Le triangle des Bermudes 
©Ici Beyrouth

La situation au Moyen-Orient est de mauvais augure et laisse peu de place à des schémas de linéarité et de règlement négocié des conflits. L’Iran reprend son narratif habituel fait d’ambiguïté, de communication paradoxale et de contournement des enjeux réels. La pure observation des enjeux politiques en cours nous renvoie à des manœuvres sans fin, aux enfermements idéologiques et aux scénarios de sabotage en cours, alors que les négociations se poursuivent. 

Le régime iranien s’inscrit ostensiblement dans l’esquive, le bluff et la survie, alors que les négociations évoluent dans une dynamique d’épuisement et sans finalité propre, sauf celle du gain de temps et du sabordage le moment venu. Le président Trump devrait cesser de prendre ses attentes pour des réalités et mettre fin aux manœuvres dilatoires. Autrement, il finira par rééditer les mêmes impasses qu’il n’a eu de cesse de critiquer en attaquant les négociations de 2015 de son prédécesseur, Barack Obama.

La version restrictive des négociations en cours fait l’impasse sur la politique de subversion iranienne et se contente du chapitre de l’enrichissement de l’uranium. Le rétrécissement du récit met en relief la volonté délibérée de saboter toute démarche qui remettrait en question la politique impériale iranienne et son narratif. La logique transactionnelle du président Trump achoppe, une fois de plus, sur la centralité des articulations idéologiques et de l’impertinence de la logique des arrangements affairistes. La tactique des retardements cherche à éviter les attaques israéliennes en perspective, à réactiver les friches sécuritaires et à renvoyer aux calendes grecques les politiques de normalisation que projettent les États-Unis. C’est ce qui définit le talon d’Achille de cette diplomatie transactionnelle. 

À défaut d’une remise en cause des prémisses et du calendrier, ces négociations risquent l’enlisement et la banalisation sciemment recherchée par le régime iranien. Le président Trump devrait se dessaisir de ces illusions et cesser de cultiver des attentes fallacieuses. Il suffit de passer en revue les événements en cours sur le plan régional pour revoir un scénario qui se reproduit à l’identique, des négociations rétrécies et des politiques de sabotage en cours de réactivation. Le conflit entre l’administration américaine et le gouvernement israélien sur la portée de ces négociations finira par dérailler le processus dans la foulée de l’enlisement et pavera la voie à une guerre préventive aux conséquences incalculables.

La politique intentionnelle de victimisation du Hamas déborde l’abjection morale qui la définit, vise le processus de normalisation de la politique américaine et entend réactiver les scénarios de chaos et de conflits dans la durée. Les extrémistes israéliens en tirent prétexte pour promouvoir des politiques annexionnistes et changer la donne géopolitique sans égard à toute autre considération. Alors que la contre-offensive israélienne, en détruisant les plateformes opérationnelles de l’expansionnisme israélien, peut offrir à la politique de normalisation américaine des opportunités inimaginables dans la phase antérieure. 

Compte tenu de l’impasse en cours, les diplomaties occidentales doivent s’activer pour débloquer la situation dramatique à Gaza, moyennant la libération inconditionnelle des otages, le retrait du Hamas et la mise en place d’un gouvernement hybride (israélo-palestinien et international) qui devrait organiser la séquence de transition, définir les coordonnées sécuritaires et les schémas de reconstruction. Quelles que soient les objections aux déclarations intempestives du président Macron, cela ne justifierait en aucun cas la démagogie du Premier ministre Netanyahou dans sa référence inopportune aux croisades. Le télescopage idéologique est non seulement inopportun, mais contre-productif. Faute d’une telle dynamique, les contours d’un règlement global du conflit israélo-palestinien, fondé sur les nouvelles réalités géostratégiques et un cadre international de médiation, resteront flous. Il faudrait se rendre à l’évidence et admettre que toute tentative de médiation qui se permettrait d’ignorer les dynamiques de reconfiguration géostratégique sera vouée à l’échec.

Le contexte libanais est un cas d’école lorsqu’il s’agit de définir les effets destructeurs de l’interventionnisme iranien. Ayant servi de plateforme opérationnelle de départ aux entreprises de déstabilisation régionale, le Liban est en voie de désagrégation. La politique de domination chiite a fini par induire un processus d’autodestruction, de décomposition généralisée du tissu conjonctif libanais et de mise à mort du récit national et de ses corrélations civiques. La restructuration hypothétique de l’État libanais bute sur des empêchements majeurs: les extraterritorialités politiques et militaires, l’institutionnalisation de l’interventionnisme iranien, la poursuite de la politique de domination chiite et le maintien de la politique des conflits ouverts dont les effets dévastateurs ponctuent le rythme de la vie quotidienne et s’érigent en obstacles à toute normalisation. 

Le nouvel exécutif, qui doit son statut à la nouvelle dynamique géostratégique, est loin d’en tirer les leçons et préfère s’installer sur les lignes de fracture d’une géopolitique éclatée, au lieu de s’engager délibérément sur la voie de la restauration rendue possible désormais. La mise en application des résolutions internationales (1701, 1680, 1559) étant la condition préjudicielle à toute entreprise de restauration. Les politiques de restriction en vigueur mettent en exergue les clivages idéologiques et stratégiques et leurs effets dirimants, et l’affaissement des institutions et les bornes de l’État de droit autour desquelles devraient s’articuler les allégeances civiques et nationales. 

La tentative désespérée de l’État iranien de remettre en cause la paix civile dans des pays extrêmement fragilisés, de réhabiliter des scènes de chaos et de guerres civiles généralisées au Moyen et au Proche Orient, ressuscite les épisodes qu’on croyait révolus, ceux d’Al-Qaïda et de l’État islamique, alors que la conjonction des dynamiques israéliennes et américaines laissait présager un autre tournant dans une région qui vivait de déboires emboîtés. Le cas de la Syrie est hautement symbolique: réussira-t-elle à se reconstruire sur la base de consensus recoupés, de dynamique inclusive? La réponse se fait attendre. Les mêmes interrogations se posent à l’endroit de l’Irak et du reste de la région éprouvée par des conflits destructeurs.

 

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