
Donald Trump revient au Moyen-Orient, et ce n’est pas un simple voyage protocolaire. Dans un contexte de tensions géopolitiques persistantes et de rivalités économiques croissantes, le président américain entame une tournée dans le Golfe, placée sous le signe du luxe, des milliards et des tractations diplomatiques. En Arabie saoudite, ses hôtes espèrent plus qu’un simple échange de poignées de main: ils attendent des garanties, des armes et, surtout, une place de choix dans les priorités de Washington.
Riyad, 13 mai – Donald Trump a entamé ce mardi une tournée stratégique au Moyen-Orient, avec comme première étape une réception fastueuse en Arabie saoudite. Escorté par des F-15 saoudiens et accueilli chaleureusement par le prince héritier, Mohammed ben Salmane, l’ancien magnat de l’immobilier devenu président est scruté par le Royaume. Qu’attendent réellement les Saoudiens de lui? Plus que des gestes symboliques, c’est un savant mélange d’intérêts économiques, d’enjeux géopolitiques et d’ambitions technologiques que Riyad espère tirer de cette visite.
Un partenaire jugé «utile», malgré les controverses
Donald Trump n’est pas un inconnu en Arabie saoudite. Huit ans plus tôt, déjà président, il avait choisi le Royaume comme destination de son premier voyage à l’étranger. Le refaire aujourd’hui, en ouverture de son second mandat, n’est pas anodin: cela reflète l’importance croissante des monarchies du Golfe dans l’agenda stratégique américain. Pour Mohammed ben Salmane, l’homme fort du Royaume, Trump est un interlocuteur de choix, «transactionnel», capable de négocier sans s’encombrer des procédures diplomatiques classiques, ce que beaucoup de régimes apprécient souvent.
Des milliards en jeu: pétrole, IA et défense
Au cœur de cette visite trône un objectif clair: l’économie. Trump arrive avec une promesse implicite de deals «gagnant-gagnant», dans un contexte où il peine à convaincre l’opinion publique américaine du succès de sa politique économique «America First». Le prince héritier s’est engagé dès janvier à injecter 600 milliards de dollars aux États-Unis. Trump, fidèle à son goût de l’exagération stratégique, a déjà demandé que ce montant atteigne les 1.000 milliards. Un geste qui ne serait pas purement altruiste: Riyad cherche en retour à obtenir des livraisons d’armes sophistiquées comme les chasseurs F-35, ainsi qu’un accès privilégié aux technologies de pointe américaines, notamment dans l’intelligence artificielle.
Ce n’est pas un hasard si Trump est accompagné de plusieurs grands patrons américains, dont Elon Musk, et que des annonces sont attendues dans les domaines de la défense, de l’énergie, de l’aéronautique et du numérique.
Une diplomatie à double-fond
Les Saoudiens n'attendent pas uniquement des contrats, ils cherchent aussi à influencer la diplomatie américaine sur les grands dossiers régionaux: l'Iran, la guerre à Gaza, la Syrie, ou encore les relations avec Israël. Trump, qui se vante d’avoir facilité la libération d’un otage américain à Gaza et d’avoir obtenu un cessez-le-feu au Yémen, aura à clarifier ses intentions.
Toutefois, Riyad a refroidi les espoirs américains d’une normalisation imminente avec Israël: pas de paix sans État palestinien, martèle la diplomatie saoudienne. Une ligne rouge que Trump, promoteur des accords d’Abraham, aurait à respecter, au moins publiquement.
L’ombre du business familial
En filigrane de cette tournée diplomatique, une autre réalité dérange: celle des intérêts commerciaux de la famille Trump dans le Golfe. De la Trump Tower à Jeddah au mégaprojet immobilier à Oman, en passant par les projets de golf à Dubaï et les cryptomonnaies à Abou Dhabi, la Trump Organization s’est solidement implantée dans la région – le tout officiellement géré par ses fils, mais sans rupture claire avec les intérêts du président lui-même.
Certaines voix s’interrogent: les décisions politiques prises durant cette tournée servent-elles uniquement les États-Unis, ou aussi les affaires de la famille Trump? La Maison-Blanche a balayé ces critiques, jugeant «ridicule» l’idée qu’un président puisse être motivé par ses affaires personnelles. Mais le flou persiste, surtout après que Trump a accepté – non sans polémique – un Boeing 747-8 offert par la famille royale du Qatar et qu’il utiliserait après son mandat.
Une alliance stratégique, mais à quel prix?
Pour Riyad, l’objectif est clair: maintenir une relation privilégiée avec un président américain qui comprend la logique du «deal». Les investissements colossaux consentis dans l’économie américaine ne sont pas de simples gestes amicaux: ils constituent des leviers d’influence politique. «Satisfaire les intérêts commerciaux de la famille Trump est peut-être considéré comme un moyen plus efficace d’atteindre un même objectif: l’influence politique à Washington», analyse Hassan Alhasan de l’International institute for strategic studies (IISS).
En somme, ce que les Saoudiens attendent de cette visite, ce n’est pas seulement une photo sur un tapis lavande ou la signature de contrats clinquants, mais un partenariat sur mesure, dans lequel chaque dollar investi vise à consolider une alliance stratégique, économique et... personnelle.
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