
Depuis la guerre éclair de juin 2025, le régime iranien, affaibli et paranoïaque, a intensifié sa répression à l’encontre des femmes. Appuyé par des technologies de surveillance avancées, des milices relancées et des lois d’un autre âge, le pouvoir cherche à effacer les femmes de l’espace public. Mais malgré la peur et la brutalité, la résistance persiste, discrète mais tenace. En Iran, une guerre silencieuse se joue: celle du régime contre les femmes.
La répression contre les femmes en Iran ne date pas d’hier. Depuis la révolution islamique de 1979, leurs libertés sont encadrées par un système patriarcal institutionnalisé, où chaque aspect de leur vie (éducation, travail, mobilité, expression) est placé sous surveillance. Le port du voile, souvent mis en avant à l’international comme symbole de cette oppression, n’est que la partie la plus visible d’un contrôle plus vaste et plus insidieux. Depuis la guerre des 12 jours en juin 2025, le régime a franchi un cap inédit, mêlant technologies de surveillance, dispositifs paramilitaires et lois liberticides pour tenter d’éteindre la dissidence féminine.
Quadrillage total: la rue, théâtre du contrôle
Face à l’humiliation subie pendant la guerre éclair contre Israël, le régime de Khamenei, affaibli, paranoïaque et fracturé, a renforcé la militarisation de l’espace public. Le retour en force des Komiteh, milices paramilitaires actives dans les années 1980, marque une nouvelle étape. Présentes dans les rues, les écoles, les transports, elles fonctionnent comme une police politique informelle, ciblant prioritairement les femmes.
Depuis le mois de juin, des vidéos virales montrent des femmes traînées au sol, battues ou arrêtées pour «port de vêtements inappropriés». Des rafles ont eu lieu dans le métro, dans les taxis, jusque dans les centres commerciaux. Selon l’agence HRANA, plusieurs femmes ont déjà été interpellées en quelques semaines.
Une circulaire interne à la police, révélée par le média Iran International, ordonne aux agents de «renforcer les contrôles visibles pour donner une impression de toute-puissance de l’État» dans les lieux publics.
Quand l’oppression numérique se déchaîne
Le politologue et chercheur à l’IRIS, David Rigoulet-Roze, explique que ce durcissement sécuritaire ne s’explique pas uniquement par des considérations idéologiques: «Le durcissement des lois vestimentaires et l’exclusion des femmes non voilées des universités ou de la fonction publique rappellent les premières décennies du régime. Mais aujourd’hui, on assiste à un basculement dans un autoritarisme techno-sécuritaire inédit», souligne-t-il.
L’un des aspects les plus préoccupants de cette évolution reste l’utilisation de la reconnaissance faciale alimentée par l’intelligence artificielle pour surveiller les femmes dans les transports, les rues, les centres commerciaux, et même dans les véhicules privés.
Selon les enquêtes de l’organisation américaine IPVM (spécialisée dans l’analyse indépendante des technologies de surveillance), l’Iran a importé des systèmes de reconnaissance faciale de fabricants chinois, notamment Hikvision, des technologies initialement déployées dans la région du Xinjiang contre la minorité ouïghoure.
Ces dispositifs sont aujourd’hui opérationnels dans plusieurs grandes villes iraniennes. Ils permettent d’identifier automatiquement les femmes jugées «déviantes» et de leur infliger des amendes numériques sans contact direct. En cas de récidive, le système prévoit une gradation des sanctions.
Parallèlement, l’application NAZER permet à tout citoyen, passager d’un taxi, usager du métro ou simple piéton, de signaler une femme «en infraction» à partir d’un numéro de plaque ou via une photo.
Selon David Rigoulet-Roze, ce mécanisme glaçant repose sur un principe redoutablement simple: «Il suffit d’un clic. La personne signalée pour bad hijab (mauvaise tenue vestimentaire) est passible d’une amende allant de 160 dollars pour la première infraction à 4.000 dollars en cas de récidives, une amende qu’elle reçoit à domicile. En cas d’impossibilité de régler l’amende, le véhicule utilisé peut même être saisi, mis à la fourrière, voire confisqué définitivement. Quant à la ‘nudité’ en public ou en ligne, elle peut entraîner une arrestation immédiate, des poursuites judiciaires et une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 10 ans, voire une amende dont le montant peut s’élever à 12.000 dollars. Les ‘récidivistes’ encourent une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 15 ans ou une amende de 22.000 dollars.»
Ce système transforme chaque citoyen en auxiliaire de la police morale. Il inscrit la logique de contrôle dans le quotidien, la routine, la mobilité. Ce n’est pas seulement une politique disciplinaire, mais une stratégie bien plus radicale, analyse-t-il: «Ce n’est plus une simple répression morale, c’est une stratégie d’exclusion sociale systématisée: avec potentiellement restriction d’accès aux services publics, voire d’accès aux soins hospitaliers.»
Cette architecture de contrôle repose sur l’automatisation de la punition et l’atomisation de la société, où chacun devient potentiellement surveillant ou surveillé.
«Plus le régime se sent menacé et faible, économiquement, militairement, socialement, plus il resserre l’étau. C’est un symptôme flagrant de son inquiétude», poursuit-il.
Selon le think tank Bourse & Bazaar Foundation, l’Iran a investi massivement depuis 2023 dans «l’automatisation de la moralité publique», en fusionnant IA, dénonciation citoyenne et bases de données.
Invisibiliser pour dominer: on efface les femmes
Le régime s’attaque frontalement à la visibilité des femmes dans l’espace public. Enseignantes, ingénieures, journalistes: toutes peuvent être suspendues ou exclues sous des prétextes flous. Selon Human Rights Watch, on observe une hausse sans précédent du harcèlement professionnel et des interdictions d’exercer, ciblant les femmes qui prennent position publiquement.
«Le gouvernement veut les punir, contrôler leur manifestation corporelle au sein de l’espace public. Il considère la femme comme le vecteur principal de dissidence», commente le politologue.
Depuis juin, plusieurs militantes ont été empêchées de quitter le pays, faute d’autorisation masculine. Le retour de cette mesure archaïque symbolise une volonté de réassigner les femmes à l’espace domestique, comme il le souligne:
«Le régime réactive des dispositifs coercitifs pour préserver, en la réaffirmant, la structure patriarcale traditionnelle potentiellement remise en question.»
Parallèlement, la censure des espaces numériques féminins s’intensifie. Blogs, chaînes Telegram, forums de santé et groupes de parole sont bloqués, fermés ou infiltrés.
«Le pouvoir craint autant la parole numérique que la mobilisation physique. La parole se propage, perdure, s’archive», ajoute-t-il.
Résistances: souterraines mais vivantes
Malgré la répression, la résistance persiste. Des réseaux clandestins, semblables à ceux des femmes afghanes, se développent: entraide éducative, diffusion anonyme d’informations, groupes de soutien domestiques.
«C’est une continuation de ce qui a émergé dès 2022. La rue est devenue trop dangereuse, alors la lutte passe par le numérique, les réseaux socio-culturels parallèles, la solidarité domestique», analyse l'expert.
Ces initiatives, pour l’instant concentrées dans les grandes villes, pourraient, selon lui, servir de socle à une opposition plus large, même si elles restent vulnérables à la surveillance accrue. «Le régime est tellement obsédé par la surveillance en interne de la société, qu’il a fini par en négliger la surveillance en provenance de l’extérieur comme l’infiltration étrangère de ses systèmes de sécurité depuis plusieurs années. C’est sa faiblesse intrinsèque. Le système est répressif, mais instable. Un événement imprévu pourrait tout faire basculer.»
Le pouvoir vacille, les femmes tiennent
«En ciblant les femmes, le régime tente d’anéantir une force sociale qui incarne l’espoir de changement depuis des décennies», déclare Hadi Ghaemi, directeur du Center for Human Rights in Iran.
Le régime de Khamenei sait que museler les femmes revient à étouffer toute aspiration à la liberté dans la société iranienne. Mais il ignore que cette répression n’est pas un rempart inébranlable, mais un aveu de faiblesse et de peur, celui d’un pouvoir en crise, acculé, prêt à tout pour survivre.
Comme l’a déclaré Lyna Maalouf, directrice régionale d’Amnesty International: «Le régime instrumentalise la justice pour écraser toute dissidence, en particulier celle portée par les femmes, qui représentent une menace pour le système.»
Ce constat partagé par de nombreuses ONG souligne une réalité glaçante: face à un pouvoir qui s’écroule petit à petit, les femmes, elles, tiennent debout.
Et malgré la peur, les arrestations, les coups, les femmes iraniennes continuent à résister. Leur combat, ancré dans la dignité et la justice, expose chaque jour un peu plus l’effondrement moral du régime.
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