
Après l’adoption du projet de loi sur la réforme de la situation des banques au Liban et leur réorganisation, le gouvernement travaillera à l’élaboration d’un projet de loi visant à combler le déficit financier, qui permettra de rétablir l’équilibre du système financier. L'exécution du projet de loi sur la réforme et la réorganisation des banques au Liban est suspendue jusqu'à l’adoption de cette loi de traitement du déficit, considérée comme une condition nécessaire pour rétablir l’équilibre financier.
Ce projet de loi soulève de nombreuses interrogations, notamment: comment peut-on parler de restructuration bancaire avant de déterminer l’ampleur des pertes, des dettes et des responsabilités, et surtout les engagements de l’État et de la Banque du Liban envers les banques, avant de les évaluer?
Une analyse du projet de loi permet de dégager plusieurs observations sur des articles qui présentent des lacunes et un flou dans leur interprétation. Certains articles proposent des mesures qui, si elles étaient appliquées, ne réformeraient pas la situation des banques, mais, au contraire, porteraient atteinte à ce qu’il en reste.
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L’article 3 du projet de loi fixe parmi les objectifs la réduction du recours aux fonds publics pour réformer la situation bancaire. Cela ne signifie-t-il pas indirectement que l’État refuse d’assumer une part du déficit dont il est responsable, conduisant ainsi à l’effacement des dépôts, en contradiction avec les décisions du Conseil d’État?
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Le projet de loi prévoit la création d’une Haute Autorité bancaire chargée de la réforme du secteur, composée de sept membres: le gouverneur de la Banque du Liban, un de ses adjoints, le président de la Commission de contrôle des banques, un expert juridique, deux experts en affaires bancaires, financières ou en audit (comptable ou judiciaire) et le président du Conseil d’administration de la Caisse nationale de garantie des dépôts. Cette instance ne comprend aucun représentant des banques. Est-ce logique qu’elles ne soient pas représentées dans l’organe censé réformer leur propre secteur?
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Selon le projet de loi, la Commission de contrôle évaluera la situation de chaque banque et déterminera la valeur nette de ses actifs et le montant de ses pertes, sur la base desquels la Haute Autorité décidera de la réformer, la recapitaliser ou la liquider. Après modification du texte, les banques concernées peuvent désormais faire appel devant la justice, comme dans tous les pays du monde. Mais ce recours n’a pas d’effet suspensif. Le projet n’inclut même pas la clause «sauf décision contraire de la juridiction compétente», ce qui empêche le tribunal de suspendre une décision jugée arbitraire – la banque pourrait être contrainte d’appliquer la décision avant même que la justice ait tranché, rendant tout recours inutile.
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Concernant le renforcement du rôle de la Commission de contrôle à cette étape: celle-ci agit comme partie, juge et arbitre à la fois, en intervenant dans l’évaluation, la planification, la surveillance et la prise de décision via la Haute Autorité bancaire.
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Or, l’État est lui-même en défaut de paiement, avec des engagements envers la Banque du Liban, qui détient les dépôts des banques, donc des déposants. L’État se trouve donc en position de juge de la crise alors qu’il en est partie prenante. Comment peut-on garantir une justice dans ces conditions?
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Le projet de loi va encore plus loin en étendant les pouvoirs du directeur provisoire que la Haute Autorité pourrait nommer, avec des compétences larges: contrôle total sur les actifs de la banque, possibilité de révoquer des responsables sans motif légitime. Est-ce raisonnable?
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En l’absence de toute décision judiciaire, la loi donne à l’autorité le droit de saisir les biens des dirigeants bancaires simplement sur soupçon de crimes civils ou pénaux, sans passer par un tribunal spécialisé. Mais la vraie question est de savoir si les banques, en plaçant leurs dépôts à la Banque du Liban et en faisant confiance aux bons du Trésor de l’État libanais, ont commis une infraction civile ou pénale.
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L’article 13 présente les instruments de réforme: restructuration interne, réduction des fonds propres, recapitalisation par de nouveaux investisseurs, fusion ou transfert partiel ou total d’actifs, de droits et de passifs à une autre institution. Mais une autre mesure est prévue: l’injection de capitaux par la Banque du Liban pour participer au capital de la banque. Or, il est utile de se rappeler la crise de la banque Intra et le rôle joué par la Haute Autorité bancaire à l’époque. En effet, l’État avait injecté environ 155 millions de livres dans 17 banques pour les sauver – un précédent qu’il convient de mentionner.
En conclusion, ce projet de loi, qui fait peser sur les banques et leurs actionnaires la responsabilité du défaut de paiement de l’État, ne peut que dissuader les investisseurs. Il ne favorise ni la réforme du secteur, ni sa relance, bien au contraire.
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