
Les avions sont bondés, les routes saturées, les parkings des plages et restaurants affichent complet... et pourtant, les hôtels et maisons d’hôtes, eux, ne font pas le plein.
En apparence, tout laisse croire à une saison estivale bouillonnante: une diaspora de retour au bercail, un aéroport en surchauffe avec quelque 100 vols par jour, et des autoroutes qui ressemblent à un remake libanais du périphérique parisien. Mais dans les coulisses du tourisme, l’ambiance est moins festive: les établissements hôteliers font grise mine, les taux d’occupation stagnent, et les vrais touristes, ceux qui prennent des photos des cèdres, pas de la table du déjeuner chez téta, se font très rares.
Des chiffres qui piquent un peu
Le président de la Fédération des syndicats touristiques et du syndicat des hôteliers, Pierre Achkar, dresse pour Ici Beyrouth un bilan sans détour: les hôtels de Beyrouth atteignent péniblement les 50% d’occupation, et ceux des zones de montagne plafonnent à 40% (il s’agit de moyennes). On est loin des 70% de 2023, et encore plus des 85 à 95% des belles années.
Même les maisons d’hôtes, souvent plus tendance, accusent le coup: selon Ramzi Salman, président de leur syndicat, le taux d’occupation a chuté de 22% entre le 1er et le 14 juillet 2025 par rapport à la même période en 2023 et 2024. M. Salman considère que la baisse n’est pas catastrophique, mais que la saison n’est pas aussi performante que prévue.
Expats oui, touristes non
Pourquoi ce paradoxe? Parce que la majorité des arrivants ne sont pas des touristes, mais des Libanais de l’étranger qui, souvent, ont déjà une maison, un appartement ou une chambre chez maman. Ajoutez à cela que certains ne viennent que pour un mariage ou une visite familiale express, et on comprend pourquoi les draps et peignoirs restent bien pliés dans les hôtels.
Les hôtels traditionnels ont-ils perdu leur charme?
Pierre Achkar le reconnaît: l’époque où les grands hôtels faisaient rêver est en recul. La tendance est désormais aux établissements de charme, type Relais & Châteaux, ou aux maisons d’hôtes cosy. De plus, le Airbnb, lui, s’est imposé en force, avec environ 10.000 chambres disponibles dans le pays, selon M. Achkar, opérant, sans impôts, sans lois et sans cadre légal.
Une concurrence jugée «sauvage» par les professionnels du secteur, qui appellent à une régulation urgente pour rétablir l’équilibre. M. Achkar précise toutefois qu’il ne s’oppose à l’existence d’Airbnb, mais plaide pour une régulation stricte de ce type de locations, à travers un cadre législatif élaboré en collaboration avec le secteur touristique. «Il s’agit d’une concurrence déloyale qui met en péril le tissu hôtelier traditionnel», prévient-il.
Entre instabilité et prix élevés, un cocktail dissuasif
Comme si cela ne suffisait pas, l’environnement sécuritaire reste préoccupant. M. Achkar rappelle que les conflits dans la région, tout comme les attaques récentes sur le Liban, ont entraîné une cascade d’annulations, aussi bien dans les hôtels que sur les lignes aériennes. À cela s’ajoute la flambée des prix des billets d’avions, qui a calmé les ardeurs de bien des voyageurs potentiels.
M. Achkar tient à rappeler que pour couvrir ses frais de fonctionnement, un établissement hôtelier a besoin d’un taux d’occupation qui varie entre 30 et 50% tout au long de l’année, ce qui est loin d’être le cas.
Bref, le Liban voit revenir ses enfants prodigues, mais ils dorment chez eux et préfèrent des virées ponctuelles. Est-ce la faute aux prix? À la concurrence déloyale? Un peu de tout, sans doute. En attendant, le secteur hôtelier aimerait bien que la prochaine vague… remplisse aussi ses chambres.
Commentaires