Si Khamenei disparait, qui prendra la suite ?
©KHAMENEI.IR / AFP

Israël semble déterminé à éliminer le guide suprême iranien Ali Khamenei et saper le système religieux au pouvoir en Iran depuis 1979, mais le pari apparaît risqué, sans aucune certitude sur la suite.

Ali Khamenei «ne peut être autorisé à continuer d'exister», a lancé jeudi le ministre de la Défense israélien Israël Katz, laissant peu de doutes sur les intentions d'Israël.

En frappant d'autres cibles que des sites nucléaires ou de missiles, comme lundi la télévision d'État iranienne, Israël semble déterminé à en finir avec le système au pouvoir, même si ce n'est pas officiellement le but de la guerre.

«Les frappes d'Israël semblent plus avoir pour objectif le changement de régime que la non-prolifération», estime cependant Nicole Grajewski, de Carnegie Endowment.

«Bien sûr Israël cible des missiles balistiques et des sites militaires, mais ils frappent aussi des dirigeants et des symboles du régime», dit-elle à l'AFP.

Coutumier des exécutions ciblées, Israël n'hésite plus depuis le massacre du 7 octobre 2023 perpétré par le Hamas à éliminer des dirigeants réputés intouchables, comme le chef du Hezbollah libanais pro-iranien Hassan Nasrallah à Beyrouth en octobre.

Mais l'élimination du guide suprême iranien, au pouvoir depuis trois décennies, serait un saut dans l'inconnu et pourrait ouvrir une ère encore plus dangereuse et chaotique.

Les dirigeants occidentaux sont hantés par les précédents irakien et libyen : l'invasion américaine en Irak en 2003 et l'intervention militaire de pays de l'Otan en Libye en 2011 ont certes renversé les dictateurs Saddam Hussein et Mouammar Kadhafi mais ont aussi entraîné des guerres civiles sanglantes et des années de chaos.

«La plus grande des erreurs aujourd'hui, c'est de chercher par la voie militaire à faire un changement de régime en Iran, parce que ce sera là le chaos», a mis en garde le président français Emmanuel Macron mardi, en marge du sommet du G7 au Canada.

«Est-ce que quelqu'un pense que ce qui a été fait en 2003 en Irak (...) ce qui a été fait en Libye la décennie précédente était une bonne idée ? Non !», a-t-il lancé.

Le renversement du pouvoir clérical iranien pourrait créer un vide, rempli par les factions les plus radicales des Gardiens de la révolution ou l'armée iranienne, selon Mme Grajewski.

«Si le régime était renversé, l'espoir serait qu'il soit remplacé par un gouvernement libéral et démocratique. Mais il y a une forte probabilité que ce soit plutôt des entités puissantes qui émergent, comme les Gardiens de la révolution», l'armée idéologique de l'Iran.

«Pas d'alternative organisée»

L'opposition iranienne en exil est elle très divisée. Parmi les figures les plus connues, Reza Pahlavi, le fils du shah d'Iran renversé par la révolution islamique de 1979, a déjà estimé que la république islamique était «sur le point de tomber», accusant le guide iranien de se «terrer comme un rat effrayé».

Pahlavi, qui vit aux États-Unis, est partisan de longue date de renouer des liens et de reconnaître Israël, et a refusé de condamner les frappes israéliennes. Mais il est loin de faire l'unanimité en Iran comme dans la diaspora.

Autre grand groupe de l'opposition en exil, les Moudjahidines du peuple (MEK). Leur dirigeante, Maryam Rajavi, a déclaré mercredi devant le parlement européen que «le peuple d'Iran veut la chute du régime».

Mais les Moudjahidines sont méprisés par les autres factions de l'opposition et critiqués par certains Iraniens pour leur soutien à Saddam Hussein pendant la sanglante guerre Iran-Irak (1980-1988).

«Il n'y a pas d'alternative démocratique organisée» au pouvoir actuel en Iran, souligne Thomas Juneau, professeur à l'Université d'Ottawa.

Selon lui, Reza Pahlavi, de loin le dirigeant d'opposition le plus connu, «tend à exagérer le soutien dont il bénéficie à l'intérieur du pays».

«La seule alternative, et cela fait partie des scénarios inquiétants, est un coup d'État par les Gardiens de la Révolution ou le passage d'une théocratie à une dictature militaire.»

«Scénario imprévisible»

Autre facteur d'instabilité, soulignent les analystes, le complexe tissu ethnique de l'Iran, qui comprend d'importantes minorités kurde, arabe, baloutche et turque aux côtés de la majorité perse.

«Des pays hostiles (à l'Iran) vont vouloir exploiter les divisions ethniques», selon Mme Grajewski. «Le scénario du jour d'après demeure imprévisible et pourrait déclencher une déstabilisation régionale à une plus grande échelle encore que celle qu'avait provoqué (la chute du régime de) l'Irak», souligne le groupe de réflexion américain Soufan Center.

Par Stuart Williams / AFP

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