
Le soutien arabe à la relance du secteur énergétique libanais revient sur le devant de la scène. En marge du sommet arabe d’Amman, le Premier ministre Nawaf Salam a relancé ce dossier crucial avec son homologue jordanien. Dans la foulée, les ministres libanais des Finances, Yassine Jaber, et de l’Énergie et de l’Eau, Joe Saddi, ont discuté à Doha des grandes lignes d’une coopération énergétique avec les autorités qataries.
Vers un axe énergétique régional?
La récente levée partielle des sanctions contre la Syrie ouvre de nouvelles perspectives. Elle pourrait permettre au Liban d’importer de l’électricité et du gaz à moindre coût, a affirmé le ministre des Finances. Cette évolution serait également favorable au transit du pétrole irakien vers la raffinerie de Tripoli, au projet de fibre optique régional et à une interconnexion électrique reliant cinq pays. En somme, une ouverture stratégique pour le transport d’énergie depuis l’Égypte et la Jordanie, via la Syrie, jusqu’au Liban.
Dans cette dynamique, une délégation libanaise en Irak a relancé deux dossiers sensibles: la réhabilitation de l’oléoduc Kirkouk-Banias-Tripoli – hors service depuis 1982 – et la remise à niveau de la raffinerie de Tripoli. Cet oléoduc, cible de nombreux actes de vandalisme, est un atout majeur non seulement pour le Liban mais aussi pour la Syrie (qui percevrait des droits de passage) et pour l’Irak, qui pourrait diversifier ses terminaux d’exportation vers l’Europe, avec une capacité portée à 7 millions de barils par jour.
Le verrou syrien: la loi César
Mais un obstacle de taille demeure, à savoir les sanctions imposées à la Syrie par la loi américaine «Caesar Act». Leur levée relève exclusivement du Congrès américain, car cette loi émane du pouvoir législatif. Si le président peut temporairement suspendre certaines mesures, une levée complète nécessite un long processus parlementaire. Or, sans cette levée, le Liban ne peut légalement signer de contrats à long terme ni s’engager sur des paiements pour l’importation d’énergie, sous peine de se heurter à des risques juridiques et financiers majeurs. Dans ce contexte, on rappelle, que l’Europe, l’Australie et la Grande-Bretagne ont également imposé des sanctions sur la Syrie, lesquelles ont été allégées et ensuite entièrement levées le 25 mai 2025.
L’offre qatarie ressuscitée
Sur un autre front, l’offre formulée par le consortium Qatar Energy et TotalEnergies pour construire une centrale électrique – fonctionnant à l’énergie solaire, d’une capacité de 100 mégawatts – refait surface. Le ministre Joe Saddi s’est contenté de souligner que son ministère étudiait et coordonnait les propositions émanant de tous les acteurs, y compris le Qatar.
Mais cette offre avait déjà buté, sous le précédent gouvernement, sur des obstacles juridiques. L’ancien ministre Walid Fayad a rappelé qu’en l’absence d’une Autorité de régulation du secteur de l’énergie – non formée à l’époque –, aucun permis de production ne pouvait être légalement délivré. D’autant que Qatar Energy et TotalEnergy, en tant qu’acteurs privés, ne pouvaient bénéficier d’un accord de gré à gré sans une loi spécifique du Parlement. D’ailleurs, il faut noter que M. Fayad avait proposé des solutions alternatives qui ont été rejetées par l’autre partie.
Depuis le 22 avril, le ministère œuvre à la mise en place de cette Autorité, conformément à la loi 462 de 2002. Le délai de présentation des candidatures a été clôturé à la mi-mai. Leur nombre avoisinerait les 410 candidatures. Il s’agit d’une étape clé pour réformer en profondeur un secteur miné par les monopoles et les blocages institutionnels. Cette étape pavera la voie notamment à un démantèlement du monopole d’Électricité du Liban (EDL) et à l’ouverture enfin de la porte à des partenariats privés solides et transparents. Mais ce partenariat avec des acteurs privés reste en suspens tant que la communauté internationale n’aura pas donné son feu vert. Celui-ci demeure lié au démantèlement de l’arsenal du Hezbollah.
Réformer avant d’importer
Importer du gaz, du pétrole ou de l’électricité ne suffira pas à sortir durablement le Liban de sa crise énergétique. Sans une stratégie claire ni une réforme structurelle, cette démarche risque de n’être qu’un pansement sur une plaie béante. La priorité reste de corriger les défaillances du système, d’en finir avec l’improvisation et de replacer la planification énergétique au cœur de la politique économique nationale. Il est vrai qu’un plan d’urgence nationale du secteur énergétique a été approuvé par le gouvernement de Najib Mikati, mais son efficience reste tributaire de sa mise en œuvre dans sa totalité.
Électricité: le Liban champion des coûts dans le monde arabe
Le Liban décroche un triste record: il affiche les factures d’électricité et d’eau les plus élevées dans le monde arabe, selon une récente étude publiée par le site de données comparatives Numbeo.
D’après les chiffres rapportés, le prix du kilowattheure pour les ménages atteint 0,206 dollar, un tarif nettement supérieur à la moyenne mondiale. Dans ce contexte, on souligne que les tarifs des abonnements aux générateurs sont bien plus élevés que leur coût réel de fonctionnement.
Dans le détail, la production d’un kilowattheure d’électricité nécessite moins d’un litre de mazout, mais le consommateur paie trois à quatre fois ce coût lorsqu’il utilise l’électricité provenant d’un générateur. Le tarif inclut le prix du mazout, les frais de maintenance et d’exploitation, les salaires, l’usure des équipements, ainsi qu’une marge bénéficiaire pour le propriétaire du générateur.
Dans un pays où les générateurs privés suppléent largement aux défaillances du réseau public, les tarifs d’abonnement continuent de susciter la controverse, notamment en raison de leur réaction asymétrique aux fluctuations des prix du mazout.
En effet, les prix des abonnements grimpent rapidement dès que le mazout augmente, ce qui peut sembler logique puisqu’il constitue un élément central des coûts de fonctionnement. Mais à l’inverse, lorsque le prix du carburant baisse, la répercussion sur les abonnements reste marginale, voire inexistante. Une tendance qui soulève des interrogations sur la transparence de la tarification et sur le respect des barèmes officiels établis par le ministère de l’Énergie, sachant qu’en vertu des lois en vigueur, la production d’électricité est le monopole de l’État.
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