
Pendant que le Liban s'enfonce chaque jour un peu plus dans l'abîme, le gouvernement de Nawaf Salam (à l’exception de deux ou trois ministres) semble s'accrocher à un déni politique aussi irresponsable que dangereux. Loin de s’attaquer aux véritables menaces qui pèsent sur l’existence même de l’État libanais, l’exécutif préfère orchestrer une mise en scène futile d’un Liban vivant, festif, intello et culturel. Une façade qui dissimule mal l’inaction totale face aux enjeux existentiels du pays : la prolifération des armes illégales, la mainmise du Hezbollah sur la souveraineté nationale, les milices palestiniennes incontrôlées, l’absence de stratégie diplomatique pour l’avenir du pays, et l’enlisement sécuritaire du Sud.
Alors que des villages du Liban-Sud et de la Békaa sont bombardés au quotidien, que des familles fuient sous les drones et les obus, que les frontières du pays se dissolvent dans la violence régionale, l’image d’un Premier ministre applaudissant et dansant dans un festival, relève carrément de la provocation. Le contraste est insoutenable. Il n’indique certainement pas une politique de résilience, mais une posture de fuite.
Un pouvoir qui évite les vrais problèmes
Le gouvernement Salam n’est pas seulement inefficace : il est volontairement absent là où il devrait agir. Depuis sa prise de fonction, aucune initiative concrète n’a été entreprise pour régler les problèmes les plus urgents du pays. À commencer par le désarmement des factions palestiniennes, qui continuent d’opérer librement dans les camps, constituant des zones de non-droit où l’État libanais n’a aucune autorité. Ces groupes, liés à des agendas régionaux, sont un facteur de déstabilisation permanent et un terreau idéal pour l’extrémisme.
Pire encore, le gouvernement reste dubitatif sur le dossier du désarmement du Hezbollah. La milice chiite, lourdement armée, impose sa stratégie militaire au pays tout entier, sans consultation du gouvernement ni du Parlement. Chaque escalade avec Israël est décidée à Haret Hreik, et non pas au Grand Sérail. Le gouvernement Salam n’a pas simplement abandonné son rôle sécuritaire ; il a cédé le monopole de la guerre à un groupe politico-militaire. Ce phénomène porte un nom : la démission totale de l’État.
Aucune vision stratégique
Et qu’en est-il des relations extérieures ? Aucun discours courageux sur la nécessité d’entamer, au minimum, une réflexion nationale sur la normalisation avec Israël. Aucun pas vers une médiation durable au Sud. Aucune initiative proactive ou courageuse qui montrerait aux États-Unis une véritable volonté d’aller de l’avant et de rejoindre la nouvelle ère du Nouveau Moyen-Orient, minutieusement étudiée par Donald Trump.
Dans un contexte régional en pleine mutation, où même l’Arabie saoudite et l’Iran discutent, où les Émirats et le Maroc ont normalisé leurs relations avec Tel Aviv, le Liban continue d’être prisonnier d’un dogmatisme stérile et fait preuve d’une lâcheté sans pareille. Plutôt que de proposer un projet clair de reconstruction de l’État, le gouvernement Salam s’éparpille dans des campagnes creuses, des événements culturels télévisés, des partenariats avec des ONG internationales pour « améliorer l’image du Liban » — comme si le problème du pays était cosmétique. Il ne l’est pas. Le problème du Liban est structurel, sécuritaire, politique. Et il exige un État souverain, et non pas une équipe de relations publiques.
La culture comme diversion
Certes, la culture est une composante essentielle et fondamentale de l'identité libanaise. Et il est honorable et nécessaire de célébrer l'art, la musique et la créativité. Mais lorsque la culture devient l’unique terrain d’expression d’un pouvoir, cela vire à l’absurde. Car dans le contexte actuel, ces festivités ne sont plus des gestes de résistance culturelle, mais des écrans de fumée. Des tentatives de distraction collective pour masquer le vide abyssal de gouvernance.
Pendant que Nawaf Salam assiste à des concerts et des représentations, le Hezbollah mobilise ses combattants. Pendant que ses ministres dansent dans les festivals, les Libanais rationnent l’électricité, l’eau, luttent contre la cherté de vie et comptent les drones dans le ciel du Sud en perdant tout espoir en un État capable de les protéger.
Le gouvernement de l’esthétique, pas de la souveraineté
L’histoire jugera sévèrement cette période. Celle d’un gouvernement qui, face au danger, a choisi de détourner les yeux. Qui, face à l’urgence, a choisi l’inaction. Qui, face à la guerre, a choisi le silence. Qui face à une opportunité en or - qui ne se représentera plus - a préféré être poltron. Le Liban n’a pas besoin d’un gouvernement qui se donne en spectacle, mais d’un État. D’un vrai leadership.
Le mandat de Nawaf Salam aurait pu être celui de la reconquête institutionnelle. Il n’est, hélas, que celui d’une esthétique creuse — un pouvoir qui préfère briller dans les salons et les soirées plutôt que défendre la nation.
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