Quand la mode défile entre les murs des musées de Paris
Une journaliste observe une œuvre intitulée «Le Tablier», créée par des étudiants en mode de la région Hauts-de-France, présentée dans l’exposition «S’habiller en artiste. L’artiste et le vêtement» au musée Louvre-Lens à Lens, dans le nord de la France, le 25 mars 2025. L’exposition se tient du 26 mars au 21 juillet 2025. ©François Lo PRESTI / AFP

À Paris, de plus en plus d'expositions célèbrent la mode dans des institutions muséales généralistes, révélant un intérêt culturel croissant. Entre patrimoine textile et dialogue artistique, le vêtement s'affirme comme un miroir de la société contemporaine.

Louvre Couture, Dolce & Gabbana au Grand Palais… En France, la mode s’invite de plus en plus au-delà des musées spécialisés, souvent avec succès, s’affirmant comme un phénomène culturel.

Dernier en date, le Petit Palais, le musée des beaux-arts de Paris, consacre à partir de mercredi une rétrospective à la maison Worth, à l’origine de la haute couture.

Fruit d’une collaboration avec le Palais Galliera – le musée parisien de la mode –, l’exposition met en lumière cette maison, fondée en 1858 dans la capitale française par l’Anglais Charles Frederick Worth (1825-1895) et qui a créé des vêtements jusqu’au milieu du XXe siècle.

«L’ouverture de l’exposition Worth coïncide avec un moment particulier», constate auprès de l’AFP Annick Lemoine, directrice du Petit Palais, en soulignant «l’intérêt aujourd’hui pour la mode».

Considérée comme un art plus accessible, «la mode décrispe un peu» à l’idée de prendre son billet pour un musée, souligne Olivier Saillard, directeur de la Fondation Azzedine Alaïa à Paris, où l’exposition consacrée à l’amitié entre le couturier et Thierry Mugler devrait être prolongée.

«La mode capte les attentions, captive», note cet historien de la mode.

Elle est «absolument extraordinaire parce qu’elle est comprise de tout le monde», analyse pour sa part Olivier Gabet, directeur du département des objets d’art du musée du Louvre et commissaire de l’exposition inédite Louvre Couture, qui fait dialoguer des chefs-d’œuvre de ce département et des pièces de grands créateurs.

«Ça dit des choses profondes de notre société, parce que le vêtement est quelque chose de très universel, tout un chacun peut avoir son point de vue sur la mode», poursuit-il.

«Visiteurs un peu différents» 

Et d’ajouter que le plus célèbre musée du monde «ne fait pas ça pour avoir plus de visiteurs» mais plutôt pour s’adresser à des «visiteurs peut-être un peu différents, un peu plus jeunes, un peu plus liés à une forme de diversité».

Pour Annabelle Ténèze, directrice du musée Louvre-Lens – une annexe du Louvre dans le nord de la France – qui accueille l’exposition «S’habiller en artiste, l’artiste et le vêtement», la popularité de ces thèmes est la convergence de préoccupations plus larges.

«Il y a vraiment un retour de la question du tissu dans l’art contemporain qui est lié au retour de la question de l’artisanat, du féminisme», explique-t-elle à l’AFP. Par ailleurs, dit-elle, «la question du corps est beaucoup plus centrale aujourd’hui dans l’identité, et particulièrement pour les jeunes générations. Le vêtement, qui est une seconde peau, n’est plus du tout perçu comme superficiel».

Pour preuve, le public suit. Ouverte en janvier, l’exposition Dolce & Gabbana au Grand Palais à Paris a été prolongée jusqu’à début avril, tandis que Louvre Couture est un «succès populaire», assure Olivier Gabet.

Les fastueux caftans, soieries chinoises et saris indiens de Au fil de l’or, l’art de se vêtir de l’Orient au Soleil-Levant au musée du Quai Branly de Paris ont été admirés par 180 000 curieux depuis février. «L’une des meilleures fréquentations enregistrées par le musée pour une exposition temporaire», précise l’établissement.

Ancien directeur du Palais Galliera, Olivier Saillard estime par ailleurs que, si la mode déborde de plus en plus hors des musées spécialisés, c’est parce qu’elle y trouve un nouvel écrin qui la met en valeur.

«Dans les musées de mode, qui sont souvent avec des vitrines, il y a parfois un effet d’asphyxie, alors qu’il y a besoin d’air autour des vêtements», développe-t-il. Confrontés à d’autres œuvres d’art, couleurs, tapisseries ou mobilier, «ils prennent tout à coup une autre tonalité, peut-être plus vivante, plus vibrante».

Par Marine DO-VALE / AFP

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