Quand la cigarette faisait tourner l’économie…
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Pendant des décennies, la cigarette a été une véritable vache à nicotine pour les États. Une industrie florissante, des taxes juteuses, des emplois à la pelle et une consommation de masse qui, malgré les mises en garde sanitaires, faisait partie intégrante du paysage économique et social mondial. Mais ça, c’était avant que la santé publique ne s’en mêle sérieusement.

Le 31 mai, on souffle pour de bon: c’est la Journée mondiale sans tabac. Une occasion annuelle pour les gouvernements, les ONG et les médecins du monde entier de rappeler que fumer tue, lentement mais sûrement. Mais si la santé publique se réjouit, les économistes, eux, toussent un peu. En effet, derrière la baisse mondiale de la consommation de tabac, qui s’accélère depuis deux décennies, se cache un paradoxe: moins de fumeurs, c’est plus de santé, mais aussi moins de sous dans les caisses de l’État.

Aujourd’hui, entre campagnes anti-tabac, paquets neutres, taxes punitives, zones fumeurs de plus en plus étroites (bientôt dans le placard à balais), et éveil général aux dangers du tabagisme, la consommation de tabac s’effondre. Et avec elle, une part non négligeable des revenus publics liés à cette fumée jadis rentable.

Un monde qui fume de moins en moins

Selon l’OMS, la consommation mondiale de tabac a chuté de plus de 20% en deux décennies. En 2000, environ 1,4 milliard de personnes fumaient; en 2024, on comptait environ 1,1 milliard de fumeurs et le chiffre continue de baisser. En Europe, la baisse est nette, particulièrement en Europe de l’ouest. La France, par exemple, a vu le taux de fumeurs passer de 30% à environ 24% en dix ans. Les États-Unis ont réduit leur taux de tabagisme de 42% (en 1965) à environ 12% aujourd’hui. L’Asie, le continent le plus peuplé et historiquement le plus fumeur, enregistre une baisse lente mais constante. En Afrique, la baisse est plus timide, mais dynamique grâce aux politiques préventives émergentes.

Au Liban, pays autrefois grand amateur de cigarettes, la baisse reste timide. On estime que près de 42% des adultes fument encore. La tendance est à la baisse, mais modérée en raison de réglementations souples et d’une forte culture du tabac social.

Mais à quel prix pour les économies?

Eh oui, moins de fumeurs, c’est aussi moins de rentrées fiscales. Le tabac représentait une source majeure de revenus pour de nombreux États, notamment via les accises (taxes spécifiques sur les produits du tabac). Ainsi, selon des sources combinées, en France, les taxes sur le tabac rapportaient plus de 14 milliards d’euros par an il y a dix ans. Ce chiffre a chuté avec la baisse de consommation. Aux États-Unis, les revenus fédéraux et étatiques liés au tabac sont passés de 25 milliards à environ 18 milliards de dollars.

Au Liban, le secteur du tabac reste l’un des rares à générer des revenus stables. Cependant, la baisse de consommation pourrait éroder cette source à l’avenir.

Dernier clou dans le paquet: la France interdit (presque) de fumer dehors. En effet, à partir du 1er juillet, il sera interdit de fumer dans les parcs, les plages, les stades, les abribus, les terrains de sport et surtout autour des écoles et des établissements scolaires. L’objectif affiché est de protéger les enfants. La ministre de la Santé, Catherine Vautrin, veut ainsi faire souffler un vent sain sur les poumons des plus jeunes. L’amende prévue pour les contrevenants? 135 €. De quoi vous faire passer l’envie de griller une clope entre deux balançoires.

Bref, moins de fumeurs, c’est davantage de santé publique, mais moins de revenus publics. Dilemme? Pas nécessairement. Les économies peuvent se réinventer autrement que sur un nuage de nicotine. Santé, innovation, industries durables… Il existe d’autres moyens de générer des recettes que de vendre des maladies emballées dans du papier.

Mais une chose est sûre: la cigarette, autrefois moteur discret de l’économie mondiale, est désormais en voie d’extinction législative. Et c’est peut-être une bonne nouvelle, sauf pour les finances publiques qui, elles, risquent de tirer une dernière latte de nostalgie. L’avenir économique se construira sans fumée et sans fumisterie.

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