Les propriétaires relancent la bataille contre les locataires
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La crise autour de la loi sur les loyers des locaux non résidentiels n’est pas près de s’apaiser. La récente décision du Conseil constitutionnel, qui a déclaré le texte inapplicable, relance le débat juridique sur son avenir. Mardi dernier, le Conseil a rendu sa décision concernant le recours contre la loi entrée en vigueur de plein droit le 3 avril 2025.

Tout a commencé avec l’ancien Premier ministre, Najib Mikati, qui avait refusé de publier cette loi malgré l’accord du Conseil des ministres, agissant par délégation du président de la République. M. Mikati avait alors fait marche arrière, renvoyant le texte au Parlement. C’est finalement son successeur, Nawaf Salam, qui l’a publiée au Journal officiel.

Le Conseil constitutionnel a estimé que la procédure n’avait pas été respectée: le délai d’un mois accordé au président de la République pour promulguer la loi n’était pas écoulé, rendant sa publication contraire à l’article 57 de la Constitution. La loi n’avait donc pas encore force exécutoire au moment de sa publication.

Sans trancher définitivement sur le fond, le Conseil s’est limité à déclarer la loi «non applicable» en raison de cette publication prématurée, sans préciser la date exacte du début du délai de promulgation ni si celui-ci est expiré.

Pour Patrick Rizkallah, président du syndicat des propriétaires, cette décision traduit une volonté du Conseil d’éviter l’annulation pure et simple de la loi tout en rejetant partiellement le recours. Selon lui, le Conseil a pris en compte, d’une part, la position de la présidence de la République, à l’origine du recours, qui contestait la procédure de publication, et, d’autre part, a implicitement validé le contenu du texte en ne remettant pas en cause la constitutionnalité de ses articles.

M. Rizkallah souligne que, bien que constitutionnellement inédite, cette décision ouvre la voie à une nouvelle publication de la loi, une perspective lourde à porter pour des propriétaires qui se sentent lésés depuis plus de quarante ans.

Il déplore que la nouvelle loi sur les loyers des locaux non résidentiels soit l’otage des tensions entre institutions, conséquence directe du choix contesté de Najib Mikati de renvoyer trois lois au Parlement hors du cadre constitutionnel. Cette situation a plongé le pays dans un flou juridique qui perturbe aussi bien la justice que le législatif.

Face à ce blocage, le syndicat des propriétaires appelle les bailleurs à poursuivre leurs actions en justice selon le Code des obligations et des contrats, en attendant une réédition officielle de la loi.

Du côté des locataires, Castro Abdallah, président de la Commission de défense des droits des locataires, salue la décision du Conseil constitutionnel, qui rend justice à leurs droits. Il qualifie ce geste de «pas important» dans la lutte contre les spéculateurs immobiliers cherchant à expulser les citoyens pour servir des intérêts privés, au mépris du droit au logement et à une vie digne.

Selon lui, cette décision prouve que la mobilisation organisée peut réellement protéger les droits. Elle leur donne, dit-il, un nouvel élan pour poursuivre le combat en vue du rétablissement de la loi 92/160, garante de justice sociale et de protection contre le déplacement forcé de nombreux Libanais.

Désormais, la présidence de la République et le gouvernement doivent interpréter la décision du Conseil constitutionnel, avec deux options possibles:

  • soit considérer que le délai de promulgation a commencé le 28 mars 2025 et qu’il a expiré le 28 avril, imposant une republication du texte au Journal officiel, susceptible à nouveau de recours devant le Conseil constitutionnel;
  • soit fixer ce délai en fonction de la décision du Conseil d’État sur les recours contre la décision gouvernementale de renvoyer les lois au Parlement pour éviter un conflit institutionnel.

 

 

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