Le Libanais Georges Abdallah de retour chez lui après 40 ans de prison en France
Condamné à la perpétuité en France, Georges Abdallah est désormais libre et veut finir ses jours dans son village natal. © Valentine CHAPUIS / AFP

Georges Ibrahim Abdallah a affiché vendredi son soutien inébranlable à la cause palestinienne dès son retour au Liban, après plus de 40 ans derrière les barreaux en France, où il avait été condamné pour complicité d'assassinats de diplomates américain et israélien.

C’est aux cris de «Liberté!» qu’il a été accueilli par des dizaines de sympathisants à sa sortie de l’aéroport international de Beyrouth, où le vol Air France AF564, à bord duquel il se trouvait, a atterri à 14h30 (11h30 GMT).

«Les enfants de Palestine meurent de faim alors que les millions d’Arabes les regardent en spectateurs», a-t-il lancé dans sa première déclaration publique depuis le salon d’honneur de l’aéroport.

«La résistance doit se poursuivre et s’intensifier», a ajouté l’ancien instituteur de 74 ans, à la barbe et à la chevelure blanches, devant ses proches et des personnalités libanaises dont un député du mouvement pro-iranien Hezbollah.

Le gouvernement libanais n’a pas réagi à son arrivée.

Des dizaines de ses partisans, certains brandissant des drapeaux palestiniens ou ceux du Parti communiste libanais, s’étaient rassemblés près du hall des arrivées, selon un correspondant de l’AFP.

«Georges Abdallah est devenu un symbole et une source d’inspiration pour nous tous», affirme Siham Antoun, une professeure de lycée de 56 ans, un keffieh rouge sur les épaules.

«Compagnon de lutte» 

Abed Tabbah, un ancien militant âgé de 75 ans, confie être venu saluer un «ancien compagnon de lutte».

«Georges Abdallah a prouvé au monde entier, et aux Français en particulier, qu’il ne plie pas. Et finalement, ils ont dû céder en le libérant et en lui rendant sa liberté», estime-t-il.

Le chargé d’affaires de l’ambassade du Liban à Paris, Ziad Taan, qui a vu Georges Abdallah avant son départ, a indiqué à l’AFP qu’il était «bien, en bonne santé, très heureux de retourner au Liban auprès de sa famille et de retrouver la liberté».

La cour d’appel de Paris avait ordonné sa libération la semaine dernière, à condition qu’il quitte le territoire français et n’y revienne plus. Il était libérable depuis 1999 mais avait vu ses demandes échouer.

Le parquet général de Paris a annoncé lundi un pourvoi en cassation contre cette décision. Le recours, qui ne sera pas examiné avant plusieurs semaines, n’est pas suspensif et ne pouvait empêcher le départ de Georges Abdallah.

Selon son avocat Jean-Louis Chalanset, qui l’a vu dans sa prison jeudi, «il semblait très heureux de sa prochaine libération, même s’il sait qu’il arrive au Moyen-Orient dans un contexte extrêmement lourd pour les populations libanaises et palestiniennes».

Ces derniers jours, Georges Abdallah a donc vidé sa cellule, décorée d’un drapeau rouge de Che Guevara et débordant de piles de journaux et de livres, qu’il a confiés à son comité de soutien.

Il a donné la majorité de ses vêtements à des codétenus, et n’emporte qu’«une petite valise», selon son avocat.

Il doit se rendre immédiatement dans son village natal de Kobayat (nord du Liban), où «un accueil populaire et officiel lui sera réservé», selon sa famille.

La durée de sa détention est «disproportionnée» par rapport aux crimes commis et au vu de l’âge de l’ancien chef des Farl (Fractions armées révolutionnaires libanaises), avaient jugé les magistrats de la cour d’appel.

«Symbole passé» 

Ce groupuscule libanais marxiste, dissous depuis longtemps, n’a «pas commis d’action violente depuis 1984», avait également relevé la cour, voyant en Georges Abdallah un «symbole passé de la lutte palestinienne».

Tout en déplorant qu’il n’ait pas exprimé de «regret ou compassion pour les victimes qu’il considère comme des ennemis», les juges ont estimé que Georges Abdallah, qui veut «finir ses jours» dans son village, peut-être en s’engageant en politique locale, ne représente plus de risque de trouble à l’ordre public.

À l’époque des faits, dans le contexte de la guerre civile libanaise et de l’invasion israélienne au Sud-Liban en 1978, les Farl ciblaient les intérêts d’Israël et de son allié américain à l’étranger.

Avant l’arrestation de Georges Abdallah en 1984, le groupuscule avait frappé cinq fois en France, tuant deux diplomates en 1982: le lieutenant-colonel américain Charles Ray, puis l’Israélien Yacov Barsimantov, considéré comme le responsable du Mossad en France, abattu par une femme devant son épouse et ses deux enfants.

Identifié par ses empreintes découvertes dans une planque bourrée d’explosifs et d’armes dont le pistolet qui avait servi aux deux assassinats, Georges Abdallah avait comparu seul en 1987. Il avait été condamné à la perpétuité.

Il a toujours nié son implication dans l’assassinat des diplomates, tout en refusant de condamner des «actes de résistance» contre «l’oppression israélienne et américaine».

Par Jonathan SAWAYA, avec Valentin GRAFF à Lannemezan et Marie DHUMIERES à Paris / AFP

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