
À l’occasion de la fête des Pères au Liban, Ici Beyrouth a choisi six figures paternelles du cinéma français. Qu’ils soient tendres, paumés, maladroits ou bouleversants, ces pères racontent la famille, l’amour et les petites défaites du quotidien avec humanité.
Le cinéma français a toujours eu une tendresse particulière pour les histoires de famille, les relations qui clochent, les repas qui dérapent, les pères qui tâtonnent. Moins idéalisés que ceux d’Outre-Atlantique, plus souvent défaillants, bourrus, ou tout simplement dépassés, les papas du grand écran hexagonal sont rarement des héros. Et pourtant, c’est justement dans cette humanité imparfaite qu’ils nous touchent. Voici six rôles marquants de pères à la française, drôles, fragiles, bouleversants parfois, mais tous inoubliables.
Claude – La Boum (1980), joué par Claude Brasseur
Dans ce film culte qui a bercé toute une génération, Claude incarne un père divorcé qui tente de rester proche de sa fille adolescente, Vic. Tendre, un peu dépassé, mais toujours là, il représente une figure rassurante dans le tourbillon adolescent. Il apprend à composer avec la distance, les silences, les changements. Claude Brasseur lui donne une chaleur désarmante, une douceur pleine de maladresse mais aussi une capacité rare: celle d’être présent sans étouffer. Il incarne un père «normal», et c’est pour cela qu’on s’y attache tant.
Georges – La Famille Bélier (2014), joué par François Damiens
Georges est sourd, fier de l’être, et soudain confronté à une fille entendante qui veut… chanter. Ce décalage sensoriel crée une vraie fracture émotionnelle. François Damiens y livre une performance pleine de nuances: entre l’humour, l’incompréhension et une immense tendresse. Ce rôle pose une question essentielle: comment rester proche d’un enfant qui prend un chemin que l’on ne peut ni entendre, ni comprendre? C’est un film sur l’autonomie, la transmission invisible et l’amour malgré le fossé.
Henri – Un air de famille (1996), joué par Jean-Pierre Bacri
Henri, patron de bistrot fatigué, ne parle pas beaucoup. Il râle, rumine, mais derrière ses silences, il y a une pudeur immense. Dans ce huis clos de famille où tout se dit à demi-mot ou trop fort, Bacri campe un père paumé, englué dans une routine sans relief. Il ne sait pas montrer l’amour, mais il est là, dans un regard, un geste maladroit. Ce rôle illustre à merveille la figure du père taiseux, mais jamais indifférent, prisonnier de ses propres renoncements.
Bruno – L’Enfant (2005), joué par Jérémie Renier
C’est l’un des rôles les plus bruts du cinéma social européen. Bruno est jeune, sans repères, un peu voyou. Lorsqu’il vend son bébé pour de l’argent, puis tente de le récupérer, le film bascule. La paternité ici n’est pas donnée, elle se construit dans la douleur et la culpabilité. Renier est bouleversant de justesse dans ce rôle d’homme qui comprend trop tard ce que signifie être père. Un récit d’apprentissage inversé, poignant et sans fard.
Antoine Doinel – L’Amour en fuite (1979), joué par Jean-Pierre Léaud
Antoine Doinel, héros de Les 400 coups, est devenu adulte… et père. Mais l’enfant mal aimé qu’il a été plane encore sur sa manière d’être père à son tour. Dans ce film de François Truffaut, la paternité est entremêlée aux souvenirs, aux divorces, aux amours perdues. Léaud, dans son éternelle nervosité, incarne un homme qui cherche à faire mieux que ses parents, sans toujours y arriver. Un rôle subtil, qui montre que devenir père ne fait pas oublier qu’on a été enfant.
Daniel – Trois hommes et un couffin (1985), joué par Roland Giraud
Trois célibataires découvrent un bébé sur leur pas de porte. Panique. Couches. Biberons. Et peu à peu… amour. Daniel, l’un des trois colocataires, va s’attacher profondément à l’enfant. Ce film, drôle et tendre, montre qu’on ne naît pas père, on le devient. Daniel, avec ses maladresses, ses angoisses et sa douceur, incarne cette paternité improvisée, mais sincère. Une comédie culte, qui rappelle que parfois, l’instinct prend le pas sur les plans.
Ces six pères ne sont ni parfaits, ni héroïques. Ils doutent, ils dérapent, mais ils réparent aussi. Chacun, à sa manière, nous raconte quelque chose de précieux sur la paternité: qu’elle n’est jamais simple, qu’elle s’invente, se corrige et se réinvente en permanence. En les regardant vivre, échouer et aimer, on se souvient que l’essentiel n’est pas dans la maîtrise, mais dans la présence, même si cette dernière est imparfaite. Et c’est peut-être là que réside toute la beauté de ces pères du cinéma.
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