
À l’heure où les grandes dynamiques régionales se redessinent, la perspective d’un rapprochement entre Damas et Tel Aviv, autrefois impensable, prend corps. Jeudi, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, a affirmé que l’issue de la guerre avec l’Iran, déclenchée le 13 juin dernier et conclue par un accord de cessez-le-feu, le 24 juin, «pourrait ouvrir la voie à de nouvelles perspectives de paix pour Israël». «Cette victoire offre une opportunité de renforcer considérablement les accords de paix. Nous œuvrons dans ce sens avec détermination», a-t-il déclaré dans un communiqué.
Plus tôt dans la journée du jeudi, le quotidien Israel Hayom rapportait, en citant une source anonyme, que Benjamin Netanyahou et le président américain, Donald Trump, se seraient entendus, lors d’un entretien téléphonique, sur une fin rapide de la guerre à Gaza, potentiellement dans les deux semaines à venir.
Selon le journal, un tel accord pourrait permettre d’élargir les accords d’Abraham en y intégrant l’Arabie saoudite et la Syrie. En contrepartie, Israël appuierait la perspective d’une solution à deux États, à condition que des réformes substantielles soient engagées au sein de l’Autorité palestinienne.
Ici Beyrouth vous propose un aperçu croisé du regard porté par la presse israélienne sur une éventuelle normalisation entre Israël et la Syrie.
Lorsqu’en mai 2025, la décision sur la levée des sanctions américaines contre la Syrie est annoncée par le président Donald Trump, il va sans dire qu’une telle mesure n’était pas inconditionnelle. Le chef d’État américain avait alors précisé que cette disposition devrait impérativement être suivie de l’expulsion des groupes terroristes et du lancement des négociations sérieuses en vue d’une normalisation des relations entre la Syrie et Israël.
Selon plusieurs sources diplomatiques citées par les médias israéliens, cette initiative aurait été encouragée par les Émirats arabes unis et portée sur le terrain par l’envoyé spécial américain pour la Syrie, Tom Barrack.
Le projet se structure donc en silence, mais prit un tournant public le 25 juin, lorsque Tzachi Hanegbi, conseiller israélien à la Sécurité nationale, a confirmé que des discussions quotidiennes sont en cours entre Jérusalem et la nouvelle direction syrienne. Au cœur des pourparlers: la lutte contre l’influence iranienne, la stabilisation sécuritaire du sud syrien et, potentiellement, une réévaluation du statut du Golan en cas d’accord global.
Cette révélation, largement relayée par Israel Hayom, Ynet et la chaîne 13, marque, selon les observateurs cités par ces médias, un tournant symbolique. Si l’impulsion serait venue du bureau de Benjamin Netanyahou, comme le précise Axios, l’initiative reste étroitement encadrée par une série de lignes rouges israéliennes. Parmi elles: l’élimination de toute présence iranienne et du Hezbollah au sud de la Syrie, une démilitarisation complète de la frontière syro-israélienne et une reconnaissance, même implicite, du contrôle israélien sur le Golan, sinon un gel durable des revendications syriennes.
Sur ce dernier point, le Haaretz appelle à la prudence. Le journal rappelle que des pourparlers similaires, notamment en 2008 et 2011, avaient échoué précisément sur cette question du Golan, perçue à Damas comme un enjeu de souveraineté non négociable.
Vers une conclusion des accords d’Abraham?
La possibilité que la Syrie rejoigne les accords d’Abraham alimente les spéculations. The Jerusalem Post souligne que le président syrien Ahmad el-Chareh aurait exprimé une «ouverture conditionnelle» à une normalisation avec Israël, lors d’échanges indirects avec des émissaires américains.
Pour Ynet, l'hypothèse d’une adhésion syrienne serait avant tout un levier diplomatique utilisé par Damas pour obtenir la levée progressive des sanctions occidentales, le retour des investissements arabes, notamment du Golfe, et sécuriser un engagement de non-agression de la part d’Israël.
Israel Hayom relaie, quant à lui, une inquiétude partagée au sein de l’appareil sécuritaire israélien: la nature instable du nouveau régime syrien. Le média estime qu’Ahmad el-Chareh est encore mal connu et que ses alliances fluctuantes (entre Ankara, Washington et le Golfe) suscitent la méfiance. Des analystes cités par d’autres médias israéliens évoquent, dans ce contexte, le risque d’une illusion diplomatique, soulignant que les institutions syriennes sont fragmentées et que le contrôle du nouveau président syrien sur tout le territoire reste fragile.
De fait, plusieurs éditoriaux mettent en garde contre le processus en cours. Pour la chaîne Kan 11, la normalisation ne doit pas être une fin en soi, mais un outil stratégique pour renforcer la sécurité d’Israël et isoler l’Iran.
En outre, une affiche publicitaire de la Coalition israélienne pour la sécurité régionale, promouvant un «nouvel ordre moyen-oriental» et montrant côte à côte Donald Trump, Benyamin Netanyahou et Ahmad el-Chareh a suscité de vives réactions dans le monde arabe, comme rapporté par les médias israéliens. «On vend une paix sans avoir acheté la confiance», résume un chroniqueur du Maariv.
Si les pourparlers entre Damas et Tel Aviv constituent une fenêtre inédite d’opportunité pour une éventuelle normalisation des relations, le chemin reste toutefois semé d’embûches avec une méfiance populaire, des enjeux territoriaux, des rivalités régionales et la nécessité de réformes profondes du régime syrien. Affaire à suivre.
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