Microplastiques et cerveau: des risques à surveiller
Des recherches aux États-Unis confirment la présence croissante de microplastiques dans le cerveau, une découverte qui alimente les inquiétudes sur les effets neurologiques de cette pollution omniprésente. ©Krizjohn Rosales/AFP

Que font les microplastiques à notre cerveau? La réponse est loin d'être tranchée, mais la question ne peut être éludée alors que des études montrent de plus en plus clairement que ces particules s'accumulent dans notre système nerveux.

Une étude, début 2025, a notamment suscité une grande attention et constitue une avancée notable dans l'évaluation de l'exposition de nos cerveaux aux microplastiques. Publié dans Nature Medicine, ce travail concluait à une «tendance à la hausse de la concentration en microplastiques dans le cerveau et le foie».

Ces conclusions ont largement contribué à ouvrir un nouveau chapitre dans les questionnements plus larges autour des effets pour la santé de ces minuscules particules de plastique: moins de cinq millimètres quand on parle de microplastiques, 1.000 fois moins quand on évoque des nanoplastiques.

Elles sont omniprésentes dans l'environnement et, donc, inhalées ou ingérées quotidiennement par chacun de nous, ce qui en fait un sujet au cœur des négociations qui se rouvrent mardi à Genève pour aboutir à un traité contre la pollution plastique.

Avant le cerveau, des scientifiques ont déjà trouvé ces dernières années des microplastiques dans les poumons, le cœur, le foie, les reins, ou encore dans le placenta et le sang.
L'étude publiée dans Nature Medicine a, elle, été réalisée à partir de l'autopsie d'une cinquantaine de personnes décédées dans l'État américain du Nouveau-Mexique. Une partie de l'échantillon était morte en 2016, l'autre en 2024. Ce travail concluait à la présence systématique de microplastiques dans le cerveau, ainsi qu'à une nette augmentation entre les deux dates.

Un cerveau pourrait ainsi contenir l'équivalent d'une cuillère à café de microplastiques, avait imagé Matthew Campen, chercheur principal de l'étude. Le toxicologue américain avait également estimé que les chercheurs pouvaient extraire environ 10 grammes de plastique d'un cerveau prélevé.
Un chiffre susceptible de marquer les esprits, mais certains spécialistes soulignent que l'étude ne saurait se suffire à elle-même, au vu du faible nombre de personnes et de leur concentration géographique en un seul endroit.

«Même si ce sont des résultats intéressants, il faut les interpréter avec précaution», prévient auprès de l'AFP le chercheur Theodore Henry, spécialiste en toxicologie environnementale à l'université écossaise Heriot-Watt.
Et «à ce stade, les spéculations sur de possibles effets sur la santé s'aventurent bien au-delà des preuves», relativise-t-il.

De même, Oliver Jones, professeur de chimie à l'université australienne RMIT, préfère rester prudent: «Si - et c'est un grand si à mon avis - il y a des microplastiques dans notre cerveau, il n'y a pour l'instant aucune preuve de nocivité», souligne-t-il à l'AFP.

Thromboses chez la souris 

Pour autant, nombre de chercheurs considèrent que cette étude justifie largement de s'interroger sur les effets des microplastiques sur notre cerveau, alors que, depuis quelques années, de premiers éléments apparaissent sur d'autres risques pour la santé.

Une étude publiée en 2024 dans le New England Journal of Medicine montre une association entre l'accumulation de ces particules dans les vaisseaux sanguins et un risque accru de crise cardiaque, d'AVC, voire de décès, chez certaines personnes atteintes d'athérosclérose, une maladie touchant les artères.

À l'heure actuelle, aucune étude de ce type n'existe pour le cerveau et, plus largement, les risques neurologiques associés aux microplastiques chez l'humain. Mais des toxicologues appellent au principe de précaution, citant l'exemple d'autres types de pollution comme celle aux particules fines dans l'air.

«Ce qui est préoccupant pour le cerveau, c'est que les particules fines sont le composant chimique de l'exposome», c'est-à-dire l'ensemble des facteurs environnementaux auxquels est exposée une personne, «qui est le plus associé à la maladie d'Alzheimer», souligne à l'AFP le toxicologue français Xavier Coumoul, professeur à l'Université Paris Cité.

En serait-il de même pour les microplastiques? La réponse n'est pas évidente puisque les particules fines sont d'une «tout autre nature», comme le note M. Coumoul, mais elle mérite plus de recherche, notamment des expériences sur des animaux comme des souris.

Encore peu nombreuses, ces études commencent néanmoins à donner quelques résultats, même s'ils ne peuvent présager à eux seuls d'effets semblables chez l'être humain.
Publié en janvier dans la revue Science Advances, une expérience a par exemple mis en évidence chez des souris les effets délétères de microplastiques dont la présence a été détectée en direct dans le cerveau par des techniques poussées d'imagerie.
Ces microplastiques «peuvent provoquer des thromboses cérébrales (...) et engendrer des troubles neurocomportementaux», concluent les auteurs de cette étude menée en Chine.

Par Julien DURY/AFP 

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