Ortagus met le Liban devant une alternative: désarmer le Hezbollah ou se priver d'aides
L'émissaire américaine, Morgan Ortagus. ©IBRAHIM AMRO / AFP

Le Liban est devant l’alternative suivante: soit il désarme “le plus tôt possible” le Hezbollah et met en application l’accord de cessez-le-feu avec Israël et les promesses de réformes, soit il restera isolé et ne pourra pas bénéficier d’un soutien international pour se remettre sur pied.

L’envoyée spéciale adjointe du président américain pour le Moyen-Orient, Morgan Ortagus, a été on ne peut plus claire sur ce point, dans l’interview qu’elle a accordée dimanche soir à la chaîne locale LBCI.

Si elle a fait part de son “optimisme” concernant la nouvelle équipe au pouvoir au Liban, saluant notamment la présence de “réformateurs” au sein du gouvernement, elle a insisté sur la nécessité pour celui-ci de prendre des mesures concrètes “dans le but d’établir un véritable partenariat avec les États-Unis”.

Mme Ortagus a évoqué à plusieurs reprises au cours de l’interview la question du désarmement du Hezbollah, soulignant qu’il ne s’agissait pas uniquement de ce groupe, mais de toutes les milices au Liban, en allusion aux factions palestiniennes également soutenues par l’Iran. "Nous soulevons toujours cette question avec les responsables libanais et nous continuons à faire pression sur le gouvernement pour que le cessez-le-feu avec Israël soit pleinement respecté”, a-t-elle précisé.

Elle s’est dite "très enthousiaste" à l’égard du gouvernement en place, mais ses propos laissent transparaître un certain scepticisme mis en relief par le message principal qu’elle a adressé à ses interlocuteurs: “Si vous voulez un partenariat avec les États-Unis, vous devrez remplir certains critères.”

Selon elle, le Liban a un choix à faire: "Désarmer le Hezbollah, mettre en œuvre le cessez-le-feu et mettre fin à la corruption. Si ces objectifs sont atteints, nous serons un partenaire formidable. Mais en cas de retard, il ne doit pas s'attendre à une collaboration de notre part."

“Nous avons soutenu l'armée libanaise pendant de nombreuses années à travers la formation, le financement et les équipements. Maintenant, sous la direction du président Joseph Aoun, l'armée est prête à exercer davantage d'autorité. Nous l'aiderons à atteindre ses objectifs”, a encore dit Mme Ortagus.

Elle a insisté sur le fait que “plus l'armée libanaise atteignait ses objectifs, plus rapidement le peuple libanais se libérerait de l'influence étrangère, du terrorisme et de la peur”.

En réponse à une question, Mme Ortagus a précisé qu’elle n’a pas abordé avec ses hôtes la question d’une éventuelle normalisation avec Israël. Selon elle, les États-Unis se concentraient actuellement sur le respect du cessez-le-feu, le désarmement du Hezbollah et les réformes économiques au Liban. “Nous espérons certes atteindre un stade de négociations (avec Tel Aviv) pour résoudre les différends frontaliers et d'autres questions entre le Liban et Israël”, a-t-elle expliqué.

L’envoyée américaine a également révélé, en réponse à une autre question, que “le président Joseph Aoun n’avait pas rejeté, en sa présence, l’idée d’un établissement de trois commissions diplomatiques pour discuter avec Israël de la question des détenus libanais, de la délimitation des frontières et du retrait de l'armée israélienne du Liban-Sud”.

“Aidez-nous à vous aider”

L’émissaire américaine a ainsi fait le point de deux jours d’entretiens intensifs avec plusieurs officiels, notamment les présidents de la République, Joseph Aoun, du Parlement, Nabih Berry, et du Conseil, Nawaf Salam.

À l’ordre du jour des discussions, les armes du Hezbollah, l’application de l’accord de cessez-le-feu avec Israël et les réformes, en l’occurence financières, que le Liban est appelé à réaliser.

Elle a révélé avoir rencontré neuf ministres libanais, avec qui elle a discuté en particulier des réformes qui doivent être réalisées “pour en finir avec la corruption endémique”.

Morgan Ortagus n’a fait aucune déclaration à l’issue de ses nombreux entretiens avec les responsables libanais, contrairement à sa première visite au Liban, en février dernier, lorsqu’elle n’avait pas hésité à dévoiler et à commenter les sujets qu’elle avait abordés avec ses interlocuteurs.

Selon des sources politiques citées par notre confrère, Houna Loubnan, Morgan Ortagus a insisté durant tous ses entretiens sur “l’urgence” de régler le problème des armes illégales. Mais si elle gardé le silence au sujet de la teneur des conversations qu’elle a eues, c’est parce qu’“elle n’était pas convaincue” par les réponses libanaises, a-t-on indiqué de mêmes sources.

Devant ses interlocuteurs qui lui exposaient longuement les mesures déjà prises et envisagées, que ce soit en termes d’application de l’accord de cessez-le-feu et de la résolution 1701 du Conseil de sécurité ou encore des réformes financières, Mme Ortagus aurait rappelé que “de nombreuses promesses ont été faites par le passé et aucune n’a été honorée, ce qui est inacceptable”. “Nous jugerons en fonction des résultats”, aurait-elle également dit.

Selon ces sources, “la position américaine est très claire et le discours de Mme Ortagus était ferme, notamment lorsqu’elle a lié la question de la reconstruction à celle d'une solution rapide et définitive aux armes du Hezbollah”.

Mme Ortagus aurait repris, devant les officiels libanais, la formule que l’envoyé spécial du président français, Emmanuel Macron, Jean-Yves Le Drian, avait lancée lors de sa mission au Liban en juin 2020: “Aidez-nous à vous aider.”

 

Commentaires
  • Aucun commentaire