Grossesse tardive: entre joie visible et angoisse silencieuse
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Derrière les sourires des grossesses tardives se cachent parfois des angoisses profondes. Pression médicale, fatigue niée, injonction à la gratitude: les femmes enceintes après 35 ans affrontent des fragilités invisibles, jusqu’au post-partum. Parlons enfin santé mentale maternelle, sans détour.

À 36, 39 ou 42 ans, porter un enfant n’est que rarement le fruit du hasard. Pour beaucoup de femmes, une grossesse après 35 ans s’inscrit dans une trajectoire réfléchie: carrière posée, vie affective stabilisée, ou solitude choisie. Parfois, ce parcours a été semé d’embûches, entre fausses couches, FIV, deuils et renoncements. Cette maternité tardive est souvent vécue comme un privilège, un miracle presque, que l’on regarde avec reconnaissance.

Mais cette gratitude sincère peut devenir un piège. Nombreuses sont celles qui disent ne pas oser se plaindre, par peur d’être jugées ingrates. Derrière le sourire radieux, il y a parfois l’épuisement, l’angoisse de mal faire et le sentiment diffus d’être en décalage.

Selon une étude de l’Inserm, les femmes enceintes après 38 ans présentent davantage de signes anxieux et dépressifs que les plus jeunes, en dépit d’un contexte souvent plus stable. Cette anxiété a plusieurs visages. Il y a d’abord la surveillance médicale renforcée. Dès le début, une grossesse tardive est qualifiée de «à risque». On multiplie les examens, les échographies, les mises en garde. Ce protocole peut rassurer, mais il alimente aussi une logique de contrôle permanent, où chaque étape est vécue comme un obstacle à franchir sans erreur.

Vient ensuite la pression physique et émotionnelle. «Je me suis forcée à tout faire comme si j’avais 30 ans», confiait une mère de 40 ans. «Je voulais qu’on ne voie pas ma fatigue.» La peur de ne pas être «assez» – assez dynamique, assez patiente, assez jeune – devient parfois un moteur anxiogène.

Et puis, il y a le regard des autres. Celui de certains professionnels de santé, pas toujours délicats: remarques sur l’«âge avancé», insistance sur les risques, césarienne présentée comme inévitable. Celui de l’entourage aussi, avec ses compliments en demi-teinte: «C’est bien que tu aies osé», «Tu es courageuse», «Tu ne seras pas trop fatiguée?» Des phrases en apparence anodines, mais qui rappellent la marginalité de cette maternité.

Après la naissance: baby blues ou dépression?

Une fois le bébé né, le tumulte intérieur ne disparaît pas toujours. Le baby blues, cette vague de tristesse et de vulnérabilité qui touche jusqu’à 80% des femmes dans les jours qui suivent l’accouchement, est normal. Mais il peut masquer des états plus profonds.

La dépression post-partum, elle, concerne environ 17% des mères selon Santé publique France. Elle peut survenir dans les semaines ou les mois après la naissance, et se manifeste par une grande fatigue, une perte d’intérêt, des pensées sombres, une culpabilité dévorante. Chez les mères de plus de 35 ans, le risque peut être accru: charge mentale élevée, attente forte envers soi-même, isolement parfois plus grand.

Dans certains cas, le mal-être reste invisible, étouffé par la pression sociale. «J’avais honte d’être triste alors que j’avais enfin un enfant», confiait une patiente en suivi postnatal. L’injonction à la reconnaissance empêche souvent de demander de l’aide. Et pourtant, selon la Drees, le suicide est la première cause de mortalité maternelle en France un an après l’accouchement. Une donnée glaçante qui rappelle l’urgence du repérage précoce et du soutien psychologique.

Longtemps, la santé mentale maternelle a été reléguée au second plan. Aujourd’hui, les choses évoluent lentement. Certaines maternités proposent un entretien postnatal systématique. Des groupes de parole entre mères se développent. Des consultations psychologiques sont remboursées. Mais ces dispositifs restent inégaux, mal connus, parfois insuffisants.

Ce qui manque le plus, c’est sans doute un changement culturel. Dire qu’on est vulnérable ne doit plus être perçu comme un aveu d’échec. On peut être mère, comblée et traversée de peurs ou de chagrins. On peut désirer un enfant et se sentir dépassée une fois qu’il est là.

Les femmes qui deviennent mères après 35 ans portent souvent une histoire dense, parfois cabossée. Elles n’ont pas besoin qu’on les idéalise. Juste qu’on les écoute, pleinement. Car la santé mentale ne s’oppose pas à la maternité tardive: elle en est la condition de vérité.

 

Dépression post-partum: des chiffres trop ignorés

Selon Santé publique France, 16,7% des femmes ayant accouché présentent des symptômes évocateurs de dépression post-partum à huit semaines. Chez les mères de plus de 35 ans, le taux grimpe légèrement, notamment en cas de première maternité. Pourtant, seule une sur trois reçoit un accompagnement adapté. Un enjeu de santé publique encore largement sous-estimé.

 

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