Frontières du Liban: Paris, Riyad et Washington à la manœuvre
©Ici Beyrouth

Entre l’Arabie saoudite et Paris, sous la vigilance américaine, le dossier sensible de la délimitation des frontières entre le Liban et la Syrie puis avec Israël progresse à pas mesurés mais décidés. Les initiatives diplomatiques concernant toutes les frontières du Liban avec la Syrie et Israël s’enchaînent dans un climat régional chargé, mais jugé propice à des avancées concrètes. Tous les feux semblent désormais au vert: sur le plan intérieur comme à l’international, plus aucun obstacle ne justifie le maintien du flou frontalier.

Le 28 mars dernier, à Djeddah, une étape importante a été franchie. Le ministre libanais de la Défense, Michel Menassa, et son homologue syrien, Mourhaf Abou Qasra, ont signé un accord autour de l’importance stratégique de la délimitation des frontières entre les deux pays. Ils se sont engagés à mettre en place des commissions juridiques spécialisées dans plusieurs domaines et à renforcer les mécanismes de coordination bilatérale pour répondre aux défis sécuritaires et militaires, en particulier ceux liés aux frontières.

Il a également été décidé de tenir une réunion de suivi en Arabie saoudite, à une date encore à déterminer, en fonction de l’avancée des travaux des commissions, de l’évolution du contrôle des frontières, de la cessation des affrontements et de la lutte contre la contrebande.

Dans ce processus, la France joue un rôle actif. Elle s’est impliquée dans la question frontalière entre le Liban et la Syrie, notamment après la chute du régime des Assad, principal obstacle historique au tracé des frontières. En cause: des intérêts propres, une volonté de maintenir des zones d’influence et un soutien assumé à l’agenda iranien et au Hezbollah. De toute façon, Hafez el-Assad, père du président déchu, Bachar el-Assad, n’a jamais reconnu les frontières avec le Liban.

Paris a ainsi saisi l’opportunité de cette reconfiguration pour proposer ses ressources et son expertise.

Lors de la visite à Paris du président syrien, Ahmad el-Chareh, Emmanuel Macron a abordé directement la question avec son hôte, réaffirmant la nécessité de contenir l’influence du Hezbollah au Liban, avant d’évoquer une amélioration progressive de la situation frontalière.

Le chef de l’État français a exprimé sa volonté de renforcer la coopération entre les responsables concernés et de lancer des négociations formelles sur la délimitation.

Le sujet a également été au centre des échanges entre Emmanuel Macron et le président Joseph Aoun, lors de leur rencontre en mars dernier dans la capitale française.

À cette occasion, M. Macron a révélé que la France disposait de cartes datant de 1943, issues de l’époque du mandat français, qui montrent la frontière entre le Liban et la Syrie, y compris sur la zone disputée des fermes de Chebaa. Ces cartes, élaborées par des géographes et des spécialistes en la matière, sont d’une précision suffisante pour être considérées comme des documents de référence.

Le président Aoun a exprimé son intérêt à les consulter et a sollicité l’assistance de la France pour finaliser la délimitation des frontières terrestres, notamment pour résoudre la question des fermes de Chebaa.

Aussitôt dit, aussitôt fait: l’ambassadeur de France au Liban, Hervé Magro, a remis une copie de ces documents au ministre libanais des Affaires étrangères, Joe Raggi, en application de l’engagement pris par Macron. La France a également réaffirmé sa disponibilité pour poursuivre sa coopération dans ce dossier.

Sur le terrain, le gouvernement libanais entend marquer sa détermination à suivre ce dossier. Le Premier ministre, Nawaf Salam, s’est rendu récemment en tournée dans la région frontalière. Lors d’une visite au point de passage de Masnaa, il a souligné que «les postes frontières officiels sont le reflet de la souveraineté libanaise» et a insisté sur la nécessité de leur bon fonctionnement, tant sur le plan sécuritaire que logistique. Il a annoncé l’installation de nouveaux équipements de contrôle, notamment des scanners de sécurité. «Ce poste de passage doit passer d’un point faible à un symbole de la vitalité de l’État et de la crédibilité de sa gestion. La réforme commence ici», a-t-il insisté.

Parallèlement, selon des sources sécuritaires, les comités techniques créés dans le cadre de l’«accord de Djeddah» ont entamé leurs travaux immédiatement après la signature. La coordination entre les deux parties sera désormais quotidienne et vise à stabiliser la frontière après l’arrêt des affrontements et la fermeture des points de passage illégaux. Selon ces sources, la situation sécuritaire serait maîtrisée, et la communication continue entre les responsables libanais et syriens.

Ces mêmes sources affirment que le Liban agit avec transparence et sérieux dans l’intérêt commun des deux pays.

Une réunion de suivi devra se tenir en Arabie saoudite d’ici à la fin du mois. Elle permettra de faire le point sur les mesures appliquées, d’évaluer les progrès accomplis et de fixer les étapes suivantes. La date de la réunion et la composition de la délégation libanaise restent à confirmer, mais le Premier ministre, Nawaf Salam, pourrait la diriger, accompagné des ministres de la Défense et de l’Intérieur, ainsi que des chefs de la Sûreté générale, du renseignement militaire et de la branche des informations des Forces de sécurité intérieure (FSI). Cette réunion doit faire le bilan des avancées réalisées depuis la signature de l’accord.

La délimitation des frontières terrestres avec la Syrie revêt une importance stratégique pour le Liban, d’autant qu’elle représente une étape nécessaire avant d’aborder le contentieux sur les frontières maritimes.

Parallèlement, selon des sources bien informées, les États-Unis, via la commission internationale de supervision du cessez-le-feu, œuvrent à relancer les réunions indirectes à Naqoura pour délimiter les frontières terrestres avec Israël et résoudre les différends sur les zones contestées.

Le dossier, lancé par l’ancien émissaire américain Amos Hochstein, a enregistré des avancées, notamment avec l’accord sur les frontières maritimes entre le Liban et Israël. Cependant, certains évoquent la possibilité de réexaminer cet accord, Israël étant accusé d’avoir empiété sur des portions de la zone maritime libanaise.

Plus largement, ce processus de délimitation s’inscrit dans une vision régionale portée par Washington. Il ne constitue qu’un volet du plan de paix plus vaste que prépare l’administration américaine pour le Proche-Orient. La tournée régionale du président des États-Unis devrait permettre d’en dévoiler les contours, avec pour ambition de conduire la région vers une nouvelle ère de stabilité.

 

Commentaires
  • Aucun commentaire