
Vincent Delerm revient avec La Fresque, un album poétique et personnel, six ans après Panorama. Un projet dense mêlant musique, images, mémoire et hommage cinématographique.
Dans La Fresque, son huitième opus disponible vendredi, le chanteur et cinéaste Vincent Delerm ouvre les portes de son Panthéon personnel, galerie d’amis ou d’illustres qui défilent depuis 48 ans dans le film de sa vie.
En observateur de l’existence, Vincent Delerm, figure de la chanson française, auteur de documentaires et photographe averti, revient avec un album tout en images et poésie, six ans après Panorama.
Sa Fresque dessine le parcours des cœurs bringuebalés entre désir amoureux, fêtes entre «potes» mais aussi tristesse face à une disparition ou au 13-Novembre. Avec son style au néologisme patronymique – delermien –, l’artiste capte avec subtilité ces instants où gravite une farandole de personnages.
La pochette de l’album est un collage d’une centaine de visages. Qui sont-ils?
«C’est un peu les gens de ma vie et je voulais aussi, comme il y a beaucoup d’anonymes, que ce soit facile de se projeter en se disant : +si j’avais dû découper des gens, qui j’aurais mis ?+ C’est une sorte de petit casting.»
Les parallèles cinématographiques sont nombreux, comme une chanson en référence au compositeur italien de musiques de films Ennio Morricone, mais aussi dans l’instrumentation…
«C’est sûr que les orchestrations en mode musique de film sont souvent là pour souligner un truc de lyrisme, de souffle et d’ambition du projet, de dire : je vais essayer de faire quelque chose qui rend vraiment hommage, comme une sorte d’immense fête où je convoque toutes les idées des gens qui ont été présents dans ma vie, qui m’ont fabriqué. On a évidemment une personnalité propre, mais on est le fruit aussi de hasards de rencontres et de gens qui vous ont un peu marqué au fer rouge.»
Musique, cinéma… L’art est-il votre carburant?
«Je ne me dis pas que l’art, c’est au-dessus du reste. Ça vient du modèle que j’ai eu d’éducation, parce que mes parents ont créé des choses. Mon père faisait des bouquins, ma mère, illustratrice. Mais ils étaient surtout profs. Quand mon père (Philippe Delerm, NDLR) a eu un gros succès avec un de ses livres (La Première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules en 1997, NDLR), il a continué d’être prof. Ils n’ont pas fait de voyages, ils n’ont pas changé de voiture. Ma mère a toujours peint sur la table de la cuisine. Et quand c’était l’heure de manger, elle rangeait ses aquarelles et on foutait les assiettes.»
Votre tournée démarre à l’automne. Qu’aimez-vous dans le live?
«Ce qui est assez génial dans les concerts, c’est le code. C’est-à-dire de savoir que si je fais un silence, c’est voulu. En tournée, où c’est plus des gens qui le découvrent, ça se finit bien mais il y a toujours un moment où ils se disent: attends mais il fait exprès là?».
Vous appréciez ces moments de malaise?
«Je ne cherche pas un malaise, je cherche à créer une possibilité d’autre chose. Sur scène, t’es censé arriver, dérouler ta chanson, une fois que c’est fini, dire : +Ça va Paris ? Vous êtes chauds ?+ Mais tu te dis que ce serait marrant d’essayer de trouver des astuces qui font que la salle va avoir la même ferveur sans passer par ces points de passage-là et, d’une manière générale, par un tempo. Ma pulse musicale est lente. Je l’ai toujours su et j’ai toujours beaucoup bagarré pour la maintenir lente.»
Pourquoi?
«C’est comme une sorte de température de mer bretonne. Une fois que t’es dedans, au bout de cinq minutes, tu te dis: En fait, c’est parfait, ce rythme, il est super. Mais il y a une toute petite acclimatation qui se passe très bien dans les concerts, beaucoup plus qu’en radio. C’est aussi pour ça que je ne fais pas beaucoup de festivals, où les choses sont trop comparées et trop collées les unes aux autres. Il faut profiter du fait que les gens ont réservé la soirée pour venir voir le spectacle et les mettre dans une sorte de bain qui va durer deux heures. J’adore avoir la responsabilité de ce truc-là.»
Par Fanny LATTACH / AFP
Commentaires