
Au Liban, les routes continuent de faucher des vies dans l’indifférence générale. Derrière les chiffres qui grimpent, c’est l’absence criante de l’État et des forces de sécurité que dénonce le président de Yasa, Ziad Akl, interrogé par Ici Beyrouth.
Plus de quarante personnes ont perdu la vie sur les routes du Liban au seul mois d’août. Des dizaines d’autres ont été blessées. L’hécatombe se poursuit, implacable, dans l’indifférence générale.
Selon The Youth Association for Social Awareness, Yasa (Association des jeunes pour la sensibilisation sociale), le pays pourrait dépasser le millier de victimes d’ici la fin de l’année. Son président, Ziad Akl, qui a répondu ce mardi à nos questions, ne cache pas son inquiétude. «L’État est absent du terrain, et il est clair que les forces de sécurité sont, elles aussi, absentes», lance-t-il, pointant du doigt une carence profonde qui dépasse les campagnes de sensibilisation.
Chaque semaine apporte son lot d’images insoutenables. Un camion renversé sur l’autoroute, une moto écrasée entre deux voitures, un piéton happé en traversant la route, une vitrine enfoncée par un véhicule lancé à pleine vitesse... des scènes devenues banales, qui traduisent moins des caprices du climat que le chaos d’une route sans règle.
M. Akl rappelle que la fin du contrôle technique a ouvert une brèche. «L’entretien des véhicules a considérablement régressé. La loi sur la circulation n’est appliquée qu’à la marge, à travers quelques contraventions pour stationnement interdit. Pendant ce temps, les infractions les plus graves se multiplient: conduite à contresens, excès de vitesse et non-respect des règles élémentaires.»
Le drame se mesure en chiffres. En juin déjà, plus de 200 morts et 6.000 blessés avaient été enregistrés sur six mois. Les données de la Yasa pour les sept premiers mois révèlent une aggravation inquiétante: «On a enregistré une augmentation de plus de 30% du nombre de victimes», précise M. Akl. Une flambée particulièrement marquée chez les conducteurs de deux-roues.
«Dans le monde entier, la moto est un moyen de transport essentiel. Ici, elle est aussi un vecteur majeur d’infractions: conduite à contresens, absence de casque, défaut de papiers ou d’assurance», explique le président de la Yasa, qui appelle à un encadrement strict, de l’importation des véhicules à l’obtention du permis spécifique.
Le ministre de l’Intérieur, Ahmad Hajjar, a récemment annoncé la relance de la Commission nationale de sécurité routière, gelée depuis six ans. Mais sur le terrain, rien ne change.
«Quelles que soient les campagnes de sensibilisation, elles ne produiront aucun effet si les Forces de sécurité intérieure et la police municipale ne s’engagent pas réellement à faire appliquer la loi», insiste M. Akl. Il en appelle désormais aux nouvelles municipalités et aux unions de municipalités pour assumer un rôle concret. Car, au Parlement aussi, la commission des Travaux publics et des Transports avait perdu sa capacité de contrôle.
Au-delà du constat d’abandon, la Yasa dit vouloir agir. Son président révèle un travail mené avec les autorités sanitaires: «Nous collaborons avec le ministère de la Santé afin d’améliorer la méthodologie statistique. Car au Liban, nous faisons face à un véritable problème de fiabilité des chiffres. Les données disponibles ne sont pas précises. En partenariat avec le ministère, nous travaillons à ce que les statistiques provenant des hôpitaux reflètent réellement la situation et permettent de mesurer avec exactitude le nombre de victimes sur nos routes.»
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