La proposition de Tom Barrack, un plan en quatre étapes
Le plan de Tom Barrack, révélé par les médias locaux, sera examiné jeudi après-midi par le Conseil des ministres, à Baabda. ©Al Markazia

À l’ordre du jour de la réunion du Conseil des ministres qui s’est ouverte à 15h, au palais présidentiel de Baabda, un seul sujet: la proposition soumise aux autorités libanaises par l’envoyé américain Tom Barrack. Le document original a été révélé par le média local Nidaa al-Watan, jeudi matin, en amont de la réunion ministérielle.

Dans un mémorandum de sept pages, structuré en trois chapitres, Tom Barrack détaille une initiative diplomatique visant à stabiliser durablement le cessez-le-feu entre le Liban et Israël, conclu en novembre 2024. Le texte propose une feuille de route en quatre phases successives, articulée autour du désarmement progressif du Hezbollah, du redéploiement de l’armée libanaise sur l’ensemble du territoire, du contrôle des frontières – y compris avec la Syrie – et d’un vaste soutien international à la reconstruction du pays.

Le document aborde également la lutte contre le narcotrafic, enjeu clé de la stabilité régionale, en conditionnant aides économiques et levée partielle des sanctions à des engagements précis de la part des autorités libanaises, israéliennes et syriennes.

Désarmement du Hezbollah, reconstruction et normalisation régionale

Le texte, qui se présente comme une initiative vers une solution «permanente et globale», porte ainsi sur des réformes sécuritaires majeures, en échange de garanties diplomatiques, économiques et militaires.

Au cœur du mémorandum: l’application intégrale de la résolution 1701 du Conseil de sécurité de l’ONU, adoptée en 2006, mais restée lettre morte. Le document présenté par Barrack prévoit l’extension de la souveraineté de l’État libanais sur l’ensemble du territoire et l’exclusivité de la décision de guerre et de paix par les institutions légitimes. Il évoque notamment le désarmement progressif de tous les acteurs non étatiques, en premier lieu le Hezbollah, dans tout le pays, y compris au nord et au sud du Litani, avec une remise des armes lourdes à l’armée libanaise (missiles, drones, etc.).

Pour garantir cette mise en œuvre, le texte recommande la création d’un mécanisme de suivi piloté par les États-Unis, avec la participation de la France, du Liban, d’Israël et de l’ONU, et la reprise des réunions de coordination à un rythme bimensuel.

Une stratégie en quatre phases

Le plan prévoit une mise en œuvre en quatre étapes, étalées sur 120 jours:

  • Phase I (jours 0 à 15): stabilisation du cessez-le-feu, gel des activités militaires israéliennes et du Hezbollah et approbation formelle du plan par le gouvernement libanais, incluant un engagement explicite au désarmement.
  • Phase II (jours 15 à 60): élaboration et début d’exécution d’un plan de déploiement de l’armée libanaise, soutenu par une assistance technique américaine. Israël commencerait à se retirer des cinq points où ses forces sont présentes à la frontière et les prisonniers libanais seraient libérés via la Croix-Rouge.
  • Phase III (jours 60 à 90): retrait complet du Hezbollah du sud du Litani, renforcement de la présence de l’armée dans la Békaa et dans le Nord, et début de la réhabilitation des infrastructures endommagées.
  • Phase IV (jours 90 à 120): démantèlement total de l’arsenal militaire non étatique, contrôle sécuritaire exercé par l’armée libanaise sur l’ensemble du territoire, délimitation définitive des frontières internationales et organisation d’une conférence économique soutenue par les États-Unis, la France, l’Arabie saoudite et le Qatar en faveur du Liban.

Une normalisation frontalière avec la Syrie

Le mémorandum ne se limite pas à la frontière sud. Il inclut un second chapitre portant sur la démarcation des frontières terrestres et maritimes entre le Liban et la Syrie, encore largement floues, en particulier dans la Békaa, Qalamoun et Wadi Khaled. L’objectif affiché est de restaurer la souveraineté du Liban sur ces zones, freiner le trafic d’armes et faciliter le retour des réfugiés syriens.

Des concessions sont proposées à Damas, notamment la levée conditionnelle de certaines sanctions américaines, en échange d’une coopération dans le processus de démarcation et de réintégration économique progressive des zones frontalières.

Lutte contre le narcotrafic: priorité stratégique

Le troisième volet de l’initiative américaine concerne la lutte contre les réseaux de narcotrafic, en particulier la production et l’exportation de Captagon. Le plan propose la création d’unités spécialisées au sein de l’armée et des forces de sécurité libanaises, une coordination avec la Syrie sous supervision internationale et des incitations économiques en contrepartie des résultats.

La carotte et le bâton

Le mémorandum associe des incitations diplomatiques et financières (conférence économique, promesses d’investissements, levée partielle de sanctions, aide militaire américaine) à des mesures de pression. En cas de non-respect du plan, des sanctions ciblées et un gel des aides sont évoqués.

Ce projet est appréhendé par le tandem Amal-Hezbollah dont les ministres devraient participer à la réunion de Baabda. Deux d’entre eux, Rakan Nasreddine (Santé) et Tamara el-Zein (Environnement) s’étaient retirés de celle de mardi, qui s’était également tenue à Baabda, en signe de protestation contre les délais fixés pour le désarmement.

Selon des informations relayées par le quotidien An-Nahar, les ministres du tandem penchent majoritairement en faveur de la participation à la séance du Cabinet, sans intention de la boycotter. Toutefois, cette participation reposerait sur leur refus de voir le Conseil adopter la feuille de route de Tom Barrack. Si une telle orientation venait à se confirmer, les ministres du tandem se retireraient de la séance afin de priver la décision de son caractère consensuel.

Par ailleurs, la chaîne LBCI a affirmé, de sources proches du tandem, que leur participation au Conseil des ministres serait tributaire des résultats des consultations en cours à plusieurs niveaux. Le tandem chercherait à trouver une formule qui, selon lui, permettrait d’«ajuster le cap».

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