Beyrouth à prix d’or: des ailes pour les riches, des regrets pour les autres
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Voyager au Liban n’a plus rien d’une simple escapade méditerranéenne. C’est devenu une expérience haut de gamme, un peu comme si l’embarquement se faisait depuis la boutique Hermès de l’aéroport. Cet été, les prix frôlent l’indécence: un aller-retour Paris-Beyrouth peut allègrement dépasser les 1.300 euros. À ce tarif, on pourrait faire trois fois le tour de l’Italie… ou un aller-retour Tokyo en classe éco, sushi compris.

Si vous rêvez de vous rendre au Liban, préparez-vous à un voyage… dans les étoiles. Non pas en altitude, mais en termes de prix. Le ciel libanais semble désormais réservé aux portefeuilles bien garnis: les billets d’avion pour Beyrouth sont devenus un luxe surtout accessible à ceux dont le compte en banque décolle avant l’avion. Et pourtant, à en croire les plateformes de réservation, les vols affichent complet! Les avions sont pleins à craquer, et seules quelques places restent disponibles, à condition, bien sûr, d’accepter de payer le prix fort… ou de voyager sans scrupules.

Prenons un exemple tout simple: si l’on en croit les plateformes de réservation, un aller-retour Paris-Amman, coûte en moyenne 700 euros cet été alors qu’un Paris-Beyrouth flirte avec les 1.300 euros (pratiquement le double) et même si l’on trouve parfois des promos en passant par Istanbul ou ailleurs, celles-ci n’en tutoient pas moins les sommets!

Pourquoi un tel tarif?

La réponse tient dans un cocktail bien libanais «où se mêlent taxes, monopole et manque de concurrence», explique un propriétaire d’agence de voyage. D’abord, les taxes d’aéroport. «À Beyrouth, elles représentent une part importante du prix du billet». Selon plusieurs sources concordantes, elles atteignent parfois 200 à 300 dollars, ce qui peut dépasser le prix net du billet lui-même. Comme si, pour entrer dans le pays, on devait d’abord acheter un bout de l’aéroport. Ensuite, il y a la position dominante de la compagnie nationale, la Middle East Airlines (MEA), qui occupe un espace très confortable sur le tarmac libanais, laissant peu de place aux autres opérateurs, en particulier ceux à bas coût. «Avec seulement une poignée de compagnies reliant régulièrement Beyrouth à l’Europe, l’offre reste limitée… tandis que la demande, elle, ne faiblit pas», poursuit le voyagiste. «Résultat: peu de sièges, beaucoup de voyageurs, et des prix qui s’envolent».

Et les low cost dans tout ça?

Vous espériez un petit vol Ryanair à 39,99 € pour venir bronzer sur les rochers de Batroun ou faire un bisou à maman? Oubliez. Aucune compagnie low cost européenne ne dessert le Liban. La raison? «Les frais d’exploitation à Beyrouth sont prohibitifs. Entre les redevances élevées et les exigences techniques de l’aéroport, les modèles économiques des low cost ne tiennent pas la distance», explique le voyagiste.  Ajoutez à cela «une infrastructure aéroportuaire vieillissante, sans terminal dédié aux low costs, et un marché relativement restreint par rapport à des hubs régionaux comme Istanbul ou Dubaï», et vous comprendrez pourquoi easyJet ne pointe pas le nez au-dessus du Mont Liban.

Quand l'avion coûte plus cher que les vacances

Avec des billets à quelque 1.500 euros, une famille venant d’Europe pour des vacances au Liban dépense parfois davantage pour l’avion que pour tout le séjour sur place. Et c’est bien là le paradoxe: au lieu d’injecter ces sommes dans l’économie locale – hôtels, restaurants, musées, créateurs libanais, petits producteurs –, les visiteurs voient une part importante de leur argent évaporée dès la réservation sur les plateformes aériennes.

Un touriste qui paie son billet plus de 1.500 euros, mais en dépense 500 sur place, ne soutient guère la roue économique. Un système inverse, avec des billets plus accessibles et une dépense locale plus généreuse, serait nettement plus bénéfique pour le secteur touristique.

Bref, le Liban demeure une destination exceptionnelle, aussi attachante que chaotique. Mais tant que l’accès aérien restera l’un des plus chers de la région, le pays se privera d’un tourisme plus diversifié, plus jeune, plus curieux. En attendant, on continue de rêver d’un jour où atterrir à Beyrouth ne commencera pas par un crash financier!

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