Syrie: frappes israéliennes sur le QG de l'armée syrienne à Damas
Des fumées s'élèvent après des frappes israéliennes près du quartier général de l'armée syrienne et du ministère de la défense à Damas, le 16 juillet 2025. © Rami al SAYED / AFP

Israël a bombardé mercredi le quartier général de l’armée syrienne et le palais présidentiel à Damas, après avoir averti le gouvernement islamiste au pouvoir de ne pas s’en prendre à la minorité druze dans son bastion de Soueida, où plus de 300 personnes ont été tuées selon un observatoire en raison d’affrontements communautaires.

Mardi, les forces gouvernementales syriennes sont entrées dans la ville druze majoritaire de Soueida, dans le sud du pays, affirmant vouloir superviser un cessez-le-feu convenu avec les chefs de la communauté druze, après des affrontements meurtriers avec des tribus bédouines locales.

Mais selon des témoins, les troupes gouvernementales ont rejoint les Bédouins dans une attaque sanglante contre des combattants et civils druzes à travers la ville.

Ces affrontements marquent l’épisode de violence le plus grave en Syrie depuis les combats d’avril et mai entre forces gouvernementales et combattants druzes dans la province de Soueida et près de Damas, qui avaient fait plus de 100 morts.

Les autorités islamistes au pouvoir en Syrie depuis la chute du président Bachar al-Assad en décembre entretiennent des relations tendues avec les minorités religieuses et ethniques du pays.

Israël s’est présenté comme un défenseur des Druzes, bien que certains analystes estiment qu’il s’agit d’un prétexte pour éloigner les forces syriennes de ses frontières.

La télévision d'État syrienne a rapporté plusieurs frappes israéliennes mercredi près du QG de l'armée et du ministère de la Défense à Damas, tandis que l’armée israélienne a déclaré avoir «frappé l’entrée du quartier général militaire du régime syrien».

Des images de l’AFP ont montré un pan de bâtiment du complexe de la Défense en ruines, avec de la fumée s’élevant au-dessus de la zone visée.

Le ministère syrien de la Santé a indiqué un bilan provisoire de neuf blessés.

La communauté druze de Soueida a annoncé un accord formel avec le gouvernement syrien visant à rétablir la stabilité et à réintégrer la province dans le cadre de l’autorité de l’État.

Dans une déclaration lue par le cheikh Youssef Jarbou, la communauté a réaffirmé la responsabilité de l’État d’assurer la sécurité de la route Damas-Soueida et de garantir la protection de tous les citoyens. L’accord prévoit le retrait de l’armée dans ses casernes et l’activation des forces de sécurité intérieure, les points de contrôle étant désormais tenus par des officiers locaux et des habitants de la province.

Afin de mettre fin à l’usage illégal des armes, la communauté druze s’est engagée à encadrer les armes lourdes et à rétablir l’ensemble des institutions de l’État. Une commission d’enquête sera également créée pour examiner les violations récentes et indemniser les personnes affectées.

La déclaration souligne enfin l’attachement à la justice, à l’égalité et aux droits pleins et entiers des citoyens dans le respect de l’État de droit.

«Un combat existentiel»

Le ministre israélien de la Défense, Israël Katz, a sommé Damas de «laisser les Druzes de Soueida tranquilles», menaçant ensuite d’infliger des «frappes douloureuses» pour «éliminer les forces ayant attaqué les Druzes jusqu’à leur retrait total» du sud syrien.

Israël, qui abrite des dizaines de milliers de Druzes, a annoncé l'envoi de renforts le long de la ligne d'armistice entre le plateau du Golan occupé et le territoire syrien.

Selon un correspondant de l’AFP à Majdal Shams, une ville druze dans le Golan annexé, des dizaines de personnes tentaient de franchir la frontière lourdement fortifiée.

Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, a appelé les Druzes à ne pas franchir la frontière, alertant sur une situation «très grave» à Soueida.

L’armée israélienne a indiqué qu’elle «agissait pour empêcher les infiltrations» depuis la Syrie et pour «rapatrier en toute sécurité les civils ayant franchi la frontière».

En février, Netanyahou avait exigé la démilitarisation totale du sud syrien, avertissant qu’Israël ne tolérerait pas la présence de forces du gouvernement islamiste près de ses frontières.

Le chef spirituel des Druzes en Israël, le cheikh Mowafaq Tarif, a qualifié la situation de «bataille existentielle pour la communauté druze».

L’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) a déclaré qu’au moins 21 civils druzes avaient été exécutés sommairement par les forces gouvernementales.

La présidence syrienne a dénoncé dans un communiqué des «actes odieux» à Soueida, assurant de son «engagement total à enquêter sur les incidents et à punir tous les responsables».

Des tirs sporadiques retentissaient encore à Soueida mercredi, selon un correspondant de l’AFP, tandis que des colonnes de fumée s’élevaient au-dessus de plusieurs quartiers au son des bombardements. Le journaliste a compté environ 30 corps de combattants, certains en civil, d’autres en uniforme militaire.

«Faire marche arrière»

L’OSDH, des témoins et des groupes armés druzes affirment que les forces gouvernementales ont combattu aux côtés des Bédouins contre les Druzes.

Le ministère syrien de la Défense accuse pour sa part des «groupes hors-la-loi» d’avoir attaqué ses troupes à l’intérieur de la ville, ajoutant qu’elles «poursuivent leur riposte aux sources de tirs».

L’Observatoire syrien des droits de l’homme a indiqué que depuis le début des affrontements dimanche, 69 combattants druzes ont été tués, ainsi que 40 civils, dont 27 exécutés sommairement par des membres des ministères de la Défense et de l’Intérieur. Par ailleurs, 165 membres des forces gouvernementales et 18 combattants bédouins ont également été tués, ainsi que 10 agents des services de sécurité du gouvernement dans des frappes israéliennes.

Les tensions entre Bédouins et Druzes remontent à plusieurs décennies. Selon l’OSDH, la récente flambée de violence a été déclenchée par l’enlèvement d’un marchand de légumes druze, entraînant des enlèvements en représailles.

Depuis la chute d’Assad en décembre, les autorités islamistes sont régulièrement accusées de bafouer les droits des minorités religieuses et ethniques.

Les États-Unis, alliés proches d’Israël, ont appelé toutes les parties à «faire marche arrière et à s’engager dans un dialogue significatif en vue d’un cessez-le-feu durable» à Soueida.

L’envoyé spécial américain pour la Syrie, Tom Barrack, a ajouté sur X que «les responsables doivent être traduits en justice».

La France a déclaré que «les exactions contre les civils, que nous condamnons avec la plus grande fermeté, doivent cesser», tandis que l’Union européenne a exhorté «tous les acteurs extérieurs» à «respecter pleinement la souveraineté de la Syrie».

AFP

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