Entre réalité et aventure, à quel jeu joue le Hezbollah ?
©Ici Beyrouth

D’aucuns, au Liban comme à l’étranger, n’ont pas saisi les propos du président de la République, le général Joseph Aoun, concernant une éventuelle intégration des unités du Hezbollah au sein de l’armée ou des forces de sécurité. Pourtant, ses propos étaient sans équivoque: « Nous ne voulons pas répéter l’expérience du Hachd al-Chaabi en Irak. » Par cette déclaration, le chef de l’État a clairement signifié que l’État libanais n’a aucune intention d’intégrer les unités armées du Hezbollah – ni leurs armes ni leur idéologie, au sein de l’armée nationale, ni de les considérer comme une force auxiliaire à l’institution militaire.

Selon des sources libanaises bien informées au sujet des discussions en cours concernant l’avenir des forces armées du Hezbollah, la seule issue viable aujourd’hui serait une dissolution de l’appareil militaire du parti, dans le cadre d’une réintégration dans les structures de l’État.

Cette démarche impliquerait dans un premier temps la remise volontaire des armes à l’armée libanaise, ou leur destruction, ainsi que la révélation complète de toutes les infrastructures militaires du Hezbollah, notamment les bases de missiles sol-sol, sol-mer et sol-air, ainsi que les usines de fabrication d’armes, de drones et d’explosifs.

Ces mêmes sources insistent également sur le démantèlement total du dispositif sécuritaire autonome du parti, et la restitution de l’ensemble des technologies militaires sensibles en sa possession.

Ce n’est qu’à l’issue de ce processus que les membres du Hezbollah pourraient être autorisés à intégrer l’armée ou les forces de sécurité officielles, sous réserve de suivre un programme rigoureux de réhabilitation et de formation, garantissant une allégeance exclusive à l’État libanais et à son projet national.

Cependant, ce scénario ne pourra se concrétiser que si le Hezbollah accepte de déposer volontairement ses armes, ce que le parti refuse catégoriquement à ce jour, comme en témoignent les propos de son secrétaire général adjoint, le cheikh Naïm Qassem, ainsi que de Hajj Wafiq Safa. La question demeure donc entière: que veut réellement le Hezbollah?

En premier lieu, le Hezbollah cherche à préserver son lien stratégique avec la République islamique d’Iran, principal soutien politique, militaire et financier du parti depuis sa création. En effet, Téhéran a investi des milliards de dollars dans le développement du Hezbollah et de son infrastructure militaire. Partant, il est peu probable que le parti puisse prendre, de manière autonome, des décisions concernant un arsenal et des ressources placés sous le contrôle direct des Iraniens.

De son côté, l’Iran continue d’afficher un soutien sans faille au Hezbollah, notamment sur le plan de l’armement. Ce soutien a été réaffirmé à plusieurs reprises par des responsables iraniens de haut rang, en particulier le guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei.

Deuxièmement, sur le plan intérieur libanais, le Hezbollah n’est pas prêt à renoncer au surplus de puissance militaire dont il dispose, car celui-ci constitue un instrument de pression et d’intimidation sur les autres forces politiques et communautés. Cette supériorité militaire lui permet de conserver une influence directe sur les équilibres nationaux. Cependant, si l’Iran venait à se désengager politiquement, militairement et religieusement du Hezbollah, ce dernier pourrait chercher à échanger ses armes contre des concessions ou des garanties politiques sur la scène intérieure.

Néanmoins, les calculs du Hezbollah sont en total décalage avec ceux des États-Unis, d’Israël, de la majorité des pays arabes et de la communauté internationale. De plus, ils vont à l’encontre de l’avis de l’écrasante majorité des Libanais qui considèrent que l’acceptation par le Hezbollah de la résolution 1701 et du cessez-le-feu implique automatiquement son désarmement, puisqu’aucun de ces textes ne reconnaît, de près ou de loin, un quelconque droit pour le Hezbollah à conserver un rôle militaire.

Par conséquent, en maintenant son arsenal et son rôle militaire autonome, le Hezbollah viole non seulement les termes du cessez-le-feu, mais aussi la résolution 1701, exposant ainsi le Liban à de lourdes conséquences: une possible reprise des hostilités, le gel de tout effort de reconstruction, et une crise interne profonde dont le pays saurait se relever.

Les dernières prises de position des responsables du Hezbollah révèlent une tendance inquiétante: le parti semble avoir délibérément choisi de ne pas reconstruire ce que la guerre dite «de soutien» a détruit. Pire encore, il a entraîné dans sa logique de refus le président du Parlement, Nabih Berry, en s’opposant à l’accord de cessez-le-feu ainsi qu’à l’application de la résolution 1701 et des résolutions connexes du Conseil de sécurité.

Désormais, le Hezbollah tente une fois de plus d’entraîner l’État, l’armée et le peuple libanais dans une équipée non maîtrisée, prétendant bénéficier d’un soutien national à sa « résistance », alors que ni les citoyens, ni les institutions ne sont consultés sur ses décisions militaires, ni sur ses interventions au-delà des frontières du Liban.

Le plus frappant dans l’histoire, c’est que le Hezbollah saisit parfaitement la portée des avertissements émanant des États-Unis depuis le début du conflit, en mesure leur gravité et leur conséquences potentielles. Et pourtant, il persiste dans sa stratégie de confrontation. Une posture qui donne l’impression qu’il entraîne le pays tout entier — y compris ses propres alliés — vers une impasse dangereuse, voire dans une logique de suicide collectif.

 

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