
Les forêts libanaises, essentielles à l’équilibre écologique du pays, sont aujourd’hui menacées par diverses pratiques destructrices. Entre coupe illégale, urbanisation rapide et changements climatiques, ces poumons verts risquent de disparaître. Le ministre de l’Agriculture prend des mesures urgentes pour inverser cette tendance.
Le Liban, un pays dont les forêts couvrent seulement 13,6% de sa superficie totale, fait face à une crise environnementale majeure. Selon les données récentes du ministère de l’Agriculture (2021) et du CNRS, et les estimations de la FAO, le pays possède environ 137.000 hectares de forêts naturelles.
Cette couverture forestière continue de reculer sous l'effet combiné de la coupe illégale, de l’urbanisation non contrôlée et des changements climatiques qui mettent en péril l'équilibre écologique du pays.
Face à cette situation préoccupante, le ministre de l’Agriculture, Nizar Hani, a déclaré, le 27 mars, l’état d’urgence forestier, lançant une série de mesures strictes pour freiner la dégradation de ces écosystèmes vitaux.
Néanmoins, ces initiatives, pour être efficaces et durables, nécessitent une mobilisation collective et une coopération renforcée à l’échelle nationale.
Un état d'urgence forestier pour sauver les écosystèmes
Les forêts libanaises, véritables poumons verts, sont essentielles à la régulation du climat, à la préservation de la biodiversité et à la prévention des catastrophes naturelles. Pourtant, elles sont de plus en plus vulnérables face aux pressions qui pèsent sur elles, et leur dégradation entraîne des conséquences graves pour l'ensemble de l'écosystème.
M. Hani a alors déclaré l'état d'urgence, une décision sans précédent, pour lutter contre la coupe illégale d'arbres et la désertification croissante, deux menaces majeures pesant sur l'écosystème forestier du pays.
Plusieurs mesures ont été prises, dans le cadre d’un «plan national visant à protéger les forêts et à renforcer leur durabilité». À partir du 1ᵉʳ avril 2025, le gouvernement suspend les permis de coupe d'arbres afin de permettre aux écosystèmes forestiers de se régénérer naturellement. Le ministre a également annoncé l’interdiction, à partir du 1ᵉʳ juin 2025, de la production de charbon de bois, une activité particulièrement nuisible aux forêts.
«La dégradation des forêts, a rappelé le ministre, ne nuit pas seulement à la biodiversité, elle augmente aussi les risques de catastrophes naturelles telles que les inondations et les glissements de terrain».
Les poumons verts du Liban en péril
Interrogé par Ici Beyrouth, Ralph Zgheib, ingénieur agronome et expert en gestion des sols et des forêts, alerte sur les graves menaces qui pèsent sur les forêts libanaises.
Parmi les principales menaces, les incendies de forêts, souvent dus à des négligences humaines. «Ils deviennent de plus en plus fréquents et destructeurs à cause du manque de prévention et d'une gestion inadaptée», souligne-t-il.
L'urbanisation sauvage et l'extension illégale des constructions sont aussi des menaces majeures, notamment dans des régions comme le Akkar et la Békaa. «Les constructions illégales empiètent sur des zones forestières cruciales», précise M. Zgheib.
Le pâturage excessif, notamment dans des zones protégées, comme la forêt de chênes de Qammouaa, accélère l'érosion des sols et la perte de biodiversité. «Le surpâturage fragilise nos forêts et détruit la végétation», explique-t-il.
La demande croissante en bois de chauffage exerce une pression inquiétante sur les forêts libanaises. «Dans le Nord, la présence de réfugiés syriens contribue à cette surexploitation», précise l’expert, ajoutant que «le manque de ressources du ministère de l’Agriculture empêche une gestion durable et efficace».
Par ailleurs, le changement climatique aggrave la situation, avec des sécheresses qui affaiblissent les arbres et perturbent les cycles de l’eau, «réduisant leur capacité à stocker du carbone», explique l’expert. Il souligne aussi la pression liée à l’absence d’aménagement forestier et à une gestion sylvicole dépassée.
Pour M. Zgheib, l'action doit être immédiate. «Il faut renforcer les lois, moderniser les infrastructures anti-incendie et renforcer l'éducation environnementale», explique-t-il, préconisant une collaboration entre les communautés locales et le gouvernement.
Enfin, il insiste sur l'importance de la participation des municipalités et des coopératives rurales pour assurer la surveillance, le reboisement et la prévention des incendies. Selon lui, le ministère de l'Agriculture, quant à lui, devrait coordonner les politiques forestières et assurer la formation des agents forestiers.
Un engagement collectif
Malgré ces défis, plusieurs initiatives sont en place pour restaurer et protéger les forêts libanaises.
Le Plan national de reboisement (PNR), bien qu'entravé par la crise économique, prévoit la plantation de plus de 40 millions d'arbres d’ici à 2030. Des ONG comme Lebanon Reforestation Initiative (LRI), Association for Forests, Development and Conservation (AFDC) et Jouzour Loubnan, soutenues par la FAO et l'Union européenne, participent activement à la restauration des forêts et à la promotion de l’agroforesterie, tout en sensibilisant la population à la préservation de l’environnement.
Parallèlement, le 10 avril, la ministre de l’Environnement, Tamara el-Zein, a tenu une réunion avec la Banque mondiale afin de finaliser un projet stratégique de prévention des incendies dans les régions du Akkar et du Chouf. Ce partenariat vise à renforcer la coordination entre les acteurs publics et civils pour une gestion plus efficace et durable des forêts.
Cet accord prévoit l'amélioration de la coopération entre le gouvernement et les communautés locales, le renforcement des capacités de lutte contre les incendies et la restauration des forêts par la plantation d'arbres et la protection de la biodiversité.
Par ailleurs, une coopération entre plusieurs ministères a été instaurée pour renforcer l’application des mesures exigées par le ministère de l'Agriculture. Ce dernier a transmis au ministère de la Défense une liste des zones affectées par la coupe illégale, afin de permettre une sanction rapide des contrevenants.
Cette initiative s’inscrit dans un cadre plus large visant à contrer les risques de catastrophes naturelles. Le ministère de la Justice a également été impliqué pour accélérer le traitement des infractions et imposer des sanctions strictes.
Le contrôle sur le terrain a été renforcé grâce à des patrouilles supplémentaires, en collaboration avec le ministère de l'Intérieur. Des sanctions immédiates seront appliquées aux contrevenants, avec le soutien des Forces de sécurité si nécessaire.
Enfin, M. Hani a appelé les citoyens à participer activement à cette lutte, soulignant que «la préservation de l’environnement forestier est une responsabilité partagée entre l’État et la société».
Il a aussi insisté sur l'importance de sensibiliser la population, affirmant que «chaque citoyen doit comprendre l'impact de ses actions et participer à la préservation de l'environnement», car la protection des forêts repose sur un engagement collectif.
À l'heure où l'urgence devient incontournable, l'avenir de ces écosystèmes dépend de notre capacité à agir ensemble. Sans une mobilisation collective, ces trésors de biodiversité risquent de s’éteindre dans le silence.
Au Liban, les forêts occupent environ 13,6% du territoire national, tandis que les terres boisées additionnelles en représentent près de 11%. Ces écosystèmes forestiers se composent essentiellement de chênes, de pins, de genévriers et de cèdres, formant un patrimoine naturel d’une grande richesse écologique et paysagère.
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