1957, un crash, de l’or et des zones d’ombre
©Ici Beyrouth

À environ 4 kilomètres de la côte beyrouthine et à 40 mètres de profondeur, repose une énigme oubliée du grand public, mais gravée dans la mémoire de certains plongeurs de sauvetage et vétérans de la mer. Une histoire d’avion, d’or et de manœuvres troubles, qui remonte à 1957.

C’est l’histoire du Curtiss C-46 d’Air Liban, avec à son bord une trentaine de passagers. L’appareil, selon des récits transmis par des témoins et des experts, transportait une cargaison d’or estimée à entre 400 et 450 kilogrammes, en direction du Koweït. Si l’accident en lui-même intrigue, ce qui s’est passé ensuite peut paraître également déroutant. 

Selon un ancien plongeur de sauvetage, formé au repérage par caméras thermiques, interrogé par Ici Beyrouth, un avion, le Boeing 737-8AS immatriculé ET-ANB aurait été volontairement précipité en mer, le 25 janvier 2010. C’est le fameux crash du vol 409 de l’Ethiopian Airlines qui avait décollé ce jour-là de l’Aéroport international de Beyrouth (AIB) en direction d’Addis Ababa. Objectif supposé d’une telle manœuvre, selon le plongeur susmentionné: créer un prétexte pour envoyer un navire de recherche et sonder les fonds marins à la recherche du précieux métal. Il témoigne: «Le kérosène de l’avion laisse une signature thermique visible à la surface de l’eau. On l’a suivie, avec l’armée libanaise, hélicoptère et capteurs à l’appui, jusqu’à localiser précisément l’épave.»

Malgré cela, un imposant navire de récupération a été envoyé bien plus au sud, vers Tyr et Sidon. Et ce, pendant deux mois de recherches coûteuses, dans des zones abyssales atteignant les 2.000 mètres de profondeur. Pourquoi chercher si loin alors que des sièges et débris flottaient à la surface, confirmant une zone d’impact bien plus proche de la côte?

Selon le même témoin, l’opération aurait été maquillée en mission de récupération, sous couverture officielle, mais aurait visé en réalité à exploiter des ressources immergées bien plus lucratives. Il évoque également un accord supposé avec un ancien Premier ministre, qui aurait permis de facturer l’État pour le coût exorbitant de l’opération: «Le petit navire de recherche, c’était déjà 100.000 dollars par jour, sachant que le plus gros, équipé d’un laboratoire, dépassait le demi-million quotidien», dénonce-t-on de même source.

Quant à l’or, personne ne sait ce qu’il est devenu. Le Curtiss C-46 qui le transportait a bel et bien sombré, mais sa cargaison n’a jamais été retrouvée, ni officiellement déclarée. Reste une certitude: quelque part, sous le sable ou dans les eaux peu profondes, un trésor repose dans l’oubli, dissimulé par les décennies et les silences officiels.

Le mystère du Victoria: une épave debout dans les profondeurs

Autre joyau ignoré du patrimoine subaquatique: le HMS Victoria, un navire de guerre britannique coulé à la fin du XIXe siècle repose depuis plus d’un siècle au large de Tripoli. C’est en 1893 que ce fleuron de la marine britannique sombre, à la suite d’une erreur de navigation dramatique, emportant avec lui plus de 350 hommes.

Plantée à la verticale, la proue dans le sable, cette épave est unique au monde. Découverte entre 2010 et 2012 par Christian Francis, grâce aux indications de pêcheurs, elle est pourtant restée hors des radars officiels pendant des décennies.

La raison? L’épave, immergée à 120 mètres de profondeur, était difficilement détectable par sonar. Depuis sa localisation et les tentatives de dynamitage (motivées par l’espoir de trouver un trésor ou des objets de valeur), l’État a restreint tout accès à la zone, sous surveillance militaire constante. Plongée interdite. Protection minimale.

Pourtant, des voix s’élèvent pour que l’épave devienne un site de plongée encadrée, voire un musée sous-marin. Un défi technique, certes, puisqu’il ne serait possible d’y rester que 10 à 15 minutes en plongée technique, mais qui constituerait un levier touristique puissant si la volonté politique existait.

S’il est des découvertes qui marquent une vie, c’est celle du Victoria qui laissa particulièrement son empreinte sur celle de Sean Kingsley. «J’en suis resté stupéfait. L’épave reposait à la verticale, plantée dans les profondeurs. Jamais je n’avais vu un navire préservé de cette manière», déclare le directeur de Wreck Watc» et du Centre for East-West Maritime Exploration (Centre d'exploration maritime Est-Ouest).

Et de s’interroger: «Pourquoi le Royaume-Uni n’a-t-il jamais envoyé une équipe pour documenter et préserver ce vestige exceptionnel de son histoire navale?»  La question mérite, en effet, d’être posée au ministère britannique de la Défense: quelles informations détient-il sur l’état actuel du site? Des mesures ont-elles été prises en coordination avec les autorités libanaises pour en assurer la protection? Que fait-on face au risque de pillage? 

L’absence de stratégie claire, de planification, ou même de revendication, interpelle: comment un tel patrimoine peut-il être abandonné à son sort? Pourquoi ce silence, alors que l’épave est toujours un territoire symbolique du Royaume-Uni?

Le Victoria est plus qu’un naufrage: c’est un témoin figé d’un drame humain, d’une époque et d’un savoir-faire naval. Et pourtant, il repose dans l’oubli, livré aux courants et à l’indifférence. Un joyau historique englouti, dont le destin reste suspendu à des décisions qui tardent à venir. 

Si le Liban regorge donc d’une richesse sous-marine impressionnante, la découverte de ces vestiges ne relève pas de l’évidence, les moyens et techniques d’exploration et d’excavation étant excessivement complexes et onéreuses. 

À suivre...

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