
Dans la capitale iranienne, très dépeuplée pour cause de jour férié, des habitants appellent vendredi à la vengeance contre Israël, après son attaque d'une ampleur sans précédent contre des sites nucléaires et militaires et la mort de plusieurs hauts gradés et scientifiques iraniens.
Très remonté contre le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, Abbas Ahmadi, un homme de 52 ans, lance qu'«on ne peut pas laisser ce bâtard» continuer sinon «on finira comme Gaza», dévasté par plus de 20 mois de guerre entre l'armée israélienne et le Hamas palestinien.
«L'Iran doit le détruire, il doit faire quelque chose», tempête cet employé, au volant de sa voiture.
La plupart des rues de Téhéran en ce vendredi sont quasi désertes, la majorité des commerces étant fermés au milieu d'un week-end férié de trois jours à l'occasion de la fête chiite d'al-Ghadir.
Mais dans le centre de la capitale, qui abrite de nombreux bâtiments officiels, des Iraniens sont déjà dans la rue pour manifester contre l'ennemi juré et son allié américain. «Mort à Israël, mort à l'Amérique!», scandent-ils, brandissant des drapeaux iraniens.
Certains portent aussi des portraits du guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, au pouvoir depuis 1989 et ultime décisionnaire. Selon la télévision d'État, des manifestations similaires se tiennent dans d'autres villes.
Plusieurs stations-service sont aussi prises d'assaut avec de longues files d'attente, un phénomène loin d'être inhabituel en Iran en période de tensions.
Dans le quartier cossu de Nobonyad, au nord de Téhéran à quelques pas des majestueux sommets de l'Alborz, deux immeubles résidentiels lourdement endommagés et dont des flammes s'échappent encore, témoignent de la violence de l'attaque israélienne.
Les secouristes s'affairent au milieu des débris dans la zone, bouclée par un important dispositif de sécurité. Des familles en pleurs et des badauds sont réunis à proximité.
«Vivre dans la peur»
«Combien de temps allons-nous encore vivre dans la peur?», s'interroge Ahmad Moadi, un retraité de 62 ans vêtu d'une élégante chemise à rayures.
«En tant qu'Iranien, je pense qu'il doit y avoir une réponse écrasante, une réponse cinglante», dit-il d'un ton posé.
L'Iran et Israël, ennemis jurés depuis la Révolution islamique de 1979, se livrent depuis des années à une guerre de l'ombre.
L'an dernier, les tensions avaient atteint leur paroxysme lorsque l'Iran et Israël avaient à tour de rôle attaqué leur territoire respectif, sur fond de guerre à Gaza.
L'Iran arrête régulièrement des individus présentés comme des espions et a dans le passé accusé Israël d'être à l'origine d'assassinats ciblés ou de sabotages en lien avec son programme nucléaire.
Au moins six scientifiques du programme nucléaire iranien ont été tués vendredi, ainsi que les chefs de l'état-major de l'armée et des Gardiens de la Révolution, armée idéologique de la République islamique.
«Ils ont tué tant de professeurs d'université et de chercheurs, et ensuite ils vont négocier?», déplore M. Moadi, en référence aux Israéliens, que le pouvoir accuse d'être à la solde des États-Unis.
Washington a entamé en avril des négociations avec Téhéran sur son programme nucléaire.
Israël, comme les Occidentaux, accuse l'Iran de vouloir se doter de la bombe atomique et y voit une menace existentielle. Téhéran, qui se défend vigoureusement d'avoir de telles ambitions militaires, dit développer le nucléaire pour des besoins civils, notamment pour l'énergie.
«Un peu de paix»
L'attaque israélienne a été déclenchée alors que l'Iran et les États-Unis devaient mener dimanche un 6e cycle de pourparlers - dont la tenue est désormais incertaine - sur le nucléaire, sous médiation du sultanat d'Oman.
Washington demande le démantèlement complet des activités nucléaires iraniennes, exigence que Téhéran considère comme «non négociable».
«Ils veulent nous priver de notre capacité nucléaire, c'est inacceptable», estime Ahmad Razaghi, 56 ans, au diapason de la position officielle.
Pour Farnoush Rezaï, une infirmière de 45 ans portant un hijab coloré, les frappes israéliennes de vendredi représentent le dernier acte d'un pays proche de «son dernier souffle». Les dirigeants iraniens assurent depuis des décennies qu'Israël disparaîtra «bientôt».
«Si Dieu le veut, au moins un peu de paix en sortira», veut espérer Mme Rezaï.
Par Mostafa DADKHAH, Majid SOURATI et Sébastien RICCI/AFP
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