
À l’approche des élections municipales du 4 mai au Mont-Liban, la course dans la municipalité de Jdeidé–Bauchrieh–Sad el-Bauchrieh s’intensifie.
Cette municipalité, la plus grande du Metn Nord, constitue un champ de bataille clé dans les élections à venir. Le conseil municipal, qui joue un rôle crucial dans la gouvernance locale, se compose de 21 membres: 5 issus de Jdeidé, 9 de Bauchrieh et 7 de Sad el-Bauchrieh.
Les dernières élections municipales dans la région remontent à 2010. En 2016, le conseil a été formé sans opposition, mais des divisions internes et des démissions ont finalement mené à sa chute. Depuis, Jdeidé souffre de négligence, de querelles politiques et d’une stagnation administrative, tandis que les résidents continuent à payer leurs taxes municipales, ce qui alimente leur sentiment de frustration. Désormais, à l’approche des élections de mai, un désir palpable de changement et d’un nouveau leadership se fait sentir.
Alliances politiques et candidatures inattendues
La scène politique électorale est aujourd’hui dominée par deux coalitions principales – avec quelques candidats indépendants – engagées dans la course aux municipales. Le Courant patriotique libre (CPL) s’est allié au député Michel Murr, soutenant Jean Abi Jaoudé comme candidat à la présidence du conseil municipal.
La liste de M. Abi Jaoudé, «Avec transparence, nous bâtissons l’avenir», a été officiellement lancée à Jdeidé–Bauchrieh–Sad. Celui-ci a souligné une approche axée sur le développement, au-delà des querelles politiques. Il a nié toute coordination avec l’ancien président du conseil municipal, Antoine Gébara, affirmant l’indépendance de sa liste et sa volonté de servir la communauté grâce à une équipe unie et compétente.
M. Gébara a officiellement présenté sa candidature. Selon certaines sources, sa démarche serait stratégique: il ne compterait pas aller jusqu’au bout, mais chercherait plutôt à secouer la scène avant de se retirer. Ce retrait ouvrirait la voie à l’intégration dans la liste d’Abi Jaoudé de candidats qui lui sont loyaux, voire, selon certaines sources, proches de la famille Murr.
Il est à noter qu’Antoine Gébara a retiré son fils, l’avocat César Gébara, de l’équation politique afin de protéger son image, tout en réintégrant lui-même la scène pour influencer les alliances et les résultats.
De l’autre côté, les partis Kataëb et les Forces libanaises (FL) se sont unis autour d’une liste commune intitulée «Sar Wa’ta» (Il est temps), menée par Auguste César Bakhos, avec pour colistier à la vice-présidence Ghassan Yazbek.
La coalition a lancé sa campagne lors d’un rassemblement public au cours duquel Bakhos a présenté un plan stratégique détaillé pour revitaliser la municipalité, axé sur la numérisation, la sécurité, la relance économique, l’innovation énergétique et des projets environnementaux.
Bien que la coalition ait réussi à former une liste complète de 21 membres, certains observateurs estiment qu’elle reste relativement faible au niveau local, ses candidats ayant été choisis davantage pour remplir les sièges que dans le cadre d’une stratégie cohérente.
Les tensions entre les Kataëb et les Forces libanaises se sont accentuées. Les Kataëb affirment avoir choisi Bakhos et constitué la liste en se positionnant comme les leaders principaux de la coalition, avec les FL en rôle de soutien. De leur côté, les Forces libanaises affirment que l’initiative leur revient et que Bakhos agit sous leur direction.
Dans un geste public de soutien, le député Ibrahim Kanaan, président de la Commission parlementaire des finances et ancien membre éminent du CPL – ayant quitté le parti après des conflits avec Gebran Bassil – a salué la liste «Sar Wa’ta», louant la volonté de ses membres de prendre leurs responsabilités pour la région et d’agir au-delà des rancunes politiques ou personnelles. M. Kanaan a insisté sur la nécessité d’un comportement éthique, d’unité et d’une action immédiate après les élections, qualifiant Bakhos d’homme alliant expérience, éducation et engagement local.
En réponse, Auguste Bakhos a réaffirmé l’unité et l’engagement de sa liste, tout en mettant en garde contre l’alliance adverse, qu’il a qualifiée d’«incomplète» et dépendante de noms familiers à l’historique d’échec et à la réputation de manipulateurs. Il a critiqué le slogan «Avec transparence, nous bâtissons l’avenir», déclarant: «Ceux qui n’ont jamais été transparents de leur vie ne vont pas le devenir tout coup».
En parallèle, un candidat indépendant, Jean Bakhos (sans lien avec Auguste), se présente seul et devrait marquer les esprits en tant que challenger solitaire et déterminé.
Une localité à la croisée des chemins
L’entrée en lice d’Antoine Gébara – suivie de son retrait anticipé et de ses efforts pour construire des alliances – a redessiné le paysage politique à Jdeidé–Bauchrieh–Sad.
Ce qui s’annonçait comme un duel classique entre deux camps s’est mué en une bataille bien plus complexe et imprévisible. Les habitants de la région, désabusés par des années de négligence et de dysfonctionnement, réclament une véritable réforme. Ils souhaitent un leadership capable de surmonter les rivalités politiques, de rétablir les services municipaux et de reconstruire la confiance du public. La dynamique politique de Jdeidé est profondément compliquée par des divisions sectaires, familiales et partisanes.
Outre son poids politique, l’importance économique et stratégique de la municipalité – qui abrite des zones industrielles, des centres commerciaux et la décharge de Bourj Hammoud–Jdeidé – rend l’issue de ces élections particulièrement cruciales pour le Metn. Les enjeux sont considérables. Le 4 mai ne désignera pas seulement un président: il déterminera l’orientation de Jdeidé–Bauchrieh–Sad pour les années à venir.
Reste à savoir si le résultat apportera une réforme véritable, un enracinement encore plus profond des réseaux de pouvoir traditionnels ou une toute nouvelle réalité politique – à un an seulement des élections législatives. Une chose est cependant certaine: cette année, les élections de Jdeidé dépassent le cadre local – elles représentent un test pour l’avenir politique du Liban.
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