
Le 78ᵉ Festival de Cannes touche à sa fin avec une sélection en compétition marquée par la diversité des regards et la force des récits. De la résistance iranienne aux expériences sensorielles en 16 mm, chaque film tente d’imprimer sa marque sur le palmarès.
Ce qu'il faut retenir des 22 films en lice pour la Palme d'or du 78e Festival de Cannes, remise samedi soir:
Sound of Falling, de l’Allemande Mascha Schilinski (2h29)
Étendu sur un siècle, le film entrelace le destin de quatre femmes dans une ferme dans l'Est de l'Allemagne, où les traumatismes, les non-dits et l'oppression masculine traversent les âges. Réalisée par une nouvelle venue à Cannes, cette saga séduit par sa narration mais pâtit, selon certains, de son formalisme.
Deux procureurs, de l’Ukrainien Sergueï Loznitsa (1h58)
«Ne soyez pas naïfs» est le message que le réalisateur de 60 ans a voulu adresser aux spectateurs, et à lui-même, avec ce film qui se déroule à l'époque des purges staliniennes. Son premier long métrage depuis près de dix ans raconte l'histoire d’un jeune procureur idéaliste qui prend en charge le dossier d’un prisonnier politique languissant dans une des geôles de Staline dans les années 1930.
Dossier 137, du Français Dominik Moll (1h55)
Très attendu après le multicésarisé La Nuit du 12, le réalisateur revient sur le mouvement des «gilets jaunes», en France, en décortiquant l’épineuse enquête de «la police des polices» sur la grave blessure d’un manifestant. Léa Drucker excelle en enquêtrice prise entre deux feux, mais le film peut sembler manquer de souffle.
Sirât, de l’Espagnol Oliver Laxe (2h)
L’un des films les plus surprenants de Cannes : Sergi Lopez est plongé dans une rave-party hallucinatoire et apocalyptique au pays de Mad Max. Le film, expérience nerveuse et sensorielle, est tourné en 16 mm dans le sud marocain et vibre au son des nappes électro.
La Petite Dernière, de la Française Hafsia Herzi (1h46)
Avec son troisième long métrage et le premier en compétition, l’actrice et réalisatrice livre le récit tout en pudeur de l’émancipation sexuelle et sentimentale d’une jeune homosexuelle musulmane vivant en banlieue. Magistralement interprétée par Nadia Melliti, nouvelle venue dans le monde du cinéma, l’histoire est librement adaptée du premier roman, d’inspiration autobiographique, de Fatima Daas.
Eddington, de l’Américain Ari Aster (2h25)
Néo-western au casting de luxe, avec Joaquin Phoenix en shérif et Pedro Pascal en maire d’une bourgade du Nouveau-Mexique au bord de l’ébullition, en pleine pandémie de Covid. Théories du complot, violence, désinformation, isolement, racisme dans la foulée de la mort de George Floyd, Afro-Américain tué par un policier, le film se veut un miroir satirique d’une Amérique au bord de la rupture, au risque de devenir illisible.
Renoir, de la Japonaise Chie Hayakawa (1h56)
Ce tableau emprunte à l’esprit de Kore-eda, en plus sombre et très impressionniste, et suit la quête désespérée de lien humain d’une fillette dont le père est en phase terminale de cancer.
Nouvelle Vague, de l’Américain Richard Linklater (1h45)
La petite madeleine des cinéphiles : dans Nouvelle Vague, le cinéaste reconstitue le tournage d’À bout de souffle en 1959 et confie à d’épatants comédiens méconnus le soin de ressusciter Jean-Luc Godard, Jean-Paul Belmondo ou François Truffaut. La Croisette, où Godard est révéré, a savouré.
Die, My Love, de la Britannique Lynne Ramsay (2h)
Thriller étouffant sur un couple d’artistes, jeunes amants aux gueules d’anges, qui s’installe à la campagne. À la naissance de leur bébé, la mère sombre dans la folie. Aux côtés de Robert Pattinson, Jennifer Lawrence est de quasiment tous les plans, se donne sans compter dans la quête d’un prix d’interprétation.
L’Agent Secret, du Brésilien Kleber Mendonça Filho (2h38)
Dans le sillage d’un homme traqué pour de mystérieuses raisons pendant la dictature brésilienne, le réalisateur, Prix du jury à Cannes en 2019 pour Bacurau, trousse un thriller qui brouille les pistes et ose l’onirisme. Beaucoup parient sur la présence au palmarès du seul film sud-américain de la compétition.
The Phoenician Scheme, de l’Américain Wes Anderson (1h45)
Casting XXL une fois de plus pour le cinéaste dandy, avec Benicio del Toro, Michael Cera, Benedict Cumberbatch, Bill Murray et la fille de Kate Winslet, Mia Threapleton. Le film narre sans surprendre les mésaventures d’un magnat de l’armement qui se cherche une héritière.
Les Aigles de la République, du Suédo-Égyptien Tarik Saleh (2h07)
Déjà égratigné dans La Conspiration du Caire, le président égyptien al-Sissi est plus que jamais dans le viseur du nouveau film du réalisateur, le plus directement politique. Un comédien y est contraint d’incarner l’ancien général putschiste dans un biopic tout à sa gloire.
Alpha, de la Française Julia Ducournau (2h08)
Elle fait le choix du fantastique pour tenter de décrocher un nouveau titre avec cette fable familiale, dans laquelle Tahar Rahim et Golshifteh Farahani sont confrontés à une épidémie rappelant le sida. À l’écran, des corps qui se changent en marbre et un mystérieux vent rouge. Le film a été éreinté par la critique… tout comme l’avait été Titane, avant de décrocher une Palme d’or inattendue en 2021.
Un simple accident, de l’Iranien Jafar Panahi (1h45)
C’est un des chocs et des favoris : en auscultant la tentation d’ex-détenus de se venger de leurs tortionnaires, le cinéaste dissident livre un passionnant conte moral et une attaque frontale contre la République islamique. Le jury pourrait sacrer celui qui a été assigné pendant quinze ans en Iran, où il a été écroué deux fois et a interdiction de tourner.
Fuori, de l’Italien Mario Martone (1h55)
Après Nostalgia, en compétition il y a trois ans, le réalisateur donne libre cours à sa «fascination» pour l’écrivaine italienne Goliarda Sapienza, incarnée par Valeria Golino. Le film suit l’autrice, redécouverte sur le tard, à sa sortie de prison, une période charnière durant laquelle son amitié avec d’anciennes détenues lui donne la force de recommencer à écrire.
Romería, de l’Espagnole Carla Simón (1h55)
Des parents toxicomanes, morts du sida au tournant des années 80… une jeune Espagnole tente de retrouver les pièces manquantes de son passé en faisant irruption dans la famille de son père. Déjà sacrée à Berlin en 2022, la réalisatrice confirme son talent de conteuse de l’intime.
The History of Sound, du Sud-Africain Oliver Hermanus (2h07)
Devant la caméra de ce jeune cinéaste, les stars montantes Paul Mescal et Josh O’Connor nouent une idylle dans l’Amérique rurale à la fin des années 1910. Les préjugés de l’époque vont contrarier cette histoire d’amour — et de musique —, dans un film un peu sage.
Sentimental Value, du Norvégien Joachim Trier (2h15)
Pas moins de 19 minutes d’applaudissements pour ce mélodrame sur un réalisateur en fin de carrière et ses deux filles. Après Julie (en 12 chapitres), Trier retrouve son actrice Renate Reinsve pour une étude de l’amour et du deuil, de la réussite professionnelle, du suicide et de la paternité défaillante. Deux têtes connues s’ajoutent au casting : Stellan Skarsgård et la star hollywoodienne Elle Fanning.
Woman and Child, de l’Iranien Saeed Roustaee (2h11)
Ce troisième long métrage du cinéaste de 35 ans — dont le précédent, présenté à Cannes, n’a jamais été montré en Iran — suit le destin d’une mère de famille sur le point de refaire sa vie. «Je pense que c’est la femme la plus indépendante de tous mes films», a déclaré le réalisateur qui, pour obtenir les autorisations nécessaires au tournage de ce drame social, a dû faire jouer ses actrices voilées.
Résurrection, du Chinois Bi Gan (2h40)
Considéré comme un jeune prodige, le réalisateur de 35 ans livre un hommage quasi religieux à un siècle de cinéma. Ce long métrage poétique et sensoriel fourmille de trouvailles esthétiques et de plans-séquences.
Jeunes mères, des Belges Jean-Pierre et Luc Dardenne (1h44)
Les rois belges du cinéma social se penchent sur le destin de mères adolescentes hébergées dans une maison maternelle pour tenter de sortir de la précarité. Presque documentaire et émotionnellement intense, le film délivre néanmoins un message d’espoir.
The Mastermind, de l’Américaine Kelly Reichardt (1h50)
L’histoire d’un braquage d’œuvres d’art organisé sur fond de guerre du Vietnam et de mouvement naissant de libération des femmes, avec Josh O’Connor.
Avec AFP
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