
Le Hezbollah n’a pas entraîné les Libanais dans la guerre entre Israël et l’Iran, se contentant de vociférations verbales destinées à ménager sa base et sauver la face après sa déconvenue lors de la guerre des 66 jours avec Israël en octobre dernier.
Il n’en reste pas moins que, selon un diplomate arabe, le Liban est bel et bien concerné par le cessez-le-feu entre les deux puissances régionales, et pour cause. En effet, la trêve s’inscrit dans le cadre du projet de paix que le président américain, Donald Trump, s’efforce de concrétiser au Moyen-Orient.
Cette paix repose sur plusieurs piliers: instaurer une stabilité dans les pays de la région, ce qui passe, au Liban, par le monopole des armes aux mains de l’État; empêcher l’Iran d’avoir accès à l’arme nucléaire; et dissiper les inquiétudes d’Israël.
Donald Trump est résolu à imposer cette paix et n’entend pas reculer sur les conditions posées: pas d’enrichissement en uranium en Iran. Washington se dit prêt à reprendre les frappes militaires contre Téhéran, comme cela avait été le cas précédemment au nom de la sécurité nationale. Ces frappes avaient d’ailleurs abouti à un engagement conjoint iranien et israélien en faveur d’un cessez-le-feu, après les avertissements clairs de Trump sur les conséquences de toute violation.
Selon certaines sources, ces données devraient assurer que le Liban cesse de devenir un champ ouvert à toutes les éventualités et de glisser vers une guerre entre Israël et le Hezbollah qui ferait basculer la région et compromettrait le projet de paix.
La réponse à Barrack
À la veille de la visite de l’émissaire américain, Thomas Barrack, à Beyrouth, les réunions entre le président de la République, Joseph Aoun, le président de la Chambre, Nabih Berry, ainsi qu’avec le Premier ministre, Nawaf Salam, se sont multipliées afin de parvenir à une position commune sur la feuille de route qui doit permettre au Liban d’accompagner le processus régional en cours.
Selon certaines informations, une session extraordinaire du Conseil des ministres devrait se tenir après la commémoration de l’Achoura afin de mettre en place un mécanisme concret concernant la question des armes du Hezbollah et des armes illégales, le dossier des réformes, ainsi que celui des relations libano-syriennes.
Si une position commune se dégage à temps, le président Joseph Aoun remettra à Thomas Barrack une réponse unifiée aux propositions déjà transmises. Dans le cas contraire, il pourrait demander un report jusqu’à la fin de l’année. – un délai que M. Barrack serait disposé à accorder, à condition qu’une décision du Conseil des ministres réaffirme le monopole de l’État sur la détention des armes.
Selon des sources proches du tandem Amal-Hezbollah, Thomas Barrack aurait, lors de sa première visite, salué la manière dont le président Aoun gère le dossier des armes du Hezbollah, soulignant que le démantèlement de cet arsenal constitue la clé de la stabilité.
L’émissaire américain serait également conscient de la nécessité, pour Israël, de respecter le cessez-le-feu avec le Liban – une condition indispensable à un éventuel retrait progressif de l’armée israélienne des cinq points où elle maintient une présence sur le sol libanais. M. Barrack encourage par ailleurs Beyrouth et Damas à engager un dialogue direct avec Tel Aviv en vue de mettre fin à l’état de guerre qui persiste.
Toujours selon ces mêmes sources, M. Barrack entend accélérer les démarches visant à instaurer une paix durable entre le Liban, la Syrie et Israël, lors de son retour prévu à Beyrouth, en principe le 7 juillet.
Dans ce contexte, et à quelques jours de l’arrivée de l’émissaire américain, Walid Joumblatt a envoyé un signal politique fort: lors d’une conférence de presse la semaine dernière, il a plaidé pour le ramassage des armes illégales, affirmant avoir lui-même remis aux autorités celles détenues par ses partisans depuis les événements de mai 2008.
M. Joumblatt avait souligné qu’une nouvelle page s’ouvre au Moyen-Orient, que les modes de confrontation d’autrefois sont désormais obsolètes, et que toutes les armes doivent être remises à l’État. Il a invité l’ensemble des formations libanaises, en particulier le Hezbollah, ainsi que les factions palestiniennes, à s’y conformer selon les modalités définies par les autorités.
Cette nouvelle phase inclut-elle une paix avec Israël? C’est en tout cas l’objectif affiché côté américain et israélien. Le président israélien du Conseil de sécurité nationale, Tzachi Hanegbi, a révélé avoir engagé un dialogue direct avec des figures politiques syriennes, qu’il dit mener personnellement.
De sources libanaises, on tempère, cependant: le Liban a ses propres exigences et spécificités, au premier rang desquelles un retrait israélien complet du territoire libanais, la fin des violations israéliennes quotidiennes de sa souveraineté, ainsi que le respect du cessez-le-feu conclu sous parrainage franco-américain.
Dans cette optique, M. Barrack entend poursuivre la mission amorcée par l’émissaire américain Amos Hochstein concernant la délimitation des frontières avec Israël comme première étape vers la paix, ainsi que le tracé des frontières avec la Syrie.
Quid des frontières avec la Syrie?
Toutefois, des forces politiques souverainistes s’opposent à ce tracé frontalier, arguant que l’accord d’armistice suffit. Selon elles, Israël l’a signé et a reconnu les frontières internationales du Liban telles que délimitées en 1932. Ces forces mettent en garde contre le piège d’une nouvelle délimitation des parcelles de son territoire.
Selon un ancien responsable libanais, la question de la délimitation des frontières entre le Liban et la Syrie avait été évoquée lors du sommet libano-syrien tenu à Damas en août 2008. Le communiqué conjoint affirmait alors «la nécessité du retrait israélien des fermes de Chebaa, des collines de Kfarchouba, et de la partie nord de Ghajar».
Bien que le président syrien de l’époque, Bachar el-Assad ait alors officiellement reconnu la libanité des fermes, il avait néanmoins refusé que le tracé des frontières commence par le sud, exigeant qu’il débute par le nord. L’ancien président libanais Michel Sleiman s’était étonné de cette position, faisant valoir qu’un tracé initié au sud embarrasserait Israël et renforcerait la position du Liban à l’international pour exiger un retrait israélien. Mais cette logique n’avait pas pour autant convaincu Bachar el-Assad.
Des commissions mixtes avaient alors été créées, mais la partie syrienne s’en était vite retirée, invoquant que la délimitation limiterait la liberté de mouvement de la résistance le long de la frontière. Résultat: les frontières sont restées poreuses, laissant la voie libre au trafic d’armes et aux produits illicites.
Quant au nouveau dirigeant syrien, Ahmad el-Chareh, s’il a exprimé devant les responsables saoudiens, français et américains sa volonté de délimiter les frontières avec le Liban, il s’est limité dans les faits à les sécuriser et à y déployer des forces de sécurité syriennes pour freiner le trafic d’armes, en attendant que soit tracée la frontière avec Israël – une étape qu’il considère prioritaire pour rattacher officiellement les fermes de Chebaa à la souveraineté syrienne.
Un diplomate arabe évoque l’émergence d’une nouvelle génération porteuse d’un Moyen-Orient renouvelé, une forme de nouveau Sykes-Picot, non pas fondé sur la redéfinition des frontières, mais sur un profond changement des régimes en place.
Selon lui, aucune partition n’est envisagée. Le véritable enjeu réside dans le remplacement de régimes jugés fondamentalistes et extrémistes. La paix ne saurait s’installer durablement en présence d’armes illégales, d’armes nucléaires ou de gouvernements soumis à des forces intégristes radicales.
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