
À deux jours des élections municipales et des mokhtars, Tyr reste sous tension. Les frappes israéliennes se poursuivent, visant régulièrement des zones proches de la ville et des cadres du Hezbollah. Dans ce décor marqué par six mois de guerre, la vie tente de reprendre. Mais pendant que les murs tremblent encore, la politique s’organise: une liste unique, une opposition partielle, des villages détruits, des électeurs déplacés. Le sud s’apprête à voter malgré tout.
À Tyr, les murs parlent encore. Impacts d’obus, fenêtres soufflées, décombres entassés à chaque coin de rue. Six mois se sont écoulés depuis la fin des combats entre Israël et le Hezbollah, mais la ville porte toujours les traces de la guerre. Pourtant, la vie essaie de reprendre: les boutiques sont en train de rouvrir, timidement, les enfants rejouent dans les rues, les familles recollent leur quotidien. Et au milieu de tout ça, une date approche: le 24 mai, jour des élections municipales et des mokhtars.
Pas vraiment un scrutin: une confirmation
Le tandem Amal-Hezbollah aborde ce scrutin comme une formalité. Leur liste commune, baptisée «Développement et loyauté», compte 21 candidats… et quasiment aucun concurrent. C’est leur première élection à Tyr depuis la guerre, mais personne n’en doute: le terrain leur est acquis.
En tête, Hassan Dbouk vise un troisième mandat. À ses côtés, du changement dans la continuité: Salah Sabrawi se retire, remplacé par Alwan Charafeddine, porte-parole d’Amal à Jabal Amel. La liste a été légèrement dépoussiérée (onze nouveaux noms), histoire d’intégrer quelques figures sunnites et chrétiennes. Mais dans les faits, elle reste verrouillée: 16 candidats d’Amal, 5 du Hezbollah.
Face à eux, une tentative fragile: «Sour Madinati», en français «Tyr, ma ville». Il s’agit d’une liste indépendante, incomplète, avec dix candidats. La plupart avaient tenté d’intégrer la liste officielle mais ont été écartés quand celle-ci a été bouclée. Plutôt que de se retirer, ils ont décidé de faire front. «Pas pour se mettre en avant», affirment-ils, mais pour «défendre une idée: celle d’une gestion municipale participative, ouverte, connectée à la population».
Mais sans machine politique derrière eux, leur poids reste symbolique. Le scrutin s’annonce plié d’avance. Les dynamiques du changement, apparues en 2022 lors des législatives, semblent avoir disparu ici. Dans certaines localités voisines, comme à Jebbayn, Zalloutiyeh, Kniseh ou encore Nafakhiyeh, le décor est encore plus limpide: aucun concurrent et des élus d’office.
Villages rasés, électeurs déplacés
Dans plusieurs villages frontaliers du caza de Tyr, il n’y a même plus de centre de vote. La guerre a tout détruit. À Chamaa, Chihine, Yarine et Aïta el-Chaab, les habitants devront se déplacer à Tyr pour voter. Dans d’autres cas, les électeurs seront redirigés vers des communes voisines, faute d’infrastructures ou de sécurité minimale. Des kilomètres à parcourir, parfois au péril de leur vie.
Mais Tyr est-elle seulement prête?
Les tensions militaires ne sont pas retombées. Le gouvernement libanais a pourtant décidé de maintenir les élections. Mais sans garantie internationale, sans bouclier diplomatique, une question se pose: qui va oser sortir pour aller voter?
Ce mercredi, un véhicule a été visé par une frappe israélienne à Aïn Baal: un mort. La veille, un drone a frappé la route de Mansouri: neuf blessés, dont deux enfants. Trois sont encore entre la vie et la mort. Face à ce climat, beaucoup s’interrogent: est-ce que voter vaut vraiment le risque?
Les mokhtars, espace de respiration?
Si les municipales sont verrouillées, les élections des mokhtars offrent un autre visage. Plus localisées, plus humaines, plus ouvertes. Ici, des indépendants se présentent. L’opposition tente sa chance. Pas pour faire basculer le pouvoir, mais pour exister. Pour montrer que la politique locale ne se résume pas à des accords d’en haut.
Ce ne sera pas une révolution. Mais c’est peut-être un frémissement. Là où les municipales rejouent la domination du duo chiite, les mokhtars dessinent, timidement, un autre récit.
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