De Jérusalem à Beyrouth, une revue unique en son genre: «Proche-Orient chrétien»
La revue Proche Orient Chrétien. ©jesuitspro.com

«Le Moyen-Orient est une poudrière qui a explosé! À l’instant, les dégâts ne peuvent être mesurés et l’avenir semble plus que jamais incertain. L’excès de violence et le chaos qui règnent nous rendent perplexes et interpellent aussi bien les autorités politiques que religieuses. Les interférences internationales laissent entrevoir un plan de reconfiguration de la région, mais lequel? Sur quelle base? Nous nous interrogeons avec beaucoup de peine sur les différents modèles de pluralité, de coexistence et de convivialité, ainsi que sur leur valeur réelle. Ont-ils échoué? Pour quelles raisons? Quelle serait alors l’alternative? La paix du plus fort peut-elle durer malgré les multiples injustices et le sang des victimes qui abandonnent leur sort, en dernier recours, à ‘Dieu’? Un nouveau modèle d’État civil, de société, peut-il émerger de ce chaos, s’inspirant d’un esprit démocratique? Les intérêts politiques et économiques ou financiers peuvent-ils déterminer, à eux seuls, les destinées des peuples, leur imposant une version évoluée d’un ‘néo-colonialisme’? Les années ou les décades à venir dévoileront sans doute la destinée des pays de la région, particulièrement celle de la Syrie, de la Palestine et du Liban, comme elles révéleront le taux de confiance dans les organisations de régulation et de sauvegarde de l’ordre international, établies après les deux guerres mondiales, et la crédibilité de leur rôle et son efficacité.»

Ces lignes sont extraites de l’éditorial que le rédacteur en chef de la revue Proche-Orient chrétien (POC), le Père Gabriel Hachem, a rédigé en liminaire d’un nouveau numéro de cette revue. Cette parution, qui coïncide avec la commémoration des 150 ans de l’Université Saint-Joseph (USJ), marque aussi les 75 ans d’une revue unique en son genre et les 10 ans de son transfert à Beyrouth.

Publiée depuis 1951 à Jérusalem, sous les auspices des Pères blancs (missionnaires d'Afrique) du séminaire Sainte-Anne, à Jérusalem, POC s’est heurtée au tournant du XXe siècle aux bouleversements historiques qui ont marqué l’histoire de la région, comme au vieillissement de la plupart des responsables et collaborateurs. Il fut même question d’en suspendre la publication ou de la fusionner avec d'autres revues.

Conscient de la perte que cela représentait, le recteur de l'USJ, Salim Daccache s.j., alors doyen de la faculté des sciences religieuses, proposa en 2009 d'en assurer la continuation. Début 2015, le transfert de Jérusalem à Beyrouth fut achevé avec succès.

Elle est confiée désormais au Centre d'études, de recherches et de publications de l'Orient chrétien (Cerpoc) de l’USJ. Mémoire vivante de la vie des Églises et du mouvement œcuménique au Moyen-Orient, elle figure depuis 2023 sur la plateforme académique de référence pour les publications scientifiques francophones Cairn.info, qui publie dans les trois langues anglaise, française et espagnole des documents académiques sur les sciences humaines et sociales, les sciences techniques et la médecine.

Dans ce numéro

La synodalité, le dialogue théologique et les relations islamo-chrétiennes sont au cœur de ce numéro. Alors qu’Amphilochios Miltos analyse, de point de vue orthodoxe, l’impact du rapport de la première session de l’Assemblée du Synode des évêques (2023) sur les relations œcuméniques entre catholiques et orthodoxes, Samouil Ibrahim examine l’évolution de l’esprit synodal dans l’Église maronite entre le Synode libanais (1736) et le Synode patriarcal (2003-2006). Une évaluation des relations œcuméniques de l’Église apostolique assyrienne de l’Orient est présentée par Theresia Hainthaler. Vingt ans de dialogue entre l’Église catholique et les Églises orientales orthodoxes sont considérés par Frans Bouwen qui tente une perspective pour l’avenir de ce dialogue. Antoine Messarra dresse un bilan des déclarations communes entre musulmans et chrétiens (1954-2012), édités par l’Institut d’études islamo-chrétiennes de l’USJ à Beyrouth sous la direction de Juliette Haddad et avec la contribution d’Augustin Dupré La Tour et de Hicham Nashabé.

Dans les «Thèmes en contexte», Herman Teule explicite les défis auxquels fait face l’Église chaldéenne et la situation en pays de diaspora. La question de l’émigration des fidèles orientaux en Occident suscite de plus en plus d’intérêt et exige une attention particulière, tel que l’a recommandé l’Assemblée du Synode des évêques à Rome, tout au long du processus synodal, depuis 2021. David Neuhaus révèle la situation dramatique des émigrants en Israël depuis la date fatidique de 7 octobre 2023.

Enfin, dans le cadre de la préparation à la célébration de l’année jubilaire 2025, Thérèse Salwa explore l’enjeu de l’espérance à partir du Forum des jeunes au Liban, lancé par les Jeunes de l’Assemblée des patriarches et évêques catholiques au Liban (APECL). Toute l’actualité des Églises et des pays est transmise dans les chroniques.

Centrage sur la synodalité

Dans ce tumulte, l’Église catholique, via la XVIe assemblée synodale (2023) promulguée par le pape François, propose une voie de renouveau centrée sur la synodalité. Ce concept, ancré dans la tradition orientale, est érigé en pierre angulaire pour une réforme ecclésiale urgente: dépasser cléricalisme et traditionalisme, intégrer femmes et jeunes, et repenser les relations œcuméniques ou islamo-chrétiennes. Les contributions de ce numéro analysent cet enjeu vital – entre espoirs et résistances –, examinant l’héritage des synodes historiques (libanais de 1736, patriarcal de 2003-2006), les avancées du dialogue interreligieux (déclarations communes de 1954-2012) ou les défis des Églises en diaspora.

Les chroniques reflètent également les crises humaines, comme l’exode des chrétiens d’Orient ou la situation des migrants en Israël post-7 octobre 2023, tandis que les commémorations jubilaires (150 ans de l’USJ, 75 ans de la POC) appellent à ancrer l’espérance dans un contexte tourmenté. Un dossier où théologie, géopolitique et quête de dignité humaine s’entrelacent pour interroger l’avenir d’une région à grands risques.

Outre le rédacteur en chef de la revue, P. Gabriel Hachem, prêtre grec-catholique et professeur à la faculté pontificale de théologie de l’Université Saint-Esprit Kaslik, la revue compte aussi Souraya Bechealany, ancienne présidente de conseil des Églises du Moyen-Orient et membre de la Commission mixte de dialogue théologique entre l’Église catholique et les Églises orthodoxes orientales. Directrice du Cerpoc, Mme Bechaalani est par ailleurs membre du comité théologique du Synode des évêques sur la synodalité. La secrétaire de rédaction de POC est Lina Iskandar Hawat, responsable académique du Cycle des études doctorales à la FSR. La coordination des chroniques sera assurée par Sr Tidola Abdo, enseignante à la FSR.

Le comité de rédaction comprend Roula Abi Habib, directrice du Centre d’études pour le monde arabe moderne (Cemam) et professeur à l’USJ; P. Khalil Chalfoun, ancien recteur de l’Université La Sagesse, Joseph Maalouf, professeur à l’Université libanaise, Thom Sicking ancien doyen de la FSR.

Quant au comité scientifique, il compte plusieurs professeurs et chercheurs libanais et étrangers, des théologiens chrétiens et musulmans.

La périodicité de la revue est de 2 numéros par an. POC est vendue uniquement par abonnement au Liban et à l'étranger.
POC est également accessible sur Cairn.info.
ISSN: 0032-9622
Adresse: Proche-Orient chrétien,
Université Saint-Joseph. Faculté des sciences religieuses. Rue de Damas
B.P. 17-5208 Mar Mikhaël
Beyrouth / 1104-2020, Liban

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