
« Une affaire d'État » ou « un dossier vide » ? Trois hommes, dont un travaille dans l'un des consulats d'Algérie en France, ont été mis en examen vendredi à Paris, soupçonnés d'être impliqués dans l'enlèvement fin avril 2024 sur le sol français d'un opposant au régime algérien, l'influenceur Amir Boukhors.
Ils sont poursuivis pour arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire en relation avec une entreprise terroriste, a indiqué samedi le parquet national antiterroriste (PNAT), confirmant des informations obtenues par l'AFP de sources proches du dossier.
Ils sont également mis en examen pour participation à une association de malfaiteurs terroriste criminelle.
Vendredi soir, une juge des libertés et de la détention a placé en détention provisoire ces hommes âgés d'une cinquantaine à une soixantaine d'années, avait constaté une journaliste de l'AFP.
L'un d'eux travaille dans un consulat d'Algérie en France, d'après plusieurs sources proches du dossier.
« La question de l'immunité diplomatique se posera dans la procédure » pour ce suspect, qui ne bénéficie pas d'un passeport diplomatique, mais d'un passeport de service, a souligné l'une des sources.
L'enquête a aussi mené à une deuxième mise en examen, celle d'un « père de famille » franco-algérien, « proche » de ce membre du consulat d'Alger, selon plusieurs sources proches. Le troisième mis en examen connaissait les deux premiers.
L'analyse du bornage téléphonique a notamment mené les enquêteurs jusqu'au consulat d'Algérie, a appris l'AFP de source proche du dossier.
Sur les quatre gardes à vue révélées par Le Parisien, une a été levée, ont confirmé plusieurs sources proches.
« Intimidation et terreur »
Amir Boukhors, alias « Amir DZ », influenceur algérien, avait fait « l'objet de deux agressions graves, une en 2022 et une autre dans la soirée du 29 avril 2024 », a rappelé son avocat Eric Plouvier, contacté par l'AFP.
L'enquête, d'abord ouverte au parquet de Créteil, a été reprise par le Pnat en février dernier.
Ce changement de juridiction et l'ouverture d'une information judiciaire qui s'en est suivie « montrent qu'une puissance étrangère, l'Algérie, n'a pas hésité à mener une action violente sur le sol français par l'intimidation et la terreur de nature à porter atteinte à la vie », a estimé Me Plouvier.
« Ce tournant judiciaire de l'enquête avec l'arrestation d'agents liés au régime algérien et leur présentation à un juge révèle aussi que les faits du 29 avril 2024 sont une affaire d'État », a affirmé l'avocat.
« De telles actions violentes portent atteinte à la souveraineté de la France, mais aussi à la sécurité des réfugiés politiques, dont celle d’Amir Boukhors que la France a l’obligation d’assurer », a insisté le conseil.
Une source proche du dossier a appelé à la prudence, redoutant que la suite des investigations ne révèlent en réalité « un dossier vide », avec des suspects apparaissant comme des fusibles.
Sollicitées par l'AFP, les avocates des suspects, dont Véronique Massi et Clotilde Garnier, n'ont pas souhaité s'exprimer.
Le nom d'Amir Boukhors est récemment apparu dans une autre information judiciaire, celle-ci ouverte par le parquet de Paris.
Dans ce dossier, un employé du ministère français de l'Économie a été mis en examen en décembre, soupçonné d'avoir livré des informations sur des opposants au régime algérien, dont Amir Boukhors.
Les informations étaient réclamées et transmises à « une personne de nationalité algérienne travaillant au consulat d'Algérie de Créteil », selon le parquet de Paris.
D'après une source proche de cette enquête, cet agent demandait des informations à l'employé de Bercy sur des ressortissants algériens, dont des opposants connus tels que Amir Boukhors et Mohamed Larbi Zitout, ou encore un journaliste réfugié, un Algérien ayant porté plainte en France contre un général, des personnalités influentes comme l'influenceur Chawki Benzehra.
Ces personnes ont, pour « certaines », été « victimes de violences, menaces de mort ou tentative d'enlèvement », a souligné la source proche de cette enquête, sans donner davantage d'éléments sur le lien éventuel de causalité.
AFP
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