Liban/Iran: les sources du mal
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Neuf immeubles totalement détruits; près de 70 autres endommagés; 115 logements réduits en gravats et plus de 850 autres qui ont subi de sérieux dégâts; une cinquantaine de voitures détruites et non moins de 175 entreprises endommagées… Tel est le prix payé par les habitants de la banlieue sud de Beyrouth du fait de la vingtaine de raids effectués jeudi dernier, 5 juin, par l’aviation israélienne afin de détruire les entrepôts et les fabriques de drones aménagés par le Hezbollah dans les sous-sols des quartiers à forte densité de population, transformés par le parti chiite en place forte et en chasse gardée de sa milice pro-iranienne.

Quelques jours auparavant, et pour la troisième fois en moins de trois semaines, les forces de sécurité du nouveau pouvoir en place à Damas saisissaient, près du village syrien de Qousseir, non loin de la frontière libanaise, une importante cargaison de munitions et de roquettes antichars qui devait être introduite clandestinement au Liban à destination du Hezbollah. Parallèlement (heureux hasard!), les agressions perpétrées par «les habitants» (comble de l’hypocrisie hezbollahie) contre les patrouilles de la Finul au Liban-Sud se multiplient, les «habitants» prenant bien soin de hisser, à chaque fois, le drapeau jaune du Hezb sur les véhicules onusiens de la force du maintien de la paix…

Il n’en fallait pas tant pour illustrer une réalité tangible que certains responsables officiels au Liban tentent d’occulter, à l’instar d’ailleurs de divers dirigeants et observateurs occidentaux: les va-t-en-guerre du courant radical en Iran, plus spécifiquement les Pasdaran, et donc aussi leur instrument libanais (le Hezbollah) sont loin d’avoir baissé les armes, dans les deux sens du terme, propre et figuré. La formation pro-iranienne ayant fait le choix de la «servitude volontaire» et étant, de ce fait, idéologiquement, culturellement, financièrement, militairement, et politiquement, totalement tributaire de ses maîtres à penser pour toute option d’ordre stratégique, il devient inutile de poser au directoire du Hezbollah la question qui est sur toutes les lèvres: pour qui, pour quoi, dans quel but, et jusqu’à quand, la population libanaise – et plus particulièrement la collectivité chiite – devrait-elle continuer à être l’otage de la République islamique en vue de la réalisation des intérêts supérieurs et des ambitions géopolitiques du régime des mollahs?  

Il est totalement illusoire de demander à un vassal de se soulever contre son parrain et de «baisser les armes». Opter, par conséquent, pour le «dialogue» illimité, pour la «compréhension», afin de mettre un terme au fait accompli iranien qui a pour vocation de déconstruire l’État central au Liban reviendrait à s’engager sur une voie suicidaire. Faudrait-il rappeler à cet égard que le «dialogue» sur les armes illégales et sur l’élaboration d’une stratégie de défense remonte à… 2006? En vain, évidemment. Et pour cause: les rapports État/Hezbollah répondent au principe des vases communicants en physique: plus le pouvoir central est fort, plus le Hezb s’affaiblit; et plus l’État est faible, plus le Hezbollah se renforce…

Face à des idéologues instrumentalisés par une puissance régionale tyrannique, de surcroît théocratique, le soft power équivaut à faire le jeu du pouvoir paraétatique qui capitalise sur une hypothétique politique d’ouverture pratiquée par l’État pour gagner du temps, reprendre son souffle, reconstruire son arsenal militaire et attendre un renversement de tendance, un nouveau rapport de force à l’échelle internationale, afin de s’abattre une fois de plus sur sa proie. Les tentatives répétées de contrebande d’armes à destination du Hezbollah via la Syrie, l’entreposage et la fabrique de drones dans les sous-sols de la banlieue sud, et les agressions répétées contre la Finul sont sur ce plan des indices révélateurs des véritables desseins du camp iranien.

Il reste qu’une ligne de conduite ferme au plan local risquerait d’être battue en brèche si elle n’est pas accompagnée d’une stratégie intransigeante au niveau des décideurs internationaux dans leurs rapports avec la République islamique. Car c’est bien à Téhéran que se trouvent les sources du mal qui déstabilisent la région. Toute propension à opter pour des compromis boiteux qui accorderaient un sursis à l’aile radicale en Iran aurait pour conséquences inévitables de perpétuer l’instabilité chronique au Liban, de relancer les menaces contre le trafic maritime en mer Rouge, de replonger dans quelques années toute la région dans une nouvelle guerre stérile et, surtout, de permettre aux Pasdaran de tenter de reprendre en main, à leur seul profit, la carte maîtresse de la Syrie… Avec des idéologues belliqueux et jusqu’au-boutistes, la méthode douce aboutit le plus souvent à un dévastateur effet boomerang…

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