avait dénoncé une "exagération" de la part de Taïwan face à ce qu'il décrivait comme un "entraînement de routine".
Taïwan est l'un des points de tension majeurs entre la Chine et les Etats-Unis, le principal soutien politique de Taipei et son premier fournisseur d'armes.
Ces exercices militaires interviennent deux jours après que M. Hegseth, en déplacement à Tokyo, a déclaré que "les Etats-Unis étaient déterminés à maintenir une dissuasion crédible" dans le détroit de Taïwan.
Les tensions remontent à 1949, lorsque le parti nationaliste chinois s'est réfugié à Taïwan après sa défaite face à l'armée communiste.
AFP
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