
La romancière Elena Poniatowska se remémore une scène surréaliste survenue à Mexico en 1976 entre deux géants du «boom» latino-américain. Gabriel García Márquez fut violemment frappé au visage par Mario Vargas Llosa pour des raisons restées mystérieuses.
Elle s’en souvient près de 50 ans plus tard: la romancière mexicaine Elena Poniatowska raconte à l’AFP comment Mario Vargas Llosa, décédé dimanche à Lima, a réglé ses comptes un soir en public avec un autre géant de la littérature, Gabriel García Márquez.
C’était le 12 février 1976 à Mexico, lors d’un «evento» (réception) culturel convivial et policé comme la capitale mexicaine les aime, en l’occurrence la première du documentaire Odisea de los Andes (Odyssée dans les Andes) sur les survivants d’un crash d’avion dans les montagnes du Chili.
Parmi les invités, deux figures du fameux «boom» du roman latino-américain : le Colombien Gabriel García Márquez, 48 ans, et le Péruvien Mario Vargas Llosa, 39 ans, tous deux futurs prix Nobel de littérature.
Et puis la journaliste et romancière Elena Poniatowska, née à Paris d’une mère mexicaine et d’un père descendant de la noblesse polonaise, 92 ans aujourd’hui.
«J’étais assise à côté de Gabriel García Márquez par hasard. Souriant, il est allé le saluer mais Vargas Llosa lui a donné un coup de poing», raconte-t-elle au lendemain de la mort du dernier géant du «boom» des années 60.
Comme dans une bande dessinée, «Elenita» comme l’appellent les Mexicains est allée acheter une tranche de viande pour soigner l’œil au beurre noir de García Márquez. «Il y avait un marchand de hamburgers tout près. Comme il l’avait frappé à l’œil et sur la joue, j’ai acheté un filet et je lui ai dit qu’il se le mette dessus».
L’auteur de Cent ans de solitude s’en est sorti avec un superbe hématome à l’œil gauche et une égratignure sur l’aile du nez, immortalisés par une photo de Rodrigo Moya.
Vargas Llosa n’aurait pas apprécié que «Gabo» s’approche de trop près de sa femme Patricia. «Ça, c’est pour ce que tu as fait à Patricia», lui aurait-il crié d’après la presse mexicaine de l’époque.
«Je n’ai jamais rien su, ni n’ai voulu vérifier. Ce n’est pas mon rôle», commente Poniatowska (cousine de l’ex-ministre français de l’Intérieur Michel Poniatowski dans les années 1970).
Les deux hommes ont passé un pacte de silence pour ne jamais revenir sur l’incident, a révélé Vargas Llosa en 2014 après la mort de Gabo.
Vargas Llosa et García Márquez avaient pourtant été «de grands amis, des voisins à Barcelone, des complices», raconte le journaliste péruvien Jaime Bayly, auteur d’un roman sur le coup de poing (Los genios, Les génies).
La politique les a séparés, quand Vargas Llosa a pris ses distances avec la gauche dans les années 1970.
Père du journalisme indépendant au Mexique, Julio Scherer assure que Vargas Llosa lui a demandé de ne pas raconter l’incident dans les colonnes de l’Excelsior, dans un livre publié en 2007.
AFP
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