Drapeaux, conflits et revendications: l’envers du décor à l’Eurovision
Cette photo aérienne prise le 30 avril 2025 à Bâle montre l'arène St. Jakobshalle qui accueillera l'édition 2025 du Concours Eurovision de la chanson et le stade de football St. Jakob-Park qui accueillera le Public viewing show, vu derrière. ©Fabrice COFFRINI / AFP

À quelques jours du coup d’envoi de l’Euovision. plus grand concours de chant d’Europe qui se veut apolitique, il y a de fortes chances que chaque note résonne sur la scène de Bâle 2025 avec l’histoire, les conflits et les drapeaux.  

Le Concours Eurovision de la Chanson se veut une célébration de la diversité culturelle dans la neutralité mais fierté nationale, histoire parfois ancienne et géopolitique font souvent du télé-crochet une continuation de la politique par d'autres moyens.

Les 37 artistes en compétition se retrouveront à Bâle, dans le nord de la Suisse, la semaine prochaine pour le plus grand télé-crochet du monde. Si la politique est officiellement exclue de l'événement, il y a de fortes chances que les organisateurs aient fort à faire pour empêcher le bruit et la fureur du monde de venir troubler la grande fête de la chanson.

«Il est impossible de dépolitiser l'événement», tranche Dean Vuletic, historien et auteur du livre Postwar Europe and the Eurovision Song Contest (l'Europe de l'après-guerre et le concours de l'Eurovision) dans un entretien à l'AFP.

«C'est totalement impossible», acquiesce Jess Carniel, professeure associée à l'université australienne du Queensland du Sud, ajoutant que «comme chacun concourt sous son drapeau national, il y a toujours une dimension politique sous-jacente».

L'Union européenne de radio-télévision, qui organise l'Eurovision, a insisté, dès sa création il y a près de 70 ans, sur son caractère apolitique.

Mais dès ses débuts, la politique s'est invitée parfois avec fracas.

En grec dans le texte

Certains pays se sont cachés derrière leur langue natale pour revendiquer haut et fort sans faire trop de vagues, la majorité des spectateurs n'y comprenant que pouic.

La Grèce, par exemple, a présenté une chanson en 1976 critiquant la Turquie pour son invasion de Chypre, «mais elle était en grec et n'a pas suscité beaucoup d'intérêt», rappelle Lisanne Wilken, professeure associée en études européennes à l'université danoise d'Aarhus, à l'AFP.

Depuis, l'attention médiatique s'est décuplée et tout le monde peut chanter dans une langue plus universelle, comme l'anglais, ce qui en fait un événement idéal pour «quiconque souhaite attirer l'attention sur une cause», explique l'universitaire.

L'invasion de l'Ukraine par la Russie a dominé l'édition 2022 et ce sont les Ukrainiens de Kalush Orchestra, qui l'ont emporté. La Russie a été bannie.

En 2023, c'est la guerre d'Israël à Gaza qui a occupé la scène, parfois plus que les artistes. Des milliers de manifestants ont protesté contre la concurrente israélienne Eden Golan à Malmö, en Suède.

A Bâle cette année, il devrait y avoir de nouvelles démonstrations contre la participation d'Israël et de sa candidate Yuval Raphael, une survivante de l'attaque meurtrière du mouvement islamiste palestinien Hamas en Israël le 7 octobre 2023.

Drapeaux

Pour nombre de raisons, la mobilisation devrait être moindre cette année. Selon M. Vuletic c'est notamment parce que «la campagne contre Israël l'année dernière n'a pas été couronnée de succès».

«Aucun pays n'a boycotté l'Eurovision à cause d'Israël», et le pays a obtenu un score élevé en 2024, explique-t-il.

De nouvelles règles devraient aussi avoir un impact, notamment concernant les drapeaux. Si les candidats ne pourront arborer que le seul drapeau du pays qu'ils représente, le public aura toute liberté d'agiter l'étendard de son choix.

L'Eurovision a expliqué que son objectif était de «trouver un équilibre pour garantir que notre public et nos artistes puissent exprimer leur enthousiasme et leur identité, (tout en offrant) plus de clarté aux délégations concernant les espaces officiels».

«Je pense que cette décision a été principalement inspirée par les références à la Palestine l'année dernière», estime M. Vuletic.

Effet Trump?

Lisanne Wilken détecte un possible «léger effet pervers» dans cette nouvelle politique. Interdire aux candidats d'utiliser les drapeaux de la communauté LGBT «pourrait être perçu comme un geste envers le mouvement anti-woke».

Jess Carniel note que le fait que l'Eurovision a chaleureusement embrassé les fans LGBT a «suscité un peu une réaction négative».

En interdisant aux candidats d'arborer les symboles LGBT, les organisateurs pourraient «curieusement tenter d'attirer davantage de personnes» en soulignant que le concours «n'est pas un événement exclusivement queer».

Si les États-Unis ne participent pas au concours, le combat anti-diversité mené par Donald Trump pourrait aussi donner un coup de fouet aux conservateurs qui critiquent l'Eurovision depuis longtemps sur ce sujet.

Mais à l'inverse, les attaques du président américain contre les pays européens pourraient souder la communauté.

«Compte tenu du climat politique actuel», remarque Mme Carniel, «l'idée d'une unité européenne contre l'extérieur est une idée forte».

Avec AFP

Commentaires
  • Aucun commentaire