
La 78e édition du Festival de Cannes s’est ouverte mardi soir avec une cérémonie vibrante où se sont mêlés grandeur du cinéma, mémoire des figures mythiques, et parole libérée. Sur la Croisette, les icônes ont brillé, les voix se sont élevées, et l’émotion a balayé les marches.
Dès les premières minutes de cette soirée d’ouverture, le ton était donné: Cannes célèbre le cinéma et en interroge aussi l’histoire, les mythes et les responsabilités.
Palme d’or d’honneur à Robert De Niro
La première grande image à graver dans les mémoires a été celle de Leonardo DiCaprio, 50 ans, remettant la Palme d’or d’honneur à Robert De Niro, 81 ans, l’un des monstres sacrés du 7e art américain.
Les deux hommes ont souvent partagé l’affiche, et leur complicité n’était plus à démontrer. Sur scène, DiCaprio a tenu à saluer celui qu’il considère comme un mentor, rappelant leur rencontre sur le tournage de Blessures secrètes en 1993, et leur récente réunion dans Killers of the Flower Moon, sous la direction de Martin Scorsese. De Niro, visiblement ému, a accepté la distinction avec sobriété, mais aussi avec fermeté, en lançant une critique acerbe envers le régime politique aux États-Unis.
Une note musicale en noir et blanc
L’instant s’est ensuite suspendu lorsque Mylène Farmer, silhouette noire et voix fragile, a pris le micro pour un hommage musical dédié à David Lynch. Le cinéaste américain, disparu en janvier dernier à l’âge de 78 ans, a profondément influencé l’univers de l’artiste. Devant des images de ses films, elle a interprété un titre inédit, Confession, qui évoquait, dans une poésie mystérieuse, la présence de l’absent: «Partout, partout, c’est fou, je te sens près de moi…»
Un moment sobre, onirique, presque mystique, qui a jeté un voile de silence respectueux sur la salle. Farmer, grande cinéphile et ancienne membre du jury cannois, a rappelé par cette performance son attachement au cinéma de Lynch, dont elle avait déjà puisé l'inspiration dans son titre Psychiatric, inspiré de Elephant Man.
Juliette Binoche face à la désacralisation
Un autre moment fort a été offert par Juliette Binoche, présidente du jury de cette édition. Lors de la conférence de presse précédant la cérémonie, l’actrice a été interrogée sur la condamnation récente de Gérard Depardieu à 18 mois de prison avec sursis pour agressions sexuelles. Sa réponse fut lucide, nuancée, et loin des formules toutes faites.
«Ce n’est pas un monstre, c’est un homme qui a été désacralisé», a-t-elle affirmé. Elle a rejeté le concept même de monstre sacré: «Le sacré n’est pas dans l’individu, il est dans l’acte créatif.»
Partir un jour, une ouverture sous le signe de la tendresse
Le film d’ouverture, Partir un jour, signé par la réalisatrice Amélie Bonnin, a été projeté juste après la cérémonie. Adapté de son court-métrage primé, ce long-métrage doux-amer suit le retour de Cécile, interprétée par Juliette Armanet, dans son village natal après des années de silence. Chef cuisinière à Paris, Cécile y retrouve les non-dits familiaux, les souvenirs oubliés, et une adolescence inachevée.
La presse a salué un film sensible, à la bande-son vibrante de nostalgie, bien que certains aient pointé un léger manque d’audace dans le traitement narratif. Il reste néanmoins un choix fort de la direction du festival, qui fait entrer une nouvelle voix féminine dans l’histoire des cérémonies d’ouverture cannoises.
Mission accomplie: Tom Cruise fait son retour
Au lendemain de l’ouverture, l’ambiance changera de registre mais pas d’intensité. Tom Cruise est attendu aujourd’hui arrivé à Cannes pour présenter Mission: Impossible – The Final Reckoning, huitième et dernier opus de la saga. Comme à son habitude, l’acteur n’a pas déçu: entre hélicoptères, acrobaties et plongées abyssales, les images promises font déjà frissonner.
Le film, d’une durée impressionnante de 2h49, reprend exactement là où Dead Reckoning, Part One s’était arrêté. Ethan Hunt, incarné par Cruise, poursuit sa lutte contre l’Entité, une intelligence artificielle malveillante. Des scènes de cascades inédites, dont une sur les ailes d’un avion en vol et une autre dans un sous-marin, promettent une conclusion épique à la franchise.
La compétition s’annonce dense
En marge de ces événements spectaculaires, la compétition officielle a également démarré. Deux films ont ouvert le bal: Sound of Falling (In die Sonne schauen) de l’Allemande Mascha Schilinski, un drame intergénérationnel sur quatre femmes, et Deux procureurs de Sergueï Loznitsa, qui plonge dans les rouages de la justice à l’époque stalinienne.
La sélection 2025 accorde une place importante aux femmes cinéastes, avec sept réalisatrices en lice pour la Palme d’or. Une évolution saluée par Juliette Binoche, qui y voit une prise de conscience tardive mais réelle. Elle a déclaré que Cannes était «de plus en plus en phase avec les mouvements sociaux, parfois en avance, parfois suiveur, mais toujours en mouvement.»
Cannes entre mémoire, beauté et révolution
Cette première soirée a posé les fondations d’un festival qui s’annonce à la fois spectaculaire, introspectif et résolument contemporain. En honorant la légende, en écoutant les artistes vivants et en confrontant les ombres du passé, Cannes 2025 célèbre le cinéma et le questionne, le révèle, et parfois, le transforme.
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